En 2018, La Meute de Catherine-Anne Toupin était créée avec succès à La Licorne. La dramaturge souhaitait alors nous faire réfléchir à la violence envers les femmes qui existe sur les réseaux sociaux et ailleurs. Trois ans plus tard, devant une vague tragique de féminicides au Québec, il nous faut reconnaître que le sujet reste malheureusement d’actualité.
Pour cette raison, peut-être, le traducteur Chris Campbell et Andrew Shaver, le metteur en scène de la version anglaise, MOB, respectent le texte à la lettre – qui comprend, faut-il dire, de nombreuses didascalies. On semble même s’inspirer de la mise en scène de Marc Beaupré.
Le décor, les éclairages et la bande sonore inquiétante font également penser à la création originale. C’en est presque troublant, quoiqu’il serait périlleux, en fait, de modifier un tant soit peu ce thriller psychologique possédant un arc dramatique presque parfait. Cela n’enlève rien à la qualité de la production du Théâtre Centaur. Au contraire, c’est comme assister à la consécration d’un classique.
Un mot sur le contexte particulier de cette représentation. La pièce est remise à l’affiche après un an d’interruption en raison de la crise pandémique, soit devant 36 spectateurs et spectatrices dans un théâtre de 241 sièges. Malgré la distanciation physique sur scène et dans la salle, l’enthousiasme du public était palpable pendant la (seconde) première.
Rappelons les principaux éléments narratifs : une jeune femme, Sophie (Adrianne Richards), qui a subi des menaces de viol et de meurtre sur le web, arrive dans un bled perdu après avoir roulé toute la nuit. Elle loue une chambre chez l’accueillante Louise (Susan Bain) qui vit avec son neveu Martin (Matthew Kabwe), un gaillard timide qui se lie d’amitié avec la pensionnaire. Sophie gagnera la confiance du jeune homme en profitant, justement, de son manque d’assurance.
Violence et vengeance
Sachant que Sophie a subi des menaces et perdu son emploi, on comprend peu à peu qu’elle agit telle une araignée qui tisse patiemment sa toile en amenant sa proie à se mettre à nu, et ce, dans tous les sens du mot. C’est une histoire de violence envers les femmes, mais aussi de vengeance.
Avec cette troisième pièce. Catherine-Anne Toupin démonte habilement la mécanique délétère du mépris, qui ne peut qu’entraîner une haine imparable en retour. Elle intercale intelligemment le récit sur scène avec des apartés livrés dans une confusion émotive par Sophie. Ceci laisse voir des bribes de ce dont elle a été victime ainsi que la réponse inadéquate de la justice à sa détresse.
Ces violences et ces résultats, on ne les connaît que trop. De tels drames continuent de se produire aujourd’hui après tous les mouvements #metoo du monde entier. La pièce dénonce le contrôle et le pouvoir agissant sur des femmes agressées par des hommes. Ces êtres souvent solitaires se regroupent en meute afin d’assouvir leurs plus bas instincts.
Comme dans la version originale, le trio d’acteur et d’actrices anglophones est bien dirigé, et il excelle dans toutes les nuances suggérées par les changements de ton du texte. Qui plus est, à l’image Guillaume Cyr en 2018, le comédien Matthew Kabwe offre une performance phénoménale dans le rôle de Martin, un personnage certes naïf, mais frustré, voire violent lorsque poussé à bout.
La deuxième pièce de Catherine Toupin À présent (2008) a été traduite en plusieurs langues et présentée au Royaume-Uni, en Italie, au Mexique et en Australie. Il n’y a pas de raison pour que MOB, en première mondiale en anglais au Centaur, ne connaisse pas un sort identique. La dramaturge a le don de se saisir des tragédies du temps présent pour en faire émerger une image grossie, certes hideuse, mais nécessaire.
Texte : Catherine-Anne Toupin. Traduction : Chris Campbell. Mise en scène : Andrew Shaver. Costumes et décors : James Lavoie. Éclairages : Martin Sirois. Son : Jesse Ash. Maître de combats : Robert Montcalm. Avec Susan Bain, Matthew Kabwe et Adrianne Richards. Une production du Théâtre Centaur présentée jusqu’au 3 avril 2021.
En 2018, La Meute de Catherine-Anne Toupin était créée avec succès à La Licorne. La dramaturge souhaitait alors nous faire réfléchir à la violence envers les femmes qui existe sur les réseaux sociaux et ailleurs. Trois ans plus tard, devant une vague tragique de féminicides au Québec, il nous faut reconnaître que le sujet reste malheureusement d’actualité.
Pour cette raison, peut-être, le traducteur Chris Campbell et Andrew Shaver, le metteur en scène de la version anglaise, MOB, respectent le texte à la lettre – qui comprend, faut-il dire, de nombreuses didascalies. On semble même s’inspirer de la mise en scène de Marc Beaupré.
Le décor, les éclairages et la bande sonore inquiétante font également penser à la création originale. C’en est presque troublant, quoiqu’il serait périlleux, en fait, de modifier un tant soit peu ce thriller psychologique possédant un arc dramatique presque parfait. Cela n’enlève rien à la qualité de la production du Théâtre Centaur. Au contraire, c’est comme assister à la consécration d’un classique.
Un mot sur le contexte particulier de cette représentation. La pièce est remise à l’affiche après un an d’interruption en raison de la crise pandémique, soit devant 36 spectateurs et spectatrices dans un théâtre de 241 sièges. Malgré la distanciation physique sur scène et dans la salle, l’enthousiasme du public était palpable pendant la (seconde) première.
Rappelons les principaux éléments narratifs : une jeune femme, Sophie (Adrianne Richards), qui a subi des menaces de viol et de meurtre sur le web, arrive dans un bled perdu après avoir roulé toute la nuit. Elle loue une chambre chez l’accueillante Louise (Susan Bain) qui vit avec son neveu Martin (Matthew Kabwe), un gaillard timide qui se lie d’amitié avec la pensionnaire. Sophie gagnera la confiance du jeune homme en profitant, justement, de son manque d’assurance.
Violence et vengeance
Sachant que Sophie a subi des menaces et perdu son emploi, on comprend peu à peu qu’elle agit telle une araignée qui tisse patiemment sa toile en amenant sa proie à se mettre à nu, et ce, dans tous les sens du mot. C’est une histoire de violence envers les femmes, mais aussi de vengeance.
Avec cette troisième pièce. Catherine-Anne Toupin démonte habilement la mécanique délétère du mépris, qui ne peut qu’entraîner une haine imparable en retour. Elle intercale intelligemment le récit sur scène avec des apartés livrés dans une confusion émotive par Sophie. Ceci laisse voir des bribes de ce dont elle a été victime ainsi que la réponse inadéquate de la justice à sa détresse.
Ces violences et ces résultats, on ne les connaît que trop. De tels drames continuent de se produire aujourd’hui après tous les mouvements #metoo du monde entier. La pièce dénonce le contrôle et le pouvoir agissant sur des femmes agressées par des hommes. Ces êtres souvent solitaires se regroupent en meute afin d’assouvir leurs plus bas instincts.
Comme dans la version originale, le trio d’acteur et d’actrices anglophones est bien dirigé, et il excelle dans toutes les nuances suggérées par les changements de ton du texte. Qui plus est, à l’image Guillaume Cyr en 2018, le comédien Matthew Kabwe offre une performance phénoménale dans le rôle de Martin, un personnage certes naïf, mais frustré, voire violent lorsque poussé à bout.
La deuxième pièce de Catherine Toupin À présent (2008) a été traduite en plusieurs langues et présentée au Royaume-Uni, en Italie, au Mexique et en Australie. Il n’y a pas de raison pour que MOB, en première mondiale en anglais au Centaur, ne connaisse pas un sort identique. La dramaturge a le don de se saisir des tragédies du temps présent pour en faire émerger une image grossie, certes hideuse, mais nécessaire.
MOB
Texte : Catherine-Anne Toupin. Traduction : Chris Campbell. Mise en scène : Andrew Shaver. Costumes et décors : James Lavoie. Éclairages : Martin Sirois. Son : Jesse Ash. Maître de combats : Robert Montcalm. Avec Susan Bain, Matthew Kabwe et Adrianne Richards. Une production du Théâtre Centaur présentée jusqu’au 3 avril 2021.