L’équipe du Théâtre Hors Taxes a fait de grands efforts pour garder le secret sur le déroulement de ce spectacle dont le texte est signé Jean-Philippe Lehoux. Déjà, le titre reflète bien l’humour décalé de l’auteur, qu’on a pu apprécier dans ses œuvres précédentes (notamment Napoléon voyage et Normal, le mettant lui-même en scène, avec ses récits de voyage). Cette fois, la démarche d’autofiction est appliquée à un autre, pourrait-on dire : le comédien Étienne Pilon. En résidence au Théâtre la Licorne, le dramaturge a su profiter des deux salles du lieu pour imaginer deux pièces, pour ne pas dire trois ! Qui, du public de la Grande ou de la Petite Licorne, aura le meilleur des deux mondes ? Difficile à dire, puisque, si on est dans l’une, on n’est pas dans l’autre… Et voilà qu’on entre dans le vif du sujet : « Quand t’es ici, t’es pas là », dira Pilon.
L’histoire, en gros : Étienne Pilon, que l’on qualifie d’acteur tragique, sa feuille de route au théâtre semblant le confirmer, a vécu un traumatisme en Inde, après avoir été frappé par une chamelle, et, par suite d’une amnésie momentanée, a commencé à envisager sa vie autrement. Dans ce qui ressemble à une conférence extrêmement dynamique, avec PowerPoint et musique à la clé, le sympathique présentateur de lui-même raconte qu’il a trouvé le secret de l’immortalité grâce à sa bucket list – vous savez, cet inventaire de tout ce qu’on souhaiterait accomplir avant de mourir – et tente ici de nous en démontrer l’efficacité. Sa liste à lui compte 1000 vœux à réaliser, et le millième est justement de faire son premier one-man show. Dont acte.
C’est ainsi qu’Étienne Pilon, acteur et personnage, nous lance sa devise – « Ce soir je vous inspire, demain j’expire », car il nous faut nous recentrer sur notre respiration –, puis énumère les règles à suivre pour atteindre l’immortalité : vivre le moment présent, faire taire sa mémoire, amorcer un reset de notre imaginaire, se vider en vidant un à un les rêves de sa bucket list… Remettant en question son nom de famille à la signification lourde à porter, il se fait rebaptiser par le public. Tout cela est évidemment interactif : il interpelle les gens dans la salle, des membres de l’assistance envoient des textos qui apparaissent à l’écran, il partage des images et des anecdotes de sa vie de famille, de sa carrière. Puis, tout à coup pris d’une intuition, il quitte la salle, muni d’une caméra, pour traverser dans l’autre salle…
La suite, qui ne doit pas être révélée pour maintenir la surprise, nous entraîne dans une histoire un peu décousue et invraisemblable, où apparaît le personnage de Catherine, jouée avec intensité par Myriam Fournier. Un chassé-croisé s’amorce, auquel on peine à s’accrocher, perdant un peu d’intérêt, comme si les protagonistes et leur relation n’étaient pas assez explicités. Puis, on bascule à nouveau dans un tout autre univers, qui nous ramène quelques années en arrière, un passage bien divertissant, où se révèle cette fois un autre personnage, incarné avec force par Pascal Rousseau. Il faut dire que les trois interprètes sont au diapason, parfaits dans ce qu’ils ont à faire. Étienne Pilon expose une facette plus légère, voire comique, de son indéniable talent. Les pièces musicales sont enlevées et convaincantes.
La technologie est assez présente dans cette production – qui a d’ailleurs commencé 20 minutes en retard, le soir de la première, à cause d’un pépin technique – et on utilise à peu près tous les recoins du théâtre, de façon habile et imaginative. Cependant, il m’a semblé que le sens de l’ensemble était plutôt diffus, comme si l’idée de départ, l’exploration de la course à la performance, l’évocation du désir d’ubiquité, les questions pertinentes soulevées ne trouvaient que des réponses évanescentes, noyées dans les jeux d’enfants turbulents. Il y a bien quelques moments de tendre émotion à la fin, mais la réflexion s’essouffle dans la machinerie théâtrale, efficace et déjantée, qui devient le principal intérêt de la représentation.
Texte : Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène : Charles Dauphinais. Assistance à la mise en scène : Andrée-Anne Garneau. Décor et accessoires : Julie Vallée-Léger. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Musique : Patrice d’Aragon et les interprètes. Vidéo : Robin Kittel-Ouimet. Avec Myriam Fournier, Étienne Pilon et Pascal Rousseau. Une production du Théâtre Hors Taxes, présentée au Théâtre la Licorne jusqu’au 6 septembre 2019.
L’équipe du Théâtre Hors Taxes a fait de grands efforts pour garder le secret sur le déroulement de ce spectacle dont le texte est signé Jean-Philippe Lehoux. Déjà, le titre reflète bien l’humour décalé de l’auteur, qu’on a pu apprécier dans ses œuvres précédentes (notamment Napoléon voyage et Normal, le mettant lui-même en scène, avec ses récits de voyage). Cette fois, la démarche d’autofiction est appliquée à un autre, pourrait-on dire : le comédien Étienne Pilon. En résidence au Théâtre la Licorne, le dramaturge a su profiter des deux salles du lieu pour imaginer deux pièces, pour ne pas dire trois ! Qui, du public de la Grande ou de la Petite Licorne, aura le meilleur des deux mondes ? Difficile à dire, puisque, si on est dans l’une, on n’est pas dans l’autre… Et voilà qu’on entre dans le vif du sujet : « Quand t’es ici, t’es pas là », dira Pilon.
L’histoire, en gros : Étienne Pilon, que l’on qualifie d’acteur tragique, sa feuille de route au théâtre semblant le confirmer, a vécu un traumatisme en Inde, après avoir été frappé par une chamelle, et, par suite d’une amnésie momentanée, a commencé à envisager sa vie autrement. Dans ce qui ressemble à une conférence extrêmement dynamique, avec PowerPoint et musique à la clé, le sympathique présentateur de lui-même raconte qu’il a trouvé le secret de l’immortalité grâce à sa bucket list – vous savez, cet inventaire de tout ce qu’on souhaiterait accomplir avant de mourir – et tente ici de nous en démontrer l’efficacité. Sa liste à lui compte 1000 vœux à réaliser, et le millième est justement de faire son premier one-man show. Dont acte.
C’est ainsi qu’Étienne Pilon, acteur et personnage, nous lance sa devise – « Ce soir je vous inspire, demain j’expire », car il nous faut nous recentrer sur notre respiration –, puis énumère les règles à suivre pour atteindre l’immortalité : vivre le moment présent, faire taire sa mémoire, amorcer un reset de notre imaginaire, se vider en vidant un à un les rêves de sa bucket list… Remettant en question son nom de famille à la signification lourde à porter, il se fait rebaptiser par le public. Tout cela est évidemment interactif : il interpelle les gens dans la salle, des membres de l’assistance envoient des textos qui apparaissent à l’écran, il partage des images et des anecdotes de sa vie de famille, de sa carrière. Puis, tout à coup pris d’une intuition, il quitte la salle, muni d’une caméra, pour traverser dans l’autre salle…
La suite, qui ne doit pas être révélée pour maintenir la surprise, nous entraîne dans une histoire un peu décousue et invraisemblable, où apparaît le personnage de Catherine, jouée avec intensité par Myriam Fournier. Un chassé-croisé s’amorce, auquel on peine à s’accrocher, perdant un peu d’intérêt, comme si les protagonistes et leur relation n’étaient pas assez explicités. Puis, on bascule à nouveau dans un tout autre univers, qui nous ramène quelques années en arrière, un passage bien divertissant, où se révèle cette fois un autre personnage, incarné avec force par Pascal Rousseau. Il faut dire que les trois interprètes sont au diapason, parfaits dans ce qu’ils ont à faire. Étienne Pilon expose une facette plus légère, voire comique, de son indéniable talent. Les pièces musicales sont enlevées et convaincantes.
La technologie est assez présente dans cette production – qui a d’ailleurs commencé 20 minutes en retard, le soir de la première, à cause d’un pépin technique – et on utilise à peu près tous les recoins du théâtre, de façon habile et imaginative. Cependant, il m’a semblé que le sens de l’ensemble était plutôt diffus, comme si l’idée de départ, l’exploration de la course à la performance, l’évocation du désir d’ubiquité, les questions pertinentes soulevées ne trouvaient que des réponses évanescentes, noyées dans les jeux d’enfants turbulents. Il y a bien quelques moments de tendre émotion à la fin, mais la réflexion s’essouffle dans la machinerie théâtrale, efficace et déjantée, qui devient le principal intérêt de la représentation.
Deux pièces pour Étienne Pilon
Texte : Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène : Charles Dauphinais. Assistance à la mise en scène : Andrée-Anne Garneau. Décor et accessoires : Julie Vallée-Léger. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Musique : Patrice d’Aragon et les interprètes. Vidéo : Robin Kittel-Ouimet. Avec Myriam Fournier, Étienne Pilon et Pascal Rousseau. Une production du Théâtre Hors Taxes, présentée au Théâtre la Licorne jusqu’au 6 septembre 2019.