Alors qu’une guerre pour le pétrole règne dans le Grand Nord canadien, Lili (Julie Le Breton), réalisatrice assumée de films pornographiques, retourne au bercail après 15 ans d’absence, pour rendre visite à sa mère malade (Louise Laprade). Son retour bouscule l’équilibre familial et provoque une rupture chez toutes les personnes présentes : sa sœur aînée (Évelyne Rompré), mère de famille et proche aidante qui a renoncé à ses désirs et à sa joie de vivre ; son beau-frère (Brett Donahue) soldat démobilisé et souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique dans lequel elle s’inscrit ; et son neveu (Gabriel Favreau), un adolescent exalté et tourmenté qui refuse la censure que ses parents tentent de lui imposer, et profite de la présence de sa tante pour parfaire son éducation.
Ce contexte de guerre doublée de crise migratoire est tout d’abord une mise en garde de l’auteur par rapport à un avenir inquiétant, que nos gouvernements se font un devoir d’ignorer et qu’il fait bon voir sur nos scènes considérant l’imminence du problème (on ne peut s’empêcher ici de penser à l’excellente série norvégienne Okkupert – Envahis); mais il sert également de prétexte au confinement aliénant auquel les protagonistes sont contraints et de métaphore du combat que les individus mènent contre leurs propres désirs.
Ainsi Dany Boudreault, à qui l’on doit aussi Je suis Cobain (peu importe) et (e) un genre d’épopée, aborde-t-il sans détour les thèmes de la sexualité, des désirs (avouables ou non) et des pulsions. Se posent aussi dans cette pièce les questions de l’éducation sexuelle, de la dimension spirituelle de la sexualité et de la moralité.
Sans surprise, Éros et Thanatos cohabitent, les sœurs sont rivales, et les références bibliques sont présentes (les acteurs du film porno se nomment Adam et Ève, et le neveu Isaac sera sacrifié à l’autel du capitalisme).
Si la relation entre Lili et son neveu est inédite et apporte une perspective intéressante sur la liberté de jouir de son corps et d’assumer ses désirs sans honte, leurs conversations ne sont pas exemptes de lieux communs, voire de clichés (par exemple, quand la leçon de vie donnée par Lili est que « les femmes sont meilleures actrices ») : on comprend certes que la pensée de ce jeune homme demande à être développée, mais celle du spectateur reste sur sa faim.
Les personnages sont instables, mais, au lieu de leur donner de la substance, cette caractéristique est poussée à l’extrême si bien que leurs réactions paraissent parfois incohérentes (telle celle de Lili face à l’agression de son neveu, passant en un instant de l’horreur à la désinvolture). Évelyne Rompré et Gabriel Favreau forcent tant le trait qu’ils en deviennent irritants. Par ailleurs, les tentatives pour créer la surprise ou l’émotion nous laissent de marbre, voire agacés, tant elles semblent à dormir debout.
La mise en scène d’Édith Patenaude, reconnue sur la scène québécoise pour la qualité de son travail, ne restera pas non plus dans les annales. Après un début prometteur où le tournage d’une scène de sexe nous est transmis en voix off dans le noir complet, celle-ci se perd dans les multiples jeux de rideaux, lesquels semblent nés du désir de faire ressembler les tableaux à des scènes de film, comme le texte le suggère. Quant à la scène finale évoquant une peinture biblique, elle pèche par excès de symbolisme.
Texte : Dany Boudreault. Mise en scène : Édith Patenaude. Avec Brett Donahue, Gabriel Favreau, Louise Laprade, Julie Le Breton, Évelyne Rompré. Assistance à la mise en scène : Alexandra Sutto. Scénographie : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Julie Basse. Musique originale : Alexander MacSween. Maquillages : Amélie Bruneau-Longpré. Conseil au mouvement : Mélanie Demers. Conseil artistique : Maxime Carbonneau. Direction de production et régie : Jérémie Boucher. Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et de La Messe Basse, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 15 février 2020.
Alors qu’une guerre pour le pétrole règne dans le Grand Nord canadien, Lili (Julie Le Breton), réalisatrice assumée de films pornographiques, retourne au bercail après 15 ans d’absence, pour rendre visite à sa mère malade (Louise Laprade). Son retour bouscule l’équilibre familial et provoque une rupture chez toutes les personnes présentes : sa sœur aînée (Évelyne Rompré), mère de famille et proche aidante qui a renoncé à ses désirs et à sa joie de vivre ; son beau-frère (Brett Donahue) soldat démobilisé et souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique dans lequel elle s’inscrit ; et son neveu (Gabriel Favreau), un adolescent exalté et tourmenté qui refuse la censure que ses parents tentent de lui imposer, et profite de la présence de sa tante pour parfaire son éducation.
Ce contexte de guerre doublée de crise migratoire est tout d’abord une mise en garde de l’auteur par rapport à un avenir inquiétant, que nos gouvernements se font un devoir d’ignorer et qu’il fait bon voir sur nos scènes considérant l’imminence du problème (on ne peut s’empêcher ici de penser à l’excellente série norvégienne Okkupert – Envahis); mais il sert également de prétexte au confinement aliénant auquel les protagonistes sont contraints et de métaphore du combat que les individus mènent contre leurs propres désirs.
Ainsi Dany Boudreault, à qui l’on doit aussi Je suis Cobain (peu importe) et (e) un genre d’épopée, aborde-t-il sans détour les thèmes de la sexualité, des désirs (avouables ou non) et des pulsions. Se posent aussi dans cette pièce les questions de l’éducation sexuelle, de la dimension spirituelle de la sexualité et de la moralité.
Sans surprise, Éros et Thanatos cohabitent, les sœurs sont rivales, et les références bibliques sont présentes (les acteurs du film porno se nomment Adam et Ève, et le neveu Isaac sera sacrifié à l’autel du capitalisme).
Si la relation entre Lili et son neveu est inédite et apporte une perspective intéressante sur la liberté de jouir de son corps et d’assumer ses désirs sans honte, leurs conversations ne sont pas exemptes de lieux communs, voire de clichés (par exemple, quand la leçon de vie donnée par Lili est que « les femmes sont meilleures actrices ») : on comprend certes que la pensée de ce jeune homme demande à être développée, mais celle du spectateur reste sur sa faim.
Les personnages sont instables, mais, au lieu de leur donner de la substance, cette caractéristique est poussée à l’extrême si bien que leurs réactions paraissent parfois incohérentes (telle celle de Lili face à l’agression de son neveu, passant en un instant de l’horreur à la désinvolture). Évelyne Rompré et Gabriel Favreau forcent tant le trait qu’ils en deviennent irritants. Par ailleurs, les tentatives pour créer la surprise ou l’émotion nous laissent de marbre, voire agacés, tant elles semblent à dormir debout.
La mise en scène d’Édith Patenaude, reconnue sur la scène québécoise pour la qualité de son travail, ne restera pas non plus dans les annales. Après un début prometteur où le tournage d’une scène de sexe nous est transmis en voix off dans le noir complet, celle-ci se perd dans les multiples jeux de rideaux, lesquels semblent nés du désir de faire ressembler les tableaux à des scènes de film, comme le texte le suggère. Quant à la scène finale évoquant une peinture biblique, elle pèche par excès de symbolisme.
Corps célestes
Texte : Dany Boudreault. Mise en scène : Édith Patenaude. Avec Brett Donahue, Gabriel Favreau, Louise Laprade, Julie Le Breton, Évelyne Rompré. Assistance à la mise en scène : Alexandra Sutto. Scénographie : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Julie Basse. Musique originale : Alexander MacSween. Maquillages : Amélie Bruneau-Longpré. Conseil au mouvement : Mélanie Demers. Conseil artistique : Maxime Carbonneau. Direction de production et régie : Jérémie Boucher. Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et de La Messe Basse, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 15 février 2020.