Avant de monter sur scène, Michel Rivard écrit toujours des textes pour tisser des liens entre ses chansons. Pour sa dernière proposition, L’Origine de mes espèces, il a fait le contraire. Dans ce qu’il appelle un spectacle intime de théâtre musical, l’auteur-compositeur-interprète tente de dissiper le doute qui entoure sa naissance et de recoller les morceaux de son casse-tête familial.
Lorsque le rideau se lève, l’artiste révèle avoir passé un premier test d’ADN. Un banal frottement de trois cotons-tiges à l’intérieur de la joue. Une opération toute simple, mais qui aura le pouvoir de changer tout son passé. Le musicien est un enfant du hasard, comme Tombé du ciel, titre de la chanson qui ouvre la représentation. Le fruit d’une union interdite entre une jeune femme mineure et un acteur, qui non seulement n’étaient pas mariés, mais qui se connaissaient à peine.
En attendant les résultats de son analyse génétique, Michel Rivard raconte ses parents, son enfance, son adolescence au son du rock. Les anecdotes nous sont offertes dans le désordre, telle une suite de confidences livrées par un vieil ami, le tout entrecoupé d’une douzaine de mélodies originales. Les souvenirs sont tendres, mais souvent enveloppés d’un humour délicieux. Le chanteur ne craint pas l’autodérision, comme lorsqu’il compare les traits de son père à une œuvre cubiste, perplexe de constater que, entre celui-ci et lui-même, il n’existe aucune ressemblance physique.
Photos rétro
Avec le cœur grand ouvert, l’ex-membre de Beau Dommage se livre au public avec sincérité et humilité. Ceux et celles qui ont vécu les années 1950 à 1970 à Montréal savoureront les références à Dupuis Frères, au Faubourg à m’lasse ou aux ruelles de La Petite-Patrie. Mais L’Origine de mes espèces a une portée universelle indéniable, puisqu’on y aborde des thèmes comme la famille, les secrets, les mensonges, l’alcoolisme, la maladie et le deuil.
Les amoureux de la discographie de Michel Rivard se retrouveront en terrain connu. Les arrangements musicaux minimalistes, signés Philippe Brault, laissent toute la place à la prose empreinte de poésie de l’artiste, reconnaissable entre toutes. Celui-ci interprète ses dernières compositions d’une voix impeccable, sans jamais en faire trop. Particulièrement touchante, Maman Mélancolie trace un portrait mi-parlé, mi-chanté d’une femme qui n’a pas le bonheur facile. Jouée à la fin du spectacle, Tant pis si c’est une valse est une ode à la résilience, qui restera longtemps en mémoire.
Pour l’épauler dans ce projet audacieux, le musicien a choisi de collaborer avec Claude Poissant, qui signe une mise en scène sobre et précise, où tout s’enchaîne naturellement. Quant aux effets sonores et visuels, ils sont utilisés avec parcimonie, ce qui confère à l’œuvre une atmosphère feutrée, qui invite à la confidence. Présentée d’abord au Théâtre La Licorne, au printemps dernier, L’Origine de mes espèces aurait pu perdre de son caractère intime en étant jouée dans une plus grande salle, mais il n’en est rien.
Sur la scène presque totalement plongée dans l’obscurité, Michel Rivard évolue dans un décor simple, qui rappelle un sous-sol agrémenté d’objets dépareillés : des boîtes de disques vinyle, des guitares, une chaise usée. Pour évoquer tantôt une maison de banlieue au papier peint criard, tantôt un chalet rustique dans les Rocheuses, des projections sont faites sur une porte et un pan de mur immaculés. De plus, tout au long de la représentation, des photos floues en noir et blanc sont montrées, telles des diapositives, faisant écho aux mystères que le chanteur tente d’éclaircir dans sa quête de vérité. Un procédé astucieux et très réussi.
Malgré ses interrogations et ses recherches, Michel Rivard ne parvient pas à faire toute la lumière sur les zones d’ombre de son histoire familiale. Mais il offre au public une création aussi fascinante qu’émouvante, qui mérite amplement les trois Félix qu’elle a remportés au dernier gala de l’ADISQ, pour Spectacle de l’année – auteur-compositeur-interprète, Script de l’année, ainsi que Mise en scène et scénographie de l’année. Si L’Origine de mes espèces se voulait au départ une exploration de la mémoire d’un clan, il en résulte un hommage à des parents qui ont tout donné à leurs enfants, allant jusqu’à sacrifier leur propre bonheur. Même si on ne parvient pas à trouver des réponses à toutes ses questions, l’important, c’est d’arriver à faire la paix avec ses doutes, semble suggérer l’artiste.
Texte, chansons, interprétation et musique : Michel Rivard. Mise en scène : Claude Poissant. Musicien : Vincent Legault. Conseil dramaturgique : Alexia Bürger. Arrangements musicaux et atmosphères : Philippe Brault. Décor : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Julie Charland. Conception vidéo : Marcella Grimaux. Éclairages : Martin Labrecque. Une production de La Maison fauve présentée chez Duceppe jusqu’au 7 décembre 2019.
Avant de monter sur scène, Michel Rivard écrit toujours des textes pour tisser des liens entre ses chansons. Pour sa dernière proposition, L’Origine de mes espèces, il a fait le contraire. Dans ce qu’il appelle un spectacle intime de théâtre musical, l’auteur-compositeur-interprète tente de dissiper le doute qui entoure sa naissance et de recoller les morceaux de son casse-tête familial.
Lorsque le rideau se lève, l’artiste révèle avoir passé un premier test d’ADN. Un banal frottement de trois cotons-tiges à l’intérieur de la joue. Une opération toute simple, mais qui aura le pouvoir de changer tout son passé. Le musicien est un enfant du hasard, comme Tombé du ciel, titre de la chanson qui ouvre la représentation. Le fruit d’une union interdite entre une jeune femme mineure et un acteur, qui non seulement n’étaient pas mariés, mais qui se connaissaient à peine.
En attendant les résultats de son analyse génétique, Michel Rivard raconte ses parents, son enfance, son adolescence au son du rock. Les anecdotes nous sont offertes dans le désordre, telle une suite de confidences livrées par un vieil ami, le tout entrecoupé d’une douzaine de mélodies originales. Les souvenirs sont tendres, mais souvent enveloppés d’un humour délicieux. Le chanteur ne craint pas l’autodérision, comme lorsqu’il compare les traits de son père à une œuvre cubiste, perplexe de constater que, entre celui-ci et lui-même, il n’existe aucune ressemblance physique.
Photos rétro
Avec le cœur grand ouvert, l’ex-membre de Beau Dommage se livre au public avec sincérité et humilité. Ceux et celles qui ont vécu les années 1950 à 1970 à Montréal savoureront les références à Dupuis Frères, au Faubourg à m’lasse ou aux ruelles de La Petite-Patrie. Mais L’Origine de mes espèces a une portée universelle indéniable, puisqu’on y aborde des thèmes comme la famille, les secrets, les mensonges, l’alcoolisme, la maladie et le deuil.
Les amoureux de la discographie de Michel Rivard se retrouveront en terrain connu. Les arrangements musicaux minimalistes, signés Philippe Brault, laissent toute la place à la prose empreinte de poésie de l’artiste, reconnaissable entre toutes. Celui-ci interprète ses dernières compositions d’une voix impeccable, sans jamais en faire trop. Particulièrement touchante, Maman Mélancolie trace un portrait mi-parlé, mi-chanté d’une femme qui n’a pas le bonheur facile. Jouée à la fin du spectacle, Tant pis si c’est une valse est une ode à la résilience, qui restera longtemps en mémoire.
Pour l’épauler dans ce projet audacieux, le musicien a choisi de collaborer avec Claude Poissant, qui signe une mise en scène sobre et précise, où tout s’enchaîne naturellement. Quant aux effets sonores et visuels, ils sont utilisés avec parcimonie, ce qui confère à l’œuvre une atmosphère feutrée, qui invite à la confidence. Présentée d’abord au Théâtre La Licorne, au printemps dernier, L’Origine de mes espèces aurait pu perdre de son caractère intime en étant jouée dans une plus grande salle, mais il n’en est rien.
Sur la scène presque totalement plongée dans l’obscurité, Michel Rivard évolue dans un décor simple, qui rappelle un sous-sol agrémenté d’objets dépareillés : des boîtes de disques vinyle, des guitares, une chaise usée. Pour évoquer tantôt une maison de banlieue au papier peint criard, tantôt un chalet rustique dans les Rocheuses, des projections sont faites sur une porte et un pan de mur immaculés. De plus, tout au long de la représentation, des photos floues en noir et blanc sont montrées, telles des diapositives, faisant écho aux mystères que le chanteur tente d’éclaircir dans sa quête de vérité. Un procédé astucieux et très réussi.
Malgré ses interrogations et ses recherches, Michel Rivard ne parvient pas à faire toute la lumière sur les zones d’ombre de son histoire familiale. Mais il offre au public une création aussi fascinante qu’émouvante, qui mérite amplement les trois Félix qu’elle a remportés au dernier gala de l’ADISQ, pour Spectacle de l’année – auteur-compositeur-interprète, Script de l’année, ainsi que Mise en scène et scénographie de l’année. Si L’Origine de mes espèces se voulait au départ une exploration de la mémoire d’un clan, il en résulte un hommage à des parents qui ont tout donné à leurs enfants, allant jusqu’à sacrifier leur propre bonheur. Même si on ne parvient pas à trouver des réponses à toutes ses questions, l’important, c’est d’arriver à faire la paix avec ses doutes, semble suggérer l’artiste.
L’Origine de mes espèces
Texte, chansons, interprétation et musique : Michel Rivard. Mise en scène : Claude Poissant. Musicien : Vincent Legault. Conseil dramaturgique : Alexia Bürger. Arrangements musicaux et atmosphères : Philippe Brault. Décor : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Julie Charland. Conception vidéo : Marcella Grimaux. Éclairages : Martin Labrecque. Une production de La Maison fauve présentée chez Duceppe jusqu’au 7 décembre 2019.