Créé il y a deux ans dans le cadre des 5 à 7 de la Licorne, L’Amour est un dumpling revient au menu du théâtre sis rue Papineau et suscite une réflexion sur les choix que nous faisons et les options qui ne sont pas retenues, mais qui ne manquent pas de nous hanter. Après tout, ce n’est pas parce que la formule d’origine écossaise A Play, A Pie and A Pint (ici transposé en la proposition : une bière, des dumplings et une pièce) est hautement sympathique qu’on ne peut pas aborder, tout en humour, des thèmes riches tels le conformisme, les compromis que l’on impose à ses rêves, le poids des responsabilités et la nostalgie pour les amours mortes… qui ne le sont pas toujours tout à fait.
Après sept ans de séparation, un ancien couple, Marc et Claudia, qui formait aussi un groupe musical, se donne rendez-vous dans un restaurant chinois. Les raisons de cette rencontre sont d’abord floues, puis s’éclairent — évitons ici de divulgâcher —, laissant du même coup remonter à la surface des malentendus, des blessures plus ou moins cicatrisées, des aveux ainsi que des pulsions refoulées.
Non seulement est-ce un plaisir de retrouver le duo qui nous offrait Coco en 2016 (un texte de Doummar, une mise en scène de Quesnel), mais à celui-ci se greffe Simon Lacroix, l’un des membres du Projet Bocal. De leurs trois plumes naît un texte au rythme imparable et à la drôlerie irrésistible. Les effets comiques sont habilement intégrés à une trame narrative qui fonctionne très bien, d’autant plus qu’elle est adroitement servie par la mise en scène de Mathieu Quesnel.
L’aire de jeu, soit la salle de répétition du Théâtre de la Licorne, est aussi particulièrement bien exploitée, qu’il s’agisse des grandes fenêtres devant lesquelles est installée la table du restaurant, de l’arrière de la pièce où trônent des micros destinés à d’éventuel·les musicien·nes engagé·es pour distraire les client·es ou encore de la terrasse, où le personnage du jeune homme se réfugie, tantôt pour fumer une cigarette, tantôt pour hurler son désarroi. La scénographie de Sylvain Genois, minimaliste mais rudement efficace, est digne de mention. Jolie trouvaille : l’inconfort physique créé par une table sans chaises et entourée de coussins fait écho au sentiment de malaise que suscite cette rencontre après une si longue période d’éloignement. Participent aussi à déstabiliser les protagonistes, les interventions philosophico-mystérieuses de la propriétaire du restaurant, incarnée par l’autrice d’origine chinoise Zhimei Zhang (Ma vie en rouge : Une femme dans la Chine de Mao).
À quelques reprises, le personnage de Marc s’adressera à elle dans sa langue maternelle… répliques que très peu de spectateurs et spectatrices seront en mesure d’apprécier. Cela dit, c’est la présence de l’anglais dans le texte qui agace davantage. Alors que la propriétaire du restaurant, bien qu’elle-même ne maîtrise pas assez la langue de Molière pour la parler avec aisance, invite explicitement sa clientèle à lui parler français, le couple persiste à employer avec elle celle de Shakespeare. Pourquoi? Il y a même une scène où les deux convives tentent de gérer leur embarras en s’exprimant, entre eux, en anglais. Ajoutons à cela les chansons — par ailleurs interprétées avec talent par Lacroix et Doummar —, elles aussi tirées du répertoire anglophone, et il résulte de cette équation un spectacle pratiquement bilingue. Est-ce une métaphore? Une prise de position politique? Permettons-nous d’entretenir une certaine perplexité quant à ce choix artistique.
Au chapitre des bémols, les propos sur la banlieue et ses habitant·es qui, forcément, ne peuvent être aussi heureux que les résident·es du Plateau Mont-Royal, sans compter la piètre image que les premiers projettent aux yeux des seconds, ne pêchent pas par excès d’originalité. Il reste que L’Amour est un dumpling est une pièce délicieuse (autant que les raviolis chinois offerts avant la représentation) qui donne envie d’aller savourer les prochains 5 à 7 de la Licorne, en espérant qu’ils soient aussi réussis.
Texte : Mathieu Quesnel et Nathalie Doummar, en collaboration avec Simon Lacroix. Scénario et mise en scène : Mathieu Quesnel. Scénographie, costumes et accessoires : Sylvain Genois. Éclairages : Renaud Pettigrew. Avec Nathalie Doummar, Simon Lacroix et Zhimei Zhang. Présenté par La Table basse et le Théâtre de la Manufacture au Théâtre de la Licorne jusqu’au 29 mai.
Créé il y a deux ans dans le cadre des 5 à 7 de la Licorne, L’Amour est un dumpling revient au menu du théâtre sis rue Papineau et suscite une réflexion sur les choix que nous faisons et les options qui ne sont pas retenues, mais qui ne manquent pas de nous hanter. Après tout, ce n’est pas parce que la formule d’origine écossaise A Play, A Pie and A Pint (ici transposé en la proposition : une bière, des dumplings et une pièce) est hautement sympathique qu’on ne peut pas aborder, tout en humour, des thèmes riches tels le conformisme, les compromis que l’on impose à ses rêves, le poids des responsabilités et la nostalgie pour les amours mortes… qui ne le sont pas toujours tout à fait.
Après sept ans de séparation, un ancien couple, Marc et Claudia, qui formait aussi un groupe musical, se donne rendez-vous dans un restaurant chinois. Les raisons de cette rencontre sont d’abord floues, puis s’éclairent — évitons ici de divulgâcher —, laissant du même coup remonter à la surface des malentendus, des blessures plus ou moins cicatrisées, des aveux ainsi que des pulsions refoulées.
Non seulement est-ce un plaisir de retrouver le duo qui nous offrait Coco en 2016 (un texte de Doummar, une mise en scène de Quesnel), mais à celui-ci se greffe Simon Lacroix, l’un des membres du Projet Bocal. De leurs trois plumes naît un texte au rythme imparable et à la drôlerie irrésistible. Les effets comiques sont habilement intégrés à une trame narrative qui fonctionne très bien, d’autant plus qu’elle est adroitement servie par la mise en scène de Mathieu Quesnel.
L’aire de jeu, soit la salle de répétition du Théâtre de la Licorne, est aussi particulièrement bien exploitée, qu’il s’agisse des grandes fenêtres devant lesquelles est installée la table du restaurant, de l’arrière de la pièce où trônent des micros destinés à d’éventuel·les musicien·nes engagé·es pour distraire les client·es ou encore de la terrasse, où le personnage du jeune homme se réfugie, tantôt pour fumer une cigarette, tantôt pour hurler son désarroi. La scénographie de Sylvain Genois, minimaliste mais rudement efficace, est digne de mention. Jolie trouvaille : l’inconfort physique créé par une table sans chaises et entourée de coussins fait écho au sentiment de malaise que suscite cette rencontre après une si longue période d’éloignement. Participent aussi à déstabiliser les protagonistes, les interventions philosophico-mystérieuses de la propriétaire du restaurant, incarnée par l’autrice d’origine chinoise Zhimei Zhang (Ma vie en rouge : Une femme dans la Chine de Mao).
À quelques reprises, le personnage de Marc s’adressera à elle dans sa langue maternelle… répliques que très peu de spectateurs et spectatrices seront en mesure d’apprécier. Cela dit, c’est la présence de l’anglais dans le texte qui agace davantage. Alors que la propriétaire du restaurant, bien qu’elle-même ne maîtrise pas assez la langue de Molière pour la parler avec aisance, invite explicitement sa clientèle à lui parler français, le couple persiste à employer avec elle celle de Shakespeare. Pourquoi? Il y a même une scène où les deux convives tentent de gérer leur embarras en s’exprimant, entre eux, en anglais. Ajoutons à cela les chansons — par ailleurs interprétées avec talent par Lacroix et Doummar —, elles aussi tirées du répertoire anglophone, et il résulte de cette équation un spectacle pratiquement bilingue. Est-ce une métaphore? Une prise de position politique? Permettons-nous d’entretenir une certaine perplexité quant à ce choix artistique.
Au chapitre des bémols, les propos sur la banlieue et ses habitant·es qui, forcément, ne peuvent être aussi heureux que les résident·es du Plateau Mont-Royal, sans compter la piètre image que les premiers projettent aux yeux des seconds, ne pêchent pas par excès d’originalité. Il reste que L’Amour est un dumpling est une pièce délicieuse (autant que les raviolis chinois offerts avant la représentation) qui donne envie d’aller savourer les prochains 5 à 7 de la Licorne, en espérant qu’ils soient aussi réussis.
L’Amour est un dumpling
Texte : Mathieu Quesnel et Nathalie Doummar, en collaboration avec Simon Lacroix. Scénario et mise en scène : Mathieu Quesnel. Scénographie, costumes et accessoires : Sylvain Genois. Éclairages : Renaud Pettigrew. Avec Nathalie Doummar, Simon Lacroix et Zhimei Zhang. Présenté par La Table basse et le Théâtre de la Manufacture au Théâtre de la Licorne jusqu’au 29 mai.