Opinion

Musique, lumière, silence

© Wissam Salem

Ma pratique s‘ancre habituellement dans le visuel : la lumière est le matériau de base, la matière première de mes créations. Mais en cette période de confinement, c’est une pièce musicale que j’avais envie de vous partager. Une œuvre à écouter les yeux fermés et qui me semble à propos pour apporter un peu de douceur dans nos quotidiens chamboulés. Composée par Alexis Raynault, jouée par l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal, dirigée par Hubert Tanguay Labrosse et longuement imaginée par Christelle Franca et moi-même, je vous raconte ici la petite histoire de la composition de cette pièce de sept minutes intitulée Le Vaisseau-Cœur.

En septembre dernier, à l’invitation de la compagnie BOP | Ballet Opéra Pantomime, je signais la mise en scène du rituel choral Le Vaisseau-Cœur. Spectacle d’ouverture de la saison de la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal, cette création réunissait une cinquantaine d’artistes sur scène autour de la musique de Francis Poulenc et d’Olivier Messiaen. Pour l’occasion, j’ai demandé au compositeur montréalais Alexis Raynault de créer une introduction musicale. Une partition qui serait comme un voyage amenant les spectateurs et les spectatrices à quitter progressivement leur quotidien pour plonger dans l’univers magique de Poulenc et de Messiaen. Alexis a composé cette magnifique pièce comme une porte d’entrée, un sas entre deux mondes. L’écoute de ces notes restera pour moi intimement liée au souvenir de l’expérience vécue à la salle Bourgie : les gestes précis du chef dirigeant les musicien·nes, les lampes de lutrins brillant dans l’obscurité, les doigts de la pianiste Claudia Chan dansant sur le rutilant Steinway et les 30 choristes émergeant de l’obscurité du plateau comme une foule sortie d’un rêve… S’il existe des photographies et des vidéos des représentations, rien ne remplace l’expérience d’être assis·e dans la pénombre d’une salle entouré·e de centaines de personnes pour partager ce moment. La situation actuelle ne souligne que davantage la beauté et la fragilité infinie du spectacle vivant.

© Wissam Salem

Du spectacle de septembre dernier, ces sept minutes de musique sont les seules qu’il m’est possible de partager avec justesse, en dehors du contexte physique de la salle Bourgie. L’enregistrement de la pièce Le Vaisseau-Cœur est suivi d’une courte histoire racontée par ma collaboratrice Christelle Franca. Sept minutes de musique imaginées à trois – Alexis, Christelle et moi – entre Montréal et Rocamadour, pour créer la porte d’entrée de notre Vaisseau-Cœur.

De la part de toute l’équipe, et en espérant que le prochain partage sera fait dans cette obscurité si chère du théâtre, d’où naît la plus vive des lumières.

Le Vaisseau-Cœur

Mise en scène, lumière et scénographie : Cédric Delorme-Bouchard. Direction musicale : Hubert Tanguay Labrosse. Direction de création et dramaturgie : Christelle Franca. Mouvement : Danielle Lecourtois. Conception costumes : Camille Jupa et Tricia Crivellaro. Danse : Laurence Castonguay Emery, Mélanie Chouinard, Jennyfer Desbiens et Myriam Foisy. Piano : Claudia Chan. Ondes Martenot : Estelle Lemire. Orchestre de chambre I Musici de Montréal.Chœur d’élèves de l’école Joseph-François-Perrault : Noémie Aguero-Aguilar, Arianne Beaulac, Mila Bissoondoyal, Emmanuelle Brin-Delisle, Flavie Brousseau-La Rosa, Ève Claveau, Sophie Courville, Maia Dagher, Nelleke Dagher, Zoé David, Alice Démontagne, Orianne Démontagne, Maxime-Barbara Émond, Amellie Gendron, Ludine Franco, Charlotte Lacroix, Laurence Laforest, Mélodie Lhermite, Shani Anne Maasa, Ophélie Mercure, Pascale Moko Foko, Sofia Morao, Léa-Jade Tabah, Amélie Tjia et Ariane Trudel-Poirier. Monitrices de chant : Juliette Leclerc et Florence Tremblay. Régie : Léa Pennel. Relecture de l’article : Nadia Desroches. Présenté du 10 au 12 septembre 2019 à la Salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal