Après avoir dû renoncer à présenter Post Coïtum au Festival TransAmériques l’an dernier, en raison de la pandémie, l’idéatrice, chorégraphe et metteuse en scène Mélanie Demers fait renaître le thème de la déchéance dans une création multidisciplinaire à la fois poétique et inquiétante. C’est à travers l’échec et la douleur de l’expérience humaine qu’elle choisit ici d’aborder ce sujet.
Des tables installées en demi-lune, des plantes éparses, des instruments de musique, du linge mou, du rouge et de l’orangé servent de trame visuelle à ce projet. La passion est au cœur du spectacle, qui s’ouvre avec une chanson où la musicienne et chanteuse Frannie Holder, qui compose aussi pour l’ensemble de la production, nargue le public en jouant avec sa voix. Elle passe du murmure doucereux au cri viscéral avec aisance. Par la suite, derrière une épaisse brume, les autres artistes prennent place et l’histoire commence. Les cinq femmes proposent alors un enchaînement des tableaux qu’elles interprètent tantôt en solo, tantôt en duo ou en groupe, mais constamment en interaction les unes avec les autres, puisqu’aucune ne quitte jamais la scène.
Elles nous entraînent dans des univers rudimentaires et enfantins qui semblent caricaturaux, d’un premier abord, avec ces plaintes et ces rugissements, mais qui prennent ensuite forme dans des sons et des gestes plus construits. C’est l’histoire d’une humanité douloureuse qu’elles jouent, la leur. De la naissance à l’agonie, elles ne sont pas seules sur cette route puisque l’amertume, l’angoisse et la défaite ne cessent de les surveiller, de les escorter. Elles nous provoquent, elles hurlent tout leur soûl, mais elles nous amusent tout autant. Certaines scènes, plus cocasses que drôles, engendrent des rires discrets dans la salle.
Nous sommes « awesome »
Même si le chaos règne parfois en maître dans les chorégraphies, les musiques, les mots, les accessoires et les costumes, la narrativité du spectacle est prééminente. De scène en scène, une montée dramatique s’installe jusqu’à une finale inquiétante qui conclut à la perfection cette œuvre.
Plusieurs moments forts ponctuent ce spectacle et chacune des artistes a l’occasion de livrer d’intéressantes performances. Chi Long nous offre avec aplomb un hybride de slam-poésie bilingue percutant qui fait office de sermon dans cette messe agnostique. On jongle avec la résonance des mots français et anglais dans un discours dur autour de la possible survivance. Les danseuses contemporaines Stacey Désilier et Brianna Lombardo sont intenses et transcendantes, mais ne manquent jamais de grâce à travers les chorégraphies brusques et primitives. Pour sa part, Léa Noblet Di Ziranaldi se métamorphose aussi bien en agresseur qu’en bourgeoise obsédée de ragots. Malgré un thème sombre et amer, il ressort de l’interprétation de ces cinq femmes une luminosité fascinante.
Le spectacle passe en un éclair et on en aurait pris encore. La Goddam Voie Lactée est assurément un projet réussi qu’il ne faut pas manquer. Une œuvre d’une imperfection bien contrôlée et habilement fébrile d’où jaillissent des images belles et crues qui ne laissent pas indifférent·e.
Idéation, chorégraphie et mise en scène : Mélanie Demers. Musique : Frannie Holder. Apprentie : Misheel Ganbold. Direction des répétitions : Anne-Marie Jourdenais. Dramaturgie : Angélique Willkie. Lumières : Claire Seyller. Costumes : Elen Ewing. Son : Benoit Bouchard. Direction technique : Hannah Kirby. Direction de production et régie : Mélanie Primeau. Avec Stacey Désilier, Frannie Holder, Brianna Lombardo, Chi Long et Léa Noblet Di Ziranaldi. Une coproduction de la compagnie Mayday, de l’Agora de la danse, du Centre chorégraphique national de Tours, du Centro per la Scena Contemporanea (Bassano del Grappa) et de The Dance Centre (Vancouver), présentée au Théâtre Rouge du Conservatoire, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 6 juin 2021.
Après avoir dû renoncer à présenter Post Coïtum au Festival TransAmériques l’an dernier, en raison de la pandémie, l’idéatrice, chorégraphe et metteuse en scène Mélanie Demers fait renaître le thème de la déchéance dans une création multidisciplinaire à la fois poétique et inquiétante. C’est à travers l’échec et la douleur de l’expérience humaine qu’elle choisit ici d’aborder ce sujet.
Des tables installées en demi-lune, des plantes éparses, des instruments de musique, du linge mou, du rouge et de l’orangé servent de trame visuelle à ce projet. La passion est au cœur du spectacle, qui s’ouvre avec une chanson où la musicienne et chanteuse Frannie Holder, qui compose aussi pour l’ensemble de la production, nargue le public en jouant avec sa voix. Elle passe du murmure doucereux au cri viscéral avec aisance. Par la suite, derrière une épaisse brume, les autres artistes prennent place et l’histoire commence. Les cinq femmes proposent alors un enchaînement des tableaux qu’elles interprètent tantôt en solo, tantôt en duo ou en groupe, mais constamment en interaction les unes avec les autres, puisqu’aucune ne quitte jamais la scène.
Elles nous entraînent dans des univers rudimentaires et enfantins qui semblent caricaturaux, d’un premier abord, avec ces plaintes et ces rugissements, mais qui prennent ensuite forme dans des sons et des gestes plus construits. C’est l’histoire d’une humanité douloureuse qu’elles jouent, la leur. De la naissance à l’agonie, elles ne sont pas seules sur cette route puisque l’amertume, l’angoisse et la défaite ne cessent de les surveiller, de les escorter. Elles nous provoquent, elles hurlent tout leur soûl, mais elles nous amusent tout autant. Certaines scènes, plus cocasses que drôles, engendrent des rires discrets dans la salle.
Nous sommes « awesome »
Même si le chaos règne parfois en maître dans les chorégraphies, les musiques, les mots, les accessoires et les costumes, la narrativité du spectacle est prééminente. De scène en scène, une montée dramatique s’installe jusqu’à une finale inquiétante qui conclut à la perfection cette œuvre.
Plusieurs moments forts ponctuent ce spectacle et chacune des artistes a l’occasion de livrer d’intéressantes performances. Chi Long nous offre avec aplomb un hybride de slam-poésie bilingue percutant qui fait office de sermon dans cette messe agnostique. On jongle avec la résonance des mots français et anglais dans un discours dur autour de la possible survivance. Les danseuses contemporaines Stacey Désilier et Brianna Lombardo sont intenses et transcendantes, mais ne manquent jamais de grâce à travers les chorégraphies brusques et primitives. Pour sa part, Léa Noblet Di Ziranaldi se métamorphose aussi bien en agresseur qu’en bourgeoise obsédée de ragots. Malgré un thème sombre et amer, il ressort de l’interprétation de ces cinq femmes une luminosité fascinante.
Le spectacle passe en un éclair et on en aurait pris encore. La Goddam Voie Lactée est assurément un projet réussi qu’il ne faut pas manquer. Une œuvre d’une imperfection bien contrôlée et habilement fébrile d’où jaillissent des images belles et crues qui ne laissent pas indifférent·e.
La Goddam Voie Lactée
Idéation, chorégraphie et mise en scène : Mélanie Demers. Musique : Frannie Holder. Apprentie : Misheel Ganbold. Direction des répétitions : Anne-Marie Jourdenais. Dramaturgie : Angélique Willkie. Lumières : Claire Seyller. Costumes : Elen Ewing. Son : Benoit Bouchard. Direction technique : Hannah Kirby. Direction de production et régie : Mélanie Primeau. Avec Stacey Désilier, Frannie Holder, Brianna Lombardo, Chi Long et Léa Noblet Di Ziranaldi. Une coproduction de la compagnie Mayday, de l’Agora de la danse, du Centre chorégraphique national de Tours, du Centro per la Scena Contemporanea (Bassano del Grappa) et de The Dance Centre (Vancouver), présentée au Théâtre Rouge du Conservatoire, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 6 juin 2021.