À partir d’un exercice proposé par Alexandre Fecteau (Changing Room, NoShow), le collectif Wolfe s’est interrogé sur quatre grands thèmes d’actualité : antiféminisme, anti-immigration, climatoscepticisme et persistance du catholicisme dans le débat sur la laïcité. Les jeunes artistes de la cohorte 2017 du Conservatoire de théâtre jouent depuis deux ans aux enquêteurs et enquêtrices de fond. Empruntant les stratégies du metteur en scène, ces esprits perspicaces ont rencontré des personnes clé, pro et contra, de divers horizons au Québec.
Les gradins répartis sur les quatre murs de la salle du Périscope dégagent au centre un carré, qui devient l’agora de toutes les rencontres. Dans les premières rangées, les artistes, chacun et chacune spécialiste d’un sujet d’enquête, viennent présenter les résultats de leurs rencontres se glissant dans la peau des protagonistes interviewé·es dans le cadre de leurs recherches. Les projections sur le plancher illustrent les propos, ajoutent du texte, etc. En soir de première, les intervenant·es sociopolitiques du champ gauche présent·es — Maxime Fiset (ex-néonazi qui livre son expérience dans le documentaire La Bombe), Catherine Dorion (poète, actrice et députée de QS dans Taschereau), Marlène Tremblay (animatrice de groupe populaire) et Jacques Fiset (équipe Jean-Paul L’Allier) — portaient une grande attention aux propos rapportés. Mais l’enquête a aussi donné la parole aux climatosceptiques comme Christian Rioux (blogue Science et politique), aux antiféministes comme Lise Bilodeau (présidente de l’Action de Nouvelles Conjointes et Conjoints du Québec), aux groupes anti-immigration comme Dave Treg (fondateur de Storm Alliance) et Patrick Beaudry (fondateur de La Meute).
Principe d’indécidabilité
Pour donner la parole aux adversaires sur ces questions d’actualité, Entre autres déplace et concentre le débat en trois petites heures. La confrontation des points de vue dans le cadre d’une représentation théâtrale nous révèle les personnages dans leur humanité, au quotidien, presque sympathiques. Mais les quatre thèmes abordés convergent tous vers des situations conflictuelles à portée universelle. Violence du racisme et des guerres de religion; destruction des écosystèmes vers un écocide que les climatosceptiques continuent de nier; laïcité vs religion; féminisme et égalité, mais aussi les dérives antiféministes qui ont mené entre autres à la tuerie de Polytechnique; et, sous-jacent à ce délitement social et politique, le terrorisme et l’assassinat comme instruments normalisés des extrémistes de tous acabits.
Les propos juxtaposés ainsi nous laissent finalement dans le même état de confusion mentale que les bribes d’actualité dispersée dans les médias sociaux. Les extrémistes se complaisent dans leur position rassurante, sans tenir compte de la complexité du monde. Les autres sont coincés dans le principe d’indécidabilité, car, comme le souligne un des intervenants dans une boutade célèbre : « Tout est vrai et son contraire ». En ce sens, le spectacle ne donne pas de réponse, il transpose le réel tel qu’on peut l’appréhender dans la vie de tous les jours. Il montre aussi bien la faiblesse de certains argumentaires et le repli sur soi de plusieurs protagonistes que la justesse et la tempérance des autres (Serge Mongeau, Mohamed Labidi, Catherine Dorion…)
À partir d’un échantillonnage prélevé sur une jeunesse engagée politiquement, les sept comédien·nes y allant de leur propre biographie comme d’une déclaration de principe, et de la rencontre des forces adverses des champs sociopolitiques, Entre autres se veut une mise à jour du tissu social en pleine métamorphose. La mise en scène inclusive et l’entrecroisement des discours construisent un canevas morcelé, mais tout de même crédible de l’état des lieux. Paralysée dans le maelstrom des crises climatiques, migratoires, religieuses et féministes, Blanche devient porte-parole de son équipe lorsqu’elle lance une ultime phrase désespérée : « J’ai peur d’arrêter d’avoir peur, j’ai peur de ne plus être capable de rêver. »
Entre autres
Texte et idée originale : Collectif. Mise en scène : Alexandre Fecteau Dramaturgie : Alexandre Fecteau. Assistance à la mise en scène : Stéphanie Hayes. Distribution : Laura Amar, Michel Bertrand, Étienne D’Anjou, Blanche Gionet Lavigne, Vincent Legault, Vincent Massé Gagné et Marianne Bluteau. Conception : Émile Beauchemin, Mathieu C. Bernard, Marianne Lebel, François Leclerc. Direction technique : Cassandra Duguay. Direction artistique : Alexandre Fecteau. Une co-production du Collectif Nous sommes ici et du Collectif Wolfe présentée au Périscope jusqu’au 11 mai.
À partir d’un exercice proposé par Alexandre Fecteau (Changing Room, NoShow), le collectif Wolfe s’est interrogé sur quatre grands thèmes d’actualité : antiféminisme, anti-immigration, climatoscepticisme et persistance du catholicisme dans le débat sur la laïcité. Les jeunes artistes de la cohorte 2017 du Conservatoire de théâtre jouent depuis deux ans aux enquêteurs et enquêtrices de fond. Empruntant les stratégies du metteur en scène, ces esprits perspicaces ont rencontré des personnes clé, pro et contra, de divers horizons au Québec.
Les gradins répartis sur les quatre murs de la salle du Périscope dégagent au centre un carré, qui devient l’agora de toutes les rencontres. Dans les premières rangées, les artistes, chacun et chacune spécialiste d’un sujet d’enquête, viennent présenter les résultats de leurs rencontres se glissant dans la peau des protagonistes interviewé·es dans le cadre de leurs recherches. Les projections sur le plancher illustrent les propos, ajoutent du texte, etc. En soir de première, les intervenant·es sociopolitiques du champ gauche présent·es — Maxime Fiset (ex-néonazi qui livre son expérience dans le documentaire La Bombe), Catherine Dorion (poète, actrice et députée de QS dans Taschereau), Marlène Tremblay (animatrice de groupe populaire) et Jacques Fiset (équipe Jean-Paul L’Allier) — portaient une grande attention aux propos rapportés. Mais l’enquête a aussi donné la parole aux climatosceptiques comme Christian Rioux (blogue Science et politique), aux antiféministes comme Lise Bilodeau (présidente de l’Action de Nouvelles Conjointes et Conjoints du Québec), aux groupes anti-immigration comme Dave Treg (fondateur de Storm Alliance) et Patrick Beaudry (fondateur de La Meute).
Principe d’indécidabilité
Pour donner la parole aux adversaires sur ces questions d’actualité, Entre autres déplace et concentre le débat en trois petites heures. La confrontation des points de vue dans le cadre d’une représentation théâtrale nous révèle les personnages dans leur humanité, au quotidien, presque sympathiques. Mais les quatre thèmes abordés convergent tous vers des situations conflictuelles à portée universelle. Violence du racisme et des guerres de religion; destruction des écosystèmes vers un écocide que les climatosceptiques continuent de nier; laïcité vs religion; féminisme et égalité, mais aussi les dérives antiféministes qui ont mené entre autres à la tuerie de Polytechnique; et, sous-jacent à ce délitement social et politique, le terrorisme et l’assassinat comme instruments normalisés des extrémistes de tous acabits.
Les propos juxtaposés ainsi nous laissent finalement dans le même état de confusion mentale que les bribes d’actualité dispersée dans les médias sociaux. Les extrémistes se complaisent dans leur position rassurante, sans tenir compte de la complexité du monde. Les autres sont coincés dans le principe d’indécidabilité, car, comme le souligne un des intervenants dans une boutade célèbre : « Tout est vrai et son contraire ». En ce sens, le spectacle ne donne pas de réponse, il transpose le réel tel qu’on peut l’appréhender dans la vie de tous les jours. Il montre aussi bien la faiblesse de certains argumentaires et le repli sur soi de plusieurs protagonistes que la justesse et la tempérance des autres (Serge Mongeau, Mohamed Labidi, Catherine Dorion…)
À partir d’un échantillonnage prélevé sur une jeunesse engagée politiquement, les sept comédien·nes y allant de leur propre biographie comme d’une déclaration de principe, et de la rencontre des forces adverses des champs sociopolitiques, Entre autres se veut une mise à jour du tissu social en pleine métamorphose. La mise en scène inclusive et l’entrecroisement des discours construisent un canevas morcelé, mais tout de même crédible de l’état des lieux. Paralysée dans le maelstrom des crises climatiques, migratoires, religieuses et féministes, Blanche devient porte-parole de son équipe lorsqu’elle lance une ultime phrase désespérée : « J’ai peur d’arrêter d’avoir peur, j’ai peur de ne plus être capable de rêver. »
Entre autres
Texte et idée originale : Collectif. Mise en scène : Alexandre Fecteau Dramaturgie : Alexandre Fecteau. Assistance à la mise en scène : Stéphanie Hayes. Distribution : Laura Amar, Michel Bertrand, Étienne D’Anjou, Blanche Gionet Lavigne, Vincent Legault, Vincent Massé Gagné et Marianne Bluteau. Conception : Émile Beauchemin, Mathieu C. Bernard, Marianne Lebel, François Leclerc. Direction technique : Cassandra Duguay. Direction artistique : Alexandre Fecteau. Une co-production du Collectif Nous sommes ici et du Collectif Wolfe présentée au Périscope jusqu’au 11 mai.