Entrevues

Guylaine Rivard : plonger dans le virtuel

© Sophie Lavoie

Directrice générale et artistique du Théâtre CRI, de Jonquière, depuis qu’elle l’a cofondé avec Serge Fortin en 1997, Guylaine Rivard est comédienne et metteure en scène. Cette compagnie de création s’est donné pour mission l’expérimentation et la recherche dans le travail d’interprétation : CRI pour Centre de recherche et d’interprétation. Avec le solo Aisselles et Bretelles, dont elle signe la conception, la mise en scène et les marionnettes, l’artiste a la chance, en cette période de crise planétaire, de vivre une nouvelle expérience : une représentation en direct via Facebook, qui aura lieu le jeudi 30 avril à 20 h. Cette diffusion inusitée est rendue possible grâce au fonds d’aide #CanadaEnPrestation, qui, en collaboration avec Facebook et le Centre national des arts, octroie pour cela des bourses de 1 000 $.

À quelques jours de l’événement, Guylaine Rivard, qui se décrit comme « une passionnée qui n’arrête jamais », a tout de même un certain trac à l’idée de cette nouvelle aventure, bien qu’elle ait déjà joué le spectacle environ 40 fois depuis sa création au Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, en juillet 2019. « C’est étrange, parce que j’ai mené cette création en solitaire justement pour sortir, aller à la rencontre du public… et je répète devant une caméra ! », s’exclame celle qui avait prévu toute une tournée au Québec au cours des prochains mois. Avec Alexandre Girard, son responsable des communications, qui l’a poussée à demander cette bourse pour que la compagnie reste active, elle travaille à adapter l’œuvre pour le web, en demeurant consciente que les gens la recevront en direct à la maison.

© Patrick Simard

Contes de fées revisités

La créatrice mijotait depuis longtemps d’explorer l’univers des contes de fées, qui la fascine. Mais les contes sont ici prétextes à toutes sortes de diversions : « Cette une mise en abyme perpétuelle, dit-elle, avec des clins d’yeux à l’actualité, à la situation sociale, à la politique, aux migrants, par exemple, ou même à la situation de crise que nous vivons actuellement. Je me suis amusée à multiplier les niveaux de lecture. » Une quarantaine de contes ou de fables sont évoqués dans le spectacle, de Blanche-Neige ou La Belle au bois dormant au Petit Chaperon rouge : « Que ce soit un objet, un motif, ou les personnages, tout se mélange. » L’œuvre s’adresse à un large public, les jeunes y reconnaîtront, selon elle, les histoires qui ont bercé leur enfance.

« Tout cela est fait avec amusement, mais je propose aussi une réflexion sur notre rapport à la consommation, au harcèlement et à l’abus – comme dans les mariages forcés d’un enfant avec un adulte… #MoiAussi est présent sans être nommé – et on s’aperçoit que le méchant des contes n’est pas toujours celui qu’on croit », raconte la comédienne, qui doit relever tout un défi de jeu, car il lui faut manipuler d’innombrables accessoires. Le concept fait de la narratrice un castelet, rien de moins, dont tous les éléments de décor, les marionnettes et divers objets sont enfouis dans ses couches de vêtements, qu’elle ouvre ou enlève, procédant à un effeuillage où tout se transforme et prend vie au fur et à mesure de la fable.

Rappelant qu’il n’est pas facile pour une compagnie de théâtre œuvrant en région éloignée de sortir de celle-ci pour aller à la rencontre de nouveaux publics, Guylaine Rivard voit dans la diffusion en ligne une occasion de joindre des gens de partout et de faire connaître le travail du Théâtre CRI à des programmateurs. « Cette crise, que nous traversons ensemble, me fait réaliser la chance que j’ai d’être là en santé et de vivre dans un pays comme le nôtre. Aisselles et Bretelles, c’est ma façon de saluer la vie », écrivait-elle dans le communiqué annonçant sa prestation du 30 avril. Espérons que les internautes seront nombreux pour apprécier ce cadeau qu’elle nous offre.