La chute brutale d’un jeune homme des quartiers pauvres dans la criminalité entraînait un inconfortable sentiment d’appartenance et de vulnérabilité, lors de la création de la pièce King Dave, en 2005. Avec son visage poupin et son langage cru, Alexandre Goyette faisait danser son personnage sur la fine frontière entre la petite délinquance rebelle, qui joue à se faire peur, sans trop en maîtriser les conséquences, et l’accident dramatique qui plonge son instigateur dans une violence et une noirceur irréfléchies.
Plus de 15 ans plus tard, l’œuvre d’Alexandre Goyette renaît sous une forme nouvelle avec l’apport d’Anglesh Major, qui incarne le rôle de David Joseph pour les prochaines représentations chez Duceppe. Un autre acteur, Patrick Emmanuel Abellard, prendra la relève pour la tournée qui suivra à l’automne. La décision de présenter la pièce avec un comédien racisé est très intéressante, car elle permet de conceptualiser une tout autre réalité. Toutefois, plutôt que de lutter contre certaines croyances populaires, ce choix perpétue nécessairement le cliché majoritairement véhiculé, et que le personnage évoque d’ailleurs dans son histoire, celui du « noir délinquant ».
Le texte a aussi été remanié par l’auteur et l’interprète pour l’incrémenter dans l’univers d’un jeune Montréalais noir d’aujourd’hui. Si la trame narrative reste sensiblement identique, il y a une évolution sémantique très importante et enrichissante. Le ton cru et vulgaire demeure, mais le langage s’agrémente de termes et d’expressions typiques, d’argot local et de plusieurs dialogues en créole ajoutant une authenticité culturelle à l’ensemble. Une langue qu’on n’a pas l’habitude d’entendre sur nos scènes, mais qui, comme le joual dans les années 1960, traduit le quotidien de tout un pan de la société québécoise.
Cette version 2020 aurait toutefois dû être actualisée à tous les niveaux, car on a relevé plusieurs incongruités historiques. Il est ainsi difficile de trouver des cabines téléphoniques à Laval de nos jours. Autre exemple, la généralisation du système de clés électroniques pour les voitures de luxe ne permet plus d’ouvrir les portières avec un cintre.
Force du comédien
La prestation d’Anglesh Major n’en demeure pas moins impressionnante. Avec un débit moins rapide que celui de Goyette, mais un jeu plus subtil et plus abouti, il porte cette pièce avec gravité et profondeur. Ses mimiques et ses postures ajoutent aussi une dimension humoristique qui désamorce certains propos ou certaines actions. La mise en scène de Christian Fortin, qui avait signé la mise en scène originale, est dynamique et accompagne parfaitement la quête du personnage, qui se perd autant dans sa tête que dans la ville.
L’ajout d’un piano dans le décor, dont Dave joue aux moments clés où il tente de se calmer, permet d’introduire une certaine douceur et surtout une dualité chez le protagoniste. Derrière son attitude crâneuse et fendante, ce matamore n’est finalement rien d’autre qu’un enfant effrayé par ses prises de risques irréfléchies et par un enchaînement de conséquences qu’il ne maîtrise plus. Au fur à mesure que la pièce avance, on fait fi de la langue, de la couleur de la peau, de la vulgarité. Qui qu’il soit, Dave, le king de la mauvaise décision, fascine, dérange, charme et nous désespère toujours.
Texte : Alexandre Goyette, avec la collaboration d’Anglesh Major. Mise en scène : Christian Fortin. Scénographie et costumes : Xavier Mary. Lumières : Renaud Pettigrew. Musique et conception sonore : Jenny Salgado. Accessoires : Normand Blais. Avec Anglesh Major. Une production de Duceppe présentée au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 23 mai 2021, puis en tournée à l’automne 2021.
La chute brutale d’un jeune homme des quartiers pauvres dans la criminalité entraînait un inconfortable sentiment d’appartenance et de vulnérabilité, lors de la création de la pièce King Dave, en 2005. Avec son visage poupin et son langage cru, Alexandre Goyette faisait danser son personnage sur la fine frontière entre la petite délinquance rebelle, qui joue à se faire peur, sans trop en maîtriser les conséquences, et l’accident dramatique qui plonge son instigateur dans une violence et une noirceur irréfléchies.
Plus de 15 ans plus tard, l’œuvre d’Alexandre Goyette renaît sous une forme nouvelle avec l’apport d’Anglesh Major, qui incarne le rôle de David Joseph pour les prochaines représentations chez Duceppe. Un autre acteur, Patrick Emmanuel Abellard, prendra la relève pour la tournée qui suivra à l’automne. La décision de présenter la pièce avec un comédien racisé est très intéressante, car elle permet de conceptualiser une tout autre réalité. Toutefois, plutôt que de lutter contre certaines croyances populaires, ce choix perpétue nécessairement le cliché majoritairement véhiculé, et que le personnage évoque d’ailleurs dans son histoire, celui du « noir délinquant ».
Le texte a aussi été remanié par l’auteur et l’interprète pour l’incrémenter dans l’univers d’un jeune Montréalais noir d’aujourd’hui. Si la trame narrative reste sensiblement identique, il y a une évolution sémantique très importante et enrichissante. Le ton cru et vulgaire demeure, mais le langage s’agrémente de termes et d’expressions typiques, d’argot local et de plusieurs dialogues en créole ajoutant une authenticité culturelle à l’ensemble. Une langue qu’on n’a pas l’habitude d’entendre sur nos scènes, mais qui, comme le joual dans les années 1960, traduit le quotidien de tout un pan de la société québécoise.
Cette version 2020 aurait toutefois dû être actualisée à tous les niveaux, car on a relevé plusieurs incongruités historiques. Il est ainsi difficile de trouver des cabines téléphoniques à Laval de nos jours. Autre exemple, la généralisation du système de clés électroniques pour les voitures de luxe ne permet plus d’ouvrir les portières avec un cintre.
Force du comédien
La prestation d’Anglesh Major n’en demeure pas moins impressionnante. Avec un débit moins rapide que celui de Goyette, mais un jeu plus subtil et plus abouti, il porte cette pièce avec gravité et profondeur. Ses mimiques et ses postures ajoutent aussi une dimension humoristique qui désamorce certains propos ou certaines actions. La mise en scène de Christian Fortin, qui avait signé la mise en scène originale, est dynamique et accompagne parfaitement la quête du personnage, qui se perd autant dans sa tête que dans la ville.
L’ajout d’un piano dans le décor, dont Dave joue aux moments clés où il tente de se calmer, permet d’introduire une certaine douceur et surtout une dualité chez le protagoniste. Derrière son attitude crâneuse et fendante, ce matamore n’est finalement rien d’autre qu’un enfant effrayé par ses prises de risques irréfléchies et par un enchaînement de conséquences qu’il ne maîtrise plus. Au fur à mesure que la pièce avance, on fait fi de la langue, de la couleur de la peau, de la vulgarité. Qui qu’il soit, Dave, le king de la mauvaise décision, fascine, dérange, charme et nous désespère toujours.
King Dave
Texte : Alexandre Goyette, avec la collaboration d’Anglesh Major. Mise en scène : Christian Fortin. Scénographie et costumes : Xavier Mary. Lumières : Renaud Pettigrew. Musique et conception sonore : Jenny Salgado. Accessoires : Normand Blais. Avec Anglesh Major. Une production de Duceppe présentée au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 23 mai 2021, puis en tournée à l’automne 2021.