Aujourd’hui, celle que sa mère surnomme « pinson » ou « coquelicot » fête ses 18 ans, et elle semble décidée à contrarier son entourage. Non qu’elle entre dans une phase de grande rébellion, mais, simplement, elle n’a plus les comportements que l’on attend d’elle, à commencer par sortir de la maison en dépit des protestations de sa mère qui voudrait plutôt qu’elle fasse ses devoirs, prenne sa douche et apprécie son souper d’anniversaire en famille. Chez tous les protagonistes, ses agissements empreints d’indépendance d’esprit provoquent un cataclysme. C’est qu’ils ne sont pas habitués à perdre le contrôle… Dès lors, une seule chose compte pour eux : rétablir leur équilibre, lequel dépend étroitement du respect du cadre et des étiquettes. La jeune femme apprendra à ses dépens que l’on ne peut pas impunément s’opposer au système, et qu’il y a des gens qui, contrairement à elle, font ce qu’on leur demande sans état d’âme.
Plus que les mots, ce sont les silences de la jeune Arielle, son opposition tout en douceur, qui provoqueront chez ses interlocuteurs un raz de marée émotionnel. Ce qui frappe, c’est son absence totale de cynisme et de provocation. Elle se contente d’être, et cela suffit pour créer une onde de choc. Notons que Laetitia Isambert, expressive dans la retenue, a su relever les défis de composition posés par son rôle.
Les personnages qui entourent Arielle sont aussi caricaturaux que dans les contes qu’évoque le texte (La Petite Sirène, Le Petit Chaperon rouge) : la mère poule qui prend son enfant pour une autre version d’elle-même (Nathalie Mallette), l’amoureux macho persuadé que sa blonde est incapable de rien sans lui (Simon Landry-Désy), le patron richissime habitué à ne jamais rencontrer de résistance (Étienne Pilon). Dans leurs discours, la jeune femme est objectifiée, dépossédée de toute forme de volonté propre et de toute capacité d’agir. Ils parlent d’elle à sa place, lui prêtent des intentions, s’écoutent parler, ne laissant aucun espace à l’expression de son individualité.
Le texte concocté par Étienne Lepage (à qui l’on doit notamment Robin et Marion, L’Enclos de l’éléphant, Toccate et fugue) joue sur les répétitions, le mystère, et la désintégration de la syntaxe lorsque les personnages réalisent qu’ils perdent le contrôle, tels des robots qui se détraquent.
Malgré des débuts encourageants, marqués par un intéressant travail sur la gestuelle, la mise en scène de Claude Poissant s’installe dans le manque de rythme et ne parvient pas à donner au texte son ampleur, en dépassant la caricature, en sublimant l’étrangeté, en déployant le philosophique. Le metteur en scène avait pourtant réussi ce pari avec Rouge Gueule à Espace Go en 2009, plaçant immédiatement Étienne Lepage sur la carte des auteurs et autrices à suivre. Le personnage de l’amoureux, notamment, sonne péniblement faux, à croire que Poissant ne savait pas qu’en faire, et la scénographie, conçue pour laisser toute la place au texte, n’est pas exploitée. Seul Étienne Pilon parvient à insuffler à son rôle de riche bellâtre un côté « givré », qui traduit à la fois la violence du système établi, le déraillement intolérable que provoquent celles et ceux qui veulent sortir du cadre, et l’obstination frisant la démence avec laquelle les personnes dominantes cherchent à conserver leur position.
Texte : Étienne Lepage. Mise en scène : Claude Poissant. Assistance à la mise en scène : Catherine La Frenière. Décor : Simon Guilbault. Lumières : Marie-Aube St-Amant Duplessis. Costumes : Marc Senécal. Musique originale : Nicolas Basque. Régie : Pierre-Olivier Hamel. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Assistance à la scénographie : Carol-Anne Bourgon Sicard. Assistance aux costumes : Chantal Bachand. Stage en dramaturgie : Noémie St-Laurent Savaria. Avec Reda Guerinik, Laetitia Isambert, Simon Landry-Désy, Nathalie Mallette et Étienne Pilon. Une production du Théâtre de Quat’Sous présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 16 novembre 2019.
Aujourd’hui, celle que sa mère surnomme « pinson » ou « coquelicot » fête ses 18 ans, et elle semble décidée à contrarier son entourage. Non qu’elle entre dans une phase de grande rébellion, mais, simplement, elle n’a plus les comportements que l’on attend d’elle, à commencer par sortir de la maison en dépit des protestations de sa mère qui voudrait plutôt qu’elle fasse ses devoirs, prenne sa douche et apprécie son souper d’anniversaire en famille. Chez tous les protagonistes, ses agissements empreints d’indépendance d’esprit provoquent un cataclysme. C’est qu’ils ne sont pas habitués à perdre le contrôle… Dès lors, une seule chose compte pour eux : rétablir leur équilibre, lequel dépend étroitement du respect du cadre et des étiquettes. La jeune femme apprendra à ses dépens que l’on ne peut pas impunément s’opposer au système, et qu’il y a des gens qui, contrairement à elle, font ce qu’on leur demande sans état d’âme.
Plus que les mots, ce sont les silences de la jeune Arielle, son opposition tout en douceur, qui provoqueront chez ses interlocuteurs un raz de marée émotionnel. Ce qui frappe, c’est son absence totale de cynisme et de provocation. Elle se contente d’être, et cela suffit pour créer une onde de choc. Notons que Laetitia Isambert, expressive dans la retenue, a su relever les défis de composition posés par son rôle.
Les personnages qui entourent Arielle sont aussi caricaturaux que dans les contes qu’évoque le texte (La Petite Sirène, Le Petit Chaperon rouge) : la mère poule qui prend son enfant pour une autre version d’elle-même (Nathalie Mallette), l’amoureux macho persuadé que sa blonde est incapable de rien sans lui (Simon Landry-Désy), le patron richissime habitué à ne jamais rencontrer de résistance (Étienne Pilon). Dans leurs discours, la jeune femme est objectifiée, dépossédée de toute forme de volonté propre et de toute capacité d’agir. Ils parlent d’elle à sa place, lui prêtent des intentions, s’écoutent parler, ne laissant aucun espace à l’expression de son individualité.
Le texte concocté par Étienne Lepage (à qui l’on doit notamment Robin et Marion, L’Enclos de l’éléphant, Toccate et fugue) joue sur les répétitions, le mystère, et la désintégration de la syntaxe lorsque les personnages réalisent qu’ils perdent le contrôle, tels des robots qui se détraquent.
Malgré des débuts encourageants, marqués par un intéressant travail sur la gestuelle, la mise en scène de Claude Poissant s’installe dans le manque de rythme et ne parvient pas à donner au texte son ampleur, en dépassant la caricature, en sublimant l’étrangeté, en déployant le philosophique. Le metteur en scène avait pourtant réussi ce pari avec Rouge Gueule à Espace Go en 2009, plaçant immédiatement Étienne Lepage sur la carte des auteurs et autrices à suivre. Le personnage de l’amoureux, notamment, sonne péniblement faux, à croire que Poissant ne savait pas qu’en faire, et la scénographie, conçue pour laisser toute la place au texte, n’est pas exploitée. Seul Étienne Pilon parvient à insuffler à son rôle de riche bellâtre un côté « givré », qui traduit à la fois la violence du système établi, le déraillement intolérable que provoquent celles et ceux qui veulent sortir du cadre, et l’obstination frisant la démence avec laquelle les personnes dominantes cherchent à conserver leur position.
Le Ravissement
Texte : Étienne Lepage. Mise en scène : Claude Poissant. Assistance à la mise en scène : Catherine La Frenière. Décor : Simon Guilbault. Lumières : Marie-Aube St-Amant Duplessis. Costumes : Marc Senécal. Musique originale : Nicolas Basque. Régie : Pierre-Olivier Hamel. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Assistance à la scénographie : Carol-Anne Bourgon Sicard. Assistance aux costumes : Chantal Bachand. Stage en dramaturgie : Noémie St-Laurent Savaria. Avec Reda Guerinik, Laetitia Isambert, Simon Landry-Désy, Nathalie Mallette et Étienne Pilon. Une production du Théâtre de Quat’Sous présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 16 novembre 2019.