Difficile d’échapper à Elkahna Talbi, collaboratrice de Plus on est de fou, plus on lit à Radio-Canada et de L’heure est grave à Télé-Québec, femme plurielle s’il en est une. Queen Ka, son alter ego, poétesse et slammeuse, se produit sur scène depuis plus de dix ans. Son premier recueil de poèmes, Moi, figuier sous la neige, a remporté plusieurs prix littéraires en 2018 et 2019. Alors que Fol ouvrage (torcher des paillettes) est encore en tournée au Québec depuis 2018, voilà la reine de retour sur scène avec un nouveau spectacle de spoken word : Si je reste. Centrée sur le deuil et la reconstruction, cette performance poétique et musicale minutieuse travaille la figure du chaos, « celui qui nous entoure, celui qui nous habite, celui qui nous nourrit ».
Le spectacle débute sur les cendres d’une histoire détruite. Cette destruction, la poétesse en prend la responsabilité entière, la regarde de face, la questionne afin d’entreprendre sa propre reconstruction. Le flou persiste quant à l’objet précis de son deuil. S’agit-il d’une histoire d’amour ? Certainement. Celle d’un couple qui se déchire ? Peut-être. Celle de l’humanité qui saccage sa propre planète ? Fort probablement. Quoi qu’il en soit, dans cette situation où l’autre demeure ambigu, se construit une intimité bien particulière où « je » pourrait facilement devenir « nous ».
La relative absence d’effets visuels et la simplicité de l’ensemble permettent de prêter une oreille attentive aux images que Queen Ka convoque et de les laisser prendre de l’ampleur. Car malgré l’apparence d’un récit personnel, il est clair que le propos tend à l’universel. Le ciel infini au-dessus d’elle lui rappelle sa finitude, la liste des animaux en voie d’extinction qu’elle récite la ramène aux ravages qui accompagnent la marche destructrice de l’Homme. Saura-t-elle trouver, dans les débris de sa maison, une seule étincelle d’espoir ? Devra-t-elle réinventer le feu à coups de silex ?
L’artiste a le sens de la formule. Loin de la parole-fleuve, elle choisit ses mots et ses effets avec précaution, créant de l’espace qu’investissent à loisir les deux multi-instrumentistes, et ses partenaires de longue date, Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Le trio, formé pour la première fois en 2011 pour Ceci n’est pas du Slam, s’harmonise ici à merveille. Les deux musiciens, armés de pédales de distorsion, de synthétiseurs, d’ordinateurs, mais aussi d’une guitare et d’un violon électriques, accompagnent et magnifient les mots de Queen Ka par un flot de nappes électroniques immersives. Leurs échantillonnages, produits en direct, construisent un univers sonore dont le rythme et les envolées suivent pas à pas le texte. La tentation est grande de fermer les yeux pour en profiter davantage.
Au cours du spectacle, ce band de poésie s’affaire à exprimer l’angoisse, la vulnérabilité, le questionnement existentiel et l’espoir au milieu d’un cercle – autre image récurrente – de cordons électriques et de lumières douces. Baignée par un clair-obscur permanent, l’autrice et performeuse bouge peu. Laissant toute la place au son (de sa voix, des musiciens), elle maintient la gestuelle à un minimum : s’asseoir sur un tabouret, se lever, s’agenouiller, se coucher sur le dos pour mieux parler des étoiles.
Si je reste demeure en tête bien après sa conclusion circulaire. Le miroir que Queen Ka nous tend fait réfléchir à la portée de nos actions, à notre responsabilité face à ce qui nous entoure, et nous fait surtout rêver d’espoir et de feu ; non pas l’incendie dévastateur, mais plutôt la flamme qui nous anime, nous ouvre à l’autre et nous mène à transcender notre existence individuelle.
Texte : Queen Ka. Composition musicale : Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Interprétation : Queen Ka, Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Conseil à l’écriture et œil extérieur : Marie Brassard. Conception éclairage et scénographie : Catherine Fournier-Poirier. Direction technique et régie son : Guillaume Briand. Présenté à La Chapelle jusqu’au 4 février 2020.
Difficile d’échapper à Elkahna Talbi, collaboratrice de Plus on est de fou, plus on lit à Radio-Canada et de L’heure est grave à Télé-Québec, femme plurielle s’il en est une. Queen Ka, son alter ego, poétesse et slammeuse, se produit sur scène depuis plus de dix ans. Son premier recueil de poèmes, Moi, figuier sous la neige, a remporté plusieurs prix littéraires en 2018 et 2019. Alors que Fol ouvrage (torcher des paillettes) est encore en tournée au Québec depuis 2018, voilà la reine de retour sur scène avec un nouveau spectacle de spoken word : Si je reste. Centrée sur le deuil et la reconstruction, cette performance poétique et musicale minutieuse travaille la figure du chaos, « celui qui nous entoure, celui qui nous habite, celui qui nous nourrit ».
Le spectacle débute sur les cendres d’une histoire détruite. Cette destruction, la poétesse en prend la responsabilité entière, la regarde de face, la questionne afin d’entreprendre sa propre reconstruction. Le flou persiste quant à l’objet précis de son deuil. S’agit-il d’une histoire d’amour ? Certainement. Celle d’un couple qui se déchire ? Peut-être. Celle de l’humanité qui saccage sa propre planète ? Fort probablement. Quoi qu’il en soit, dans cette situation où l’autre demeure ambigu, se construit une intimité bien particulière où « je » pourrait facilement devenir « nous ».
La relative absence d’effets visuels et la simplicité de l’ensemble permettent de prêter une oreille attentive aux images que Queen Ka convoque et de les laisser prendre de l’ampleur. Car malgré l’apparence d’un récit personnel, il est clair que le propos tend à l’universel. Le ciel infini au-dessus d’elle lui rappelle sa finitude, la liste des animaux en voie d’extinction qu’elle récite la ramène aux ravages qui accompagnent la marche destructrice de l’Homme. Saura-t-elle trouver, dans les débris de sa maison, une seule étincelle d’espoir ? Devra-t-elle réinventer le feu à coups de silex ?
L’artiste a le sens de la formule. Loin de la parole-fleuve, elle choisit ses mots et ses effets avec précaution, créant de l’espace qu’investissent à loisir les deux multi-instrumentistes, et ses partenaires de longue date, Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Le trio, formé pour la première fois en 2011 pour Ceci n’est pas du Slam, s’harmonise ici à merveille. Les deux musiciens, armés de pédales de distorsion, de synthétiseurs, d’ordinateurs, mais aussi d’une guitare et d’un violon électriques, accompagnent et magnifient les mots de Queen Ka par un flot de nappes électroniques immersives. Leurs échantillonnages, produits en direct, construisent un univers sonore dont le rythme et les envolées suivent pas à pas le texte. La tentation est grande de fermer les yeux pour en profiter davantage.
Au cours du spectacle, ce band de poésie s’affaire à exprimer l’angoisse, la vulnérabilité, le questionnement existentiel et l’espoir au milieu d’un cercle – autre image récurrente – de cordons électriques et de lumières douces. Baignée par un clair-obscur permanent, l’autrice et performeuse bouge peu. Laissant toute la place au son (de sa voix, des musiciens), elle maintient la gestuelle à un minimum : s’asseoir sur un tabouret, se lever, s’agenouiller, se coucher sur le dos pour mieux parler des étoiles.
Si je reste demeure en tête bien après sa conclusion circulaire. Le miroir que Queen Ka nous tend fait réfléchir à la portée de nos actions, à notre responsabilité face à ce qui nous entoure, et nous fait surtout rêver d’espoir et de feu ; non pas l’incendie dévastateur, mais plutôt la flamme qui nous anime, nous ouvre à l’autre et nous mène à transcender notre existence individuelle.
Si je reste
Texte : Queen Ka. Composition musicale : Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Interprétation : Queen Ka, Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc. Conseil à l’écriture et œil extérieur : Marie Brassard. Conception éclairage et scénographie : Catherine Fournier-Poirier. Direction technique et régie son : Guillaume Briand. Présenté à La Chapelle jusqu’au 4 février 2020.