La proposition est on ne peut plus costaude — plus de 4h30 de représentation, 150 ans d’histoire à traverser — mais les personnages et les épisodes sont si bien amenés qu’on regarde la saga des Lehman Brothers, baptisée Chapitres de la chute, avec autant d’appétit qu’une série addictive sur Netflix.
Récit de l’américanité, de l’ambition et de la démesure, la pièce de Stefano Massini nous expose avec humour et efficacité l’ascension des frères Lehman et de trois de leurs descendants, qui furent des pionniers du commerce, de la gestion, puis de la haute finance. L’auteur a le don de trouver les images qui surprennent et qui synthétisent les personnages sans les réduire. Henry est une tête qui réfléchit sans cesse, Emmanuel est un bras qui veut toujours agir, alors que Mayer est une… patate. L’analogie semble facétieuse, et pourtant elle tient la route.
Qu’ils jouent leur vie comme un jeu de hasard ou comme de fins stratèges ne laissant rien au hasard, les Lehman qui nous sont présentés deviennent tangibles, voire attachants, tant leur ascension est grisante et leur chute, rongée de cauchemars.
Maxime Perron joue le premier Lehman débarqué en Amérique, un juif de Bavière confiant, travaillant et ingénieux, fils d’éleveur de bétail, et le dernier, Robert, qui rêvait de cinéma et d’avions plutôt que de marchés boursiers. Tous deux nous laissent une impression aussi nette et forte que le bras interprété par Jean-René Moisan, la patate incarnée par Vincent Champoux, le politicien toujours en désaccord joué par Mustapha Aramis et le cartésien méthodique et redoutablement efficace campé par Nicola-Frank Vachon. Carolanne Foucher et Annabelle Pelletier Legros joueront avec agilité toutes les épouses, charmantes, soumises ou fantasques, mais aussi les vieux actionnaires ou les jeunes esclaves.
Le metteur en scène Olivier Lépine a bien su exploiter chaque perche qui était tendue par l’auteur. Les rêves deviennent une porte d’entrée sur une gestuelle surréaliste. Les sept comédiens, souvent tous sur scène, campent vieillard et enfants, miment des funambules en apesanteur, deviennent les porte-voix démultipliés d’un seul individu. Le focus se déplace constamment, du personnel à la nation, de la famille aux étrangers inconnus dont les destins se croiseront plus tard. À chaque pan d’histoire, une nouvelle manière de narrer, si bien que le spectateur est tenu en haleine, l’esprit en éveil, prêt à rien du prochain trait d’esprit ou à savourer la prochaine courbe inattendue du récit.
La troupe multiplie et assemble avec aisance plusieurs types de jeu et un éventail de voix variées. S’il y a parfois quelques accrocs dans la narration en mitraille, en canon et à l’unisson, l’ensemble est si complexe et le rythme si bien tenu, qu’on passe facilement outre.
Comme pour aider les élèves à retenir les concepts phares d’un cours, les comédiens inscrivent les mots-clés de la saga sur de grands panneaux. L’espace ordonné et minimaliste de la première partie devient un système de tables, de chaises, de modules, de boîtes de papier de plus en plus désorganisé. Le chaos s’installe jusqu’à la chute, inévitable, qui a scellé le sort de la famille légendaire.
Texte et idée originale : Stefano Massini. Traduction : Pietro Pizzuti. Mise en scène et appui dramaturgique : Olivier Lépine. Conseil artistique : Danielle Le Saux-Farmer. Avec : Mustapha Aramis, Vincent Champoux, Carolanne Foucher, Annabelle Pelletier Legros, Maxime Perron, Jean-René Moisan et Nicola-Frank Vachon. Espace scénique : Julie Levesque. Lumière : Bruno Matte. Musique : Josué Beaucage. Une production de Portrait-Robot présentée au Théâtre Périscope jusqu’au 29 septembre 2018.
La proposition est on ne peut plus costaude — plus de 4h30 de représentation, 150 ans d’histoire à traverser — mais les personnages et les épisodes sont si bien amenés qu’on regarde la saga des Lehman Brothers, baptisée Chapitres de la chute, avec autant d’appétit qu’une série addictive sur Netflix.
Récit de l’américanité, de l’ambition et de la démesure, la pièce de Stefano Massini nous expose avec humour et efficacité l’ascension des frères Lehman et de trois de leurs descendants, qui furent des pionniers du commerce, de la gestion, puis de la haute finance. L’auteur a le don de trouver les images qui surprennent et qui synthétisent les personnages sans les réduire. Henry est une tête qui réfléchit sans cesse, Emmanuel est un bras qui veut toujours agir, alors que Mayer est une… patate. L’analogie semble facétieuse, et pourtant elle tient la route.
Qu’ils jouent leur vie comme un jeu de hasard ou comme de fins stratèges ne laissant rien au hasard, les Lehman qui nous sont présentés deviennent tangibles, voire attachants, tant leur ascension est grisante et leur chute, rongée de cauchemars.
Maxime Perron joue le premier Lehman débarqué en Amérique, un juif de Bavière confiant, travaillant et ingénieux, fils d’éleveur de bétail, et le dernier, Robert, qui rêvait de cinéma et d’avions plutôt que de marchés boursiers. Tous deux nous laissent une impression aussi nette et forte que le bras interprété par Jean-René Moisan, la patate incarnée par Vincent Champoux, le politicien toujours en désaccord joué par Mustapha Aramis et le cartésien méthodique et redoutablement efficace campé par Nicola-Frank Vachon. Carolanne Foucher et Annabelle Pelletier Legros joueront avec agilité toutes les épouses, charmantes, soumises ou fantasques, mais aussi les vieux actionnaires ou les jeunes esclaves.
Le metteur en scène Olivier Lépine a bien su exploiter chaque perche qui était tendue par l’auteur. Les rêves deviennent une porte d’entrée sur une gestuelle surréaliste. Les sept comédiens, souvent tous sur scène, campent vieillard et enfants, miment des funambules en apesanteur, deviennent les porte-voix démultipliés d’un seul individu. Le focus se déplace constamment, du personnel à la nation, de la famille aux étrangers inconnus dont les destins se croiseront plus tard. À chaque pan d’histoire, une nouvelle manière de narrer, si bien que le spectateur est tenu en haleine, l’esprit en éveil, prêt à rien du prochain trait d’esprit ou à savourer la prochaine courbe inattendue du récit.
La troupe multiplie et assemble avec aisance plusieurs types de jeu et un éventail de voix variées. S’il y a parfois quelques accrocs dans la narration en mitraille, en canon et à l’unisson, l’ensemble est si complexe et le rythme si bien tenu, qu’on passe facilement outre.
Comme pour aider les élèves à retenir les concepts phares d’un cours, les comédiens inscrivent les mots-clés de la saga sur de grands panneaux. L’espace ordonné et minimaliste de la première partie devient un système de tables, de chaises, de modules, de boîtes de papier de plus en plus désorganisé. Le chaos s’installe jusqu’à la chute, inévitable, qui a scellé le sort de la famille légendaire.
Chapitres de la chute, saga des Lehman Brothers
Texte et idée originale : Stefano Massini. Traduction : Pietro Pizzuti. Mise en scène et appui dramaturgique : Olivier Lépine. Conseil artistique : Danielle Le Saux-Farmer. Avec : Mustapha Aramis, Vincent Champoux, Carolanne Foucher, Annabelle Pelletier Legros, Maxime Perron, Jean-René Moisan et Nicola-Frank Vachon. Espace scénique : Julie Levesque. Lumière : Bruno Matte. Musique : Josué Beaucage. Une production de Portrait-Robot présentée au Théâtre Périscope jusqu’au 29 septembre 2018.