Critiques

Halka : Yallah ! c’est la fête !

© Richard Haughton

Pour la première fois à Montréal, le Groupe acrobatique de Tanger est accueilli à la TOHU, pour une dizaine de représentations du spectacle Halka, une heure bien construite où se succèdent numéros enlevés et jeux complices, pirouettes impressionnantes, chants et mouvements de groupe des plus communicatifs. Une incursion énergique et poétique dans la chaleur du Maroc, où se mêlent tradition populaire et création contemporaine, en une fête de village qui rallie le public de façon irrésistible.

Ils sont 14 interprètes, 12 hommes de statures et d’âges variés, et 2 femmes, toutes deux petites mais qui ne donnent pas leur place, à évoluer sur la piste, en un cercle rappelant une place publique où les forains seraient entourés par les badauds captivés par leurs prouesses. C’est cela, la halka, un art millénaire que ces acrobates maintiennent bien vivant, en lui insufflant une dose d’ironie, d’espièglerie, d’émotions diverses, qui nous font adhérer rapidement à cette rencontre avant tout humaine, comme l’a souligné à juste titre le directeur général et de la programmation de la TOHU, Stéphane Lavoie, le soir de la première.

L’entrée en scène, au premier abord calme, montre des tandems où un homme en complet-veston tient son partenaire par sa facha, une ceinture de foulards, qui permet à celui-ci d’effectuer des tours sur lui-même dans l’air jusqu’à des hauteurs étonnantes. Puis, ces messieurs tombent la veste pour se fondre à l’effervescence grandissante d’un rituel de plus en plus festif, où se font entendre des musiques – enregistrées et en direct, parfois colorées du son reconnaissable d’un appel du muezzin… – et des chants portés par les voix masculines.

© Richard Haughton

Inventions endiablées

L’ambiance est bon enfant, le groupe sortant et entrant dans une mêlée sonore agrémentée de tambourins, de flûtes et d’autres instruments traditionnels, auxquels s’ajoutent les djefnas, ces bassines de métal rouges tenant lieu de caisses de résonnance, de podiums, de marches, de boucliers ou de chapeaux… Les performances se multiplient : main à main, acrobaties au sol s’apparentant à la danse, parfois en solo, souvent en petits groupes de trois, de quatre, de six, jeux d’équilibre où l’on saute les uns sur les épaules des autres, jusqu’à quatre étages de haut ; on y voit même un porteur soutenir jusqu’à six personnes en une image saisissante ! Enfin, les pyramides humaines formeront le clou du spectacle.

Ce qui plaît aussi tient dans la bonhommie qui règne sur l’ensemble de la représentation : comme si rien n’était sérieux, l’un tente de prendre le contrôle sur les autres, l’une, en souliers à talons hauts, se fait cheffe d’orchestre et dirige les mouvements des acrobates, jusqu’à ce qu’on la pousse pour prendre sa place ; on se moque, on rit, on entraîne le public, qui ne demande pas mieux, à battre la mesure, dans des scènes rythmées et dynamiques. Puis, viennent des accalmies, on forme un nouveau cercle comme autour d’un feu, où le sens de harangues en arabe nous échappe, mais pas la complicité bienveillante qui anime la troupe, qui termine le tout par un chant collectif enveloppant. Voilà un voyage culturel qui distille la bonne humeur.

Halka

Création collective de Mahammed Hammich, Mohamed Achraf Châaban, Mounir Châaban, Abdelaziz El Haddad, Younes Yemlahi, Mohamed Reda El Garrab, Abdelali Bahechar, Rim Belhamri, Youssef Karim, Rahima Boughdad, Soufyane Labib, Mustapha Ait Ourakmane, Mhand Hamdan et Youssef El Kanfoudi. Collaborations artistiques et acrobatiques : Abdeliazide Senhadji, Airelle Caen, Boutania el Fekkak et Nordine Allal. Collaboration en acrobatie marocaine : Mohammed Hammich (le père). Création lumière : Laure Andurand. Création musicale : Xavier Collet. Costumes : Ayda Diouri. Une production du Groupe acrobatique de Tanger, présentée à la TOHU jusqu’au 9 février 2020, puis en tournée pancanadienne à Toronto, Winnipeg et Vancouver.