D’emblée, une pièce de théâtre documentaire sous forme de débat traitant de sujets politiques qui polarisent, ce n’est pas très excitant, on espère vivement que le concept sera relevé et on se demande s’il y aura transfiguration du réel. C’est sous-estimer les 18 années d’expérience des Productions Porte Parole et le talent de ces principaux concepteurs : Alex Ivanovici, Annabel Soutar et Brett Watson au texte et Chris Abraham à la mise en scène. L’Assemblée nous tient en haleine du début à la fin tel un suspense politique bien ficelé.
Porte Parole a amorcé un travail de conception sur L’Assemblée depuis 2016 avec comme prémices l’importance de se retrouver dans un lieu de rassemblement — l’agora grecque, le forum romain, bref un espace dans la Cité où toutes les opinions peuvent se faire entendre — pour discuter face à face d’enjeux politiques qui, ailleurs sur les médias sociaux, enflamment et polarisent. Ce projet ne peut pas tomber mieux, suite aux débats sur la question du voile islamique dans l’espace public qui revient ponctuellement, puis l’été chaud de SLĀV et Kanata, les deux pièces de Robert Lepage qui ont suscité les plus vifs débats, principalement sur les questions d’appropriation culturelle et de liberté d’expression. Cette compagnie de création théâtrale, réputée pour utiliser le théâtre documentaire comme cheval de bataille, a une fois de plus frappé dans le mille avec cette pièce. Elle a d’abord convié à une même table, quatre femmes québécoises de différentes cultures aux orientations politiques radicalement opposées. Puis, après un savant travail de coupure et de montage, en conservant les mots exacts des intervenantes originales, chacune de ces femmes est interprétée sur scène par une comédienne. Il y a d’abord Riham (Christina Tannous toute en nuance), musulmane, voilée, trudeauiste qui se dit pour l’Équité. Puis, Josée Rivard (truculente Amélie Grenier), la «Québécoise de souche», vlogueuse dont les propos sans aucun filtre ne manquent pas de choquer tant à gauche qu’à droite — elle se dit «profondément centrée dans marde». Ensuite, Isabelle (Pascale Bussières excellente dans sa froideur), bien que revendiquant le vivre-ensemble, se cantonne dans une pensée de droite bien affirmée. Enfin, Yara (Nora Guerch parfaite pour exprimer la rage de son personnage) d’origine libanaise, immigrante de 2e génération et féministe de 4e vague, taxée, dès son entrée d’antifasciste de l’UQAM par Josée.
Dès les premiers contacts entre ces quatre femmes, la tension monte, les dialogues sont entrecoupés de petites parenthèses où nous avons accès aux pensées des «personnages», belle trouvaille dramaturgique pour briser la linéarité du texte. Pour ajouter à la tension dramatique, une bande sonore (Antoine Bédard) diablement efficace vient accentuer certaines répliques assassines, souligner un mot déplacé, rythmer un débat qui autrement aurait pu être lancinant. Nous avons tout le contraire : une pièce avec une structure dramatique solide, où nous avons de la difficulté à croire que ce sont des personnes réelles derrière ces personnages, tant ils nous paraissent caricaturaux; ceci dit avec tout le respect et l’admiration pour ces quatre femmes, qui se sont prêtées au jeu, et pour les actrices, qui les interprètent avec vérité et sensibilité. Porte Parole nous donne une réponse par le théâtre à une problématique de plus en plus présente : comment réussir à dialoguer dans un monde où la surcommunication provoquée par les médias sociaux devient rapidement sous-communication.
Texte : Alex Ivanovici, Annabel Soutar et Brett Watson. Mise en scène : Chris Abraham. Avec Pascale Bussières, Amélie Grenier, Nora Guerch, Alex Ivanovici, Christina Tannous, Brett Watson. Lumière : Luc Prairie. Conception sonore : Antoine Bédard. Scénographie : Simon Guilbault. Techniciens vidéo : Guillaume Arseneault et Amelia Scott. Costumes : Dominique Coughlin. Une production de Porte Parole, avec la collaboration d’Espace Go. À l’Espace Go jusqu’au 2 décembre 2018.
D’emblée, une pièce de théâtre documentaire sous forme de débat traitant de sujets politiques qui polarisent, ce n’est pas très excitant, on espère vivement que le concept sera relevé et on se demande s’il y aura transfiguration du réel. C’est sous-estimer les 18 années d’expérience des Productions Porte Parole et le talent de ces principaux concepteurs : Alex Ivanovici, Annabel Soutar et Brett Watson au texte et Chris Abraham à la mise en scène. L’Assemblée nous tient en haleine du début à la fin tel un suspense politique bien ficelé.
Porte Parole a amorcé un travail de conception sur L’Assemblée depuis 2016 avec comme prémices l’importance de se retrouver dans un lieu de rassemblement — l’agora grecque, le forum romain, bref un espace dans la Cité où toutes les opinions peuvent se faire entendre — pour discuter face à face d’enjeux politiques qui, ailleurs sur les médias sociaux, enflamment et polarisent. Ce projet ne peut pas tomber mieux, suite aux débats sur la question du voile islamique dans l’espace public qui revient ponctuellement, puis l’été chaud de SLĀV et Kanata, les deux pièces de Robert Lepage qui ont suscité les plus vifs débats, principalement sur les questions d’appropriation culturelle et de liberté d’expression. Cette compagnie de création théâtrale, réputée pour utiliser le théâtre documentaire comme cheval de bataille, a une fois de plus frappé dans le mille avec cette pièce. Elle a d’abord convié à une même table, quatre femmes québécoises de différentes cultures aux orientations politiques radicalement opposées. Puis, après un savant travail de coupure et de montage, en conservant les mots exacts des intervenantes originales, chacune de ces femmes est interprétée sur scène par une comédienne. Il y a d’abord Riham (Christina Tannous toute en nuance), musulmane, voilée, trudeauiste qui se dit pour l’Équité. Puis, Josée Rivard (truculente Amélie Grenier), la «Québécoise de souche», vlogueuse dont les propos sans aucun filtre ne manquent pas de choquer tant à gauche qu’à droite — elle se dit «profondément centrée dans marde». Ensuite, Isabelle (Pascale Bussières excellente dans sa froideur), bien que revendiquant le vivre-ensemble, se cantonne dans une pensée de droite bien affirmée. Enfin, Yara (Nora Guerch parfaite pour exprimer la rage de son personnage) d’origine libanaise, immigrante de 2e génération et féministe de 4e vague, taxée, dès son entrée d’antifasciste de l’UQAM par Josée.
Dès les premiers contacts entre ces quatre femmes, la tension monte, les dialogues sont entrecoupés de petites parenthèses où nous avons accès aux pensées des «personnages», belle trouvaille dramaturgique pour briser la linéarité du texte. Pour ajouter à la tension dramatique, une bande sonore (Antoine Bédard) diablement efficace vient accentuer certaines répliques assassines, souligner un mot déplacé, rythmer un débat qui autrement aurait pu être lancinant. Nous avons tout le contraire : une pièce avec une structure dramatique solide, où nous avons de la difficulté à croire que ce sont des personnes réelles derrière ces personnages, tant ils nous paraissent caricaturaux; ceci dit avec tout le respect et l’admiration pour ces quatre femmes, qui se sont prêtées au jeu, et pour les actrices, qui les interprètent avec vérité et sensibilité. Porte Parole nous donne une réponse par le théâtre à une problématique de plus en plus présente : comment réussir à dialoguer dans un monde où la surcommunication provoquée par les médias sociaux devient rapidement sous-communication.
L’Assemblée
Texte : Alex Ivanovici, Annabel Soutar et Brett Watson. Mise en scène : Chris Abraham. Avec Pascale Bussières, Amélie Grenier, Nora Guerch, Alex Ivanovici, Christina Tannous, Brett Watson. Lumière : Luc Prairie. Conception sonore : Antoine Bédard. Scénographie : Simon Guilbault. Techniciens vidéo : Guillaume Arseneault et Amelia Scott. Costumes : Dominique Coughlin. Une production de Porte Parole, avec la collaboration d’Espace Go. À l’Espace Go jusqu’au 2 décembre 2018.