Avec l’évolution des technologies de communication et les réseaux sociaux, devenir populaire est accessible à tous, même sans talent. La dernière production de la saison du Théâtre du Rideau Vert offre une intéressante réflexion sur la définition de l’artiste, la légitimité du comique et la précellence supposée de la popularité. Être connu du plus grand nombre semble en effet être devenu une panacée pour les jeunes générations, nonobstant un talent, un don artistique ou une démarche originale.
Le Schpountz est à l’origine un film de Marcel Pagnol dans lequel le célèbre comique français Fernandel joue le personnage d’Iréné Fabre, fainéant neveu d’un épicier du Sud de la France, qui se rêve comédien à succès. Son ego et sa naïveté surdimensionnés l’enferment dans un mensonge abyssal, qui sera mis en lumière par une farce dramatique d’une équipe de tournage lui promettant une carrière au grand écran. Marcel Pagnol a concentré dans ce scénario toutes ses critiques envers un milieu du cinéma prétentieux, sentencieux et vaniteux. Il fait aussi l’éloge du style comique avec une tirade formidable sur l’utilité sociétale de l’humour et du divertissement, en opposition à un intellectualisme affecté.
L’adaptation d’Emmanuel Reichenbach pour le Rideau Vert a su garder l’essence du texte original, et certains dialogues finement ciselés de Pagnol, tout en y ajoutant une contemporanéité québécoise éloquente. Dans la mise en scène de Denise Filiatrault, qui tend malheureusement trop souvent vers le burlesque, le personnage principal s’appelle Théo Désilets et vient de la Côte-Nord. Naïf et benêt, il aspire à une vie rêvée sous les projecteurs, au cinéma ou à la télévision, à l’image de Roy Dupuis dont il admire l’œuvre et surtout la vie. Le passage d’une équipe de tournage dans son village va être l’occasion de montrer son talent supposé et d’être tourné en ridicule par une réalisatrice et son chef opérateur. Mais, assuré de son don naturel, il ira jusqu’au bout de sa détermination.
Rémi-Pierre Paquin défend relativement bien son personnage. Il manque toutefois l’ironie qu’induisait la présence de Fernandel incarnant un comédien qui refusait d’être comique. Par contre, il règle autant ses comptes avec le milieu de la télévision, les médias, et le snobisme d’une clique envers les classes populaires. Les partitions de Marilyse Bourke et Stephan Allard, les artisan·es qui tournent en dérision le brave quidam, manquent de conviction et de solidité. On ne sent à aucun moment leur jubilation à se moquer du Schpountz. Néanmoins, on soulignera la justesse du jeu de Raymond Bouchard, dans le rôle de l’oncle circonspect qui houspille son neveu à juste titre, bien qu’il l’aime inconditionnellement.
Un retournement ironique va finalement donner une issue inattendue à la pièce. Le Schpountz va en effet réussir où tout le monde le voyait échouer, mais pas forcément dans le style qu’il espérait. En quelques répliques, Pagnol invite à réfléchir sur la place du comique et sur l’utilité d’un divertissement plus léger dans la sphère artistique.
Au théâtre comme au cinéma, les comédies sont plus souvent qu’autrement persiflées et rarement jugées à leur juste valeur, par la critique et les intellectuels, alors que ce sont souvent les productions les plus populaires. Malgré cela, la société nous démontre, au quotidien, que le plus grand nombre aspire à cette mystérieuse, mais alléchante, popularité.
Scénario original : Marcel Pagnol. Adaptation : Emmanuel Reichenbach. Mise en scène : Denise Filiatrault. Décors : Jean Bard. Costumes : Pierre-Guy Lapointe. Accessoires : Pierre-Luc Boudreau. Éclairages : Martin Sirois. Musique : Guillaume St-Laurent. Maquillages et coiffures : Jean Bégin. Distribution : Rémi-Pierre Paquin, Stéphan Allard, Raymond Bouchard, Marilyse Bourke, Normand Carrière, Alexandra Cyr, Mathieu Lorain Dignard, Philippe Robert et Linda Sorgini. Une coproduction du Théâtre du Rideau Vert et d’Encore Spectacle, présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 8 juin, et en tournée au Québec à compter du 13 septembre 2019.
Avec l’évolution des technologies de communication et les réseaux sociaux, devenir populaire est accessible à tous, même sans talent. La dernière production de la saison du Théâtre du Rideau Vert offre une intéressante réflexion sur la définition de l’artiste, la légitimité du comique et la précellence supposée de la popularité. Être connu du plus grand nombre semble en effet être devenu une panacée pour les jeunes générations, nonobstant un talent, un don artistique ou une démarche originale.
Le Schpountz est à l’origine un film de Marcel Pagnol dans lequel le célèbre comique français Fernandel joue le personnage d’Iréné Fabre, fainéant neveu d’un épicier du Sud de la France, qui se rêve comédien à succès. Son ego et sa naïveté surdimensionnés l’enferment dans un mensonge abyssal, qui sera mis en lumière par une farce dramatique d’une équipe de tournage lui promettant une carrière au grand écran. Marcel Pagnol a concentré dans ce scénario toutes ses critiques envers un milieu du cinéma prétentieux, sentencieux et vaniteux. Il fait aussi l’éloge du style comique avec une tirade formidable sur l’utilité sociétale de l’humour et du divertissement, en opposition à un intellectualisme affecté.
L’adaptation d’Emmanuel Reichenbach pour le Rideau Vert a su garder l’essence du texte original, et certains dialogues finement ciselés de Pagnol, tout en y ajoutant une contemporanéité québécoise éloquente. Dans la mise en scène de Denise Filiatrault, qui tend malheureusement trop souvent vers le burlesque, le personnage principal s’appelle Théo Désilets et vient de la Côte-Nord. Naïf et benêt, il aspire à une vie rêvée sous les projecteurs, au cinéma ou à la télévision, à l’image de Roy Dupuis dont il admire l’œuvre et surtout la vie. Le passage d’une équipe de tournage dans son village va être l’occasion de montrer son talent supposé et d’être tourné en ridicule par une réalisatrice et son chef opérateur. Mais, assuré de son don naturel, il ira jusqu’au bout de sa détermination.
Rémi-Pierre Paquin défend relativement bien son personnage. Il manque toutefois l’ironie qu’induisait la présence de Fernandel incarnant un comédien qui refusait d’être comique. Par contre, il règle autant ses comptes avec le milieu de la télévision, les médias, et le snobisme d’une clique envers les classes populaires. Les partitions de Marilyse Bourke et Stephan Allard, les artisan·es qui tournent en dérision le brave quidam, manquent de conviction et de solidité. On ne sent à aucun moment leur jubilation à se moquer du Schpountz. Néanmoins, on soulignera la justesse du jeu de Raymond Bouchard, dans le rôle de l’oncle circonspect qui houspille son neveu à juste titre, bien qu’il l’aime inconditionnellement.
Un retournement ironique va finalement donner une issue inattendue à la pièce. Le Schpountz va en effet réussir où tout le monde le voyait échouer, mais pas forcément dans le style qu’il espérait. En quelques répliques, Pagnol invite à réfléchir sur la place du comique et sur l’utilité d’un divertissement plus léger dans la sphère artistique.
Au théâtre comme au cinéma, les comédies sont plus souvent qu’autrement persiflées et rarement jugées à leur juste valeur, par la critique et les intellectuels, alors que ce sont souvent les productions les plus populaires. Malgré cela, la société nous démontre, au quotidien, que le plus grand nombre aspire à cette mystérieuse, mais alléchante, popularité.
Le Schpountz
Scénario original : Marcel Pagnol. Adaptation : Emmanuel Reichenbach. Mise en scène : Denise Filiatrault. Décors : Jean Bard. Costumes : Pierre-Guy Lapointe. Accessoires : Pierre-Luc Boudreau. Éclairages : Martin Sirois. Musique : Guillaume St-Laurent. Maquillages et coiffures : Jean Bégin. Distribution : Rémi-Pierre Paquin, Stéphan Allard, Raymond Bouchard, Marilyse Bourke, Normand Carrière, Alexandra Cyr, Mathieu Lorain Dignard, Philippe Robert et Linda Sorgini. Une coproduction du Théâtre du Rideau Vert et d’Encore Spectacle, présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 8 juin, et en tournée au Québec à compter du 13 septembre 2019.