Une brève histoire du temps : Quand le cours se fait récré
Avec son spectacle solo de théâtre d’objets sur les lois physiques qui régissent notre univers, Antonia Lenay-Granger redéfinit la notion même de vulgarisation scientifique. Les théories d’Aristote, de Newton, d’Einstein et consorts se prêtent à diverses mises en forme (chansons, jeu-questionnaire, démonstrations), qui, pour être hautement humoristiques, ne négligent jamais la matière exposée. Ainsi, la créatrice d’Une brève histoire du temps, telle une adroitissime funambule, arrive non seulement à trouver, mais aussi à maintenir l’équilibre délicat entre forme et fond, faisant d’un cours accéléré (et franchement enrichissant) sur la physique une expérience ludique et enthousiasmante.
Qui eût cru que l’orbite de la Terre, le concept d’espace-temps ou encore la vitesse de la lumière avait un tel potentiel comique ? Or, la drôlerie que leur insuffle Lenay-Granger (et qui fleure bon l’influence du Théâtre de la Pire Espèce) passe certes par les objets choisis (du papier hygiénique, un poussin mécanique, des cuillères de plastique représentant des joueurs de ping pong, …) et beaucoup par la musique finement utilisée (du Messie de Haendel au Bohemian Rapsody de Queens en passant par le Highway to Hell d’AC/DC), mais elle repose aussi en large part sur le jeu d’actrice de l’artiste femme-orchestre qui, multipliant les mimiques bien envoyées, établit dès le début de la représentation une complicité avec le public qui se révélera inébranlable. Car il y a bien de rares moments qui s’étirent quelque peu (les quatre ou cinq chansons des Beatles réinventées avec plus ou moins de succès tant dans la conception que dans l’interprétation sont-elles nécessaires ?), mais le lien qui unit salle et scène, aussi érigé sur la base d’un contenu de grande qualité, généralement captivant et qui témoigne d’une belle confiance envers la curiosité et l’intelligence des spectateurs et spectatrices, n’est jamais rompu. On sort de ce spectacle passablement moins bêtes (mentionnons, notamment, le chapeau levé aux femmes de science telles Hypatie, Émilie du Châtelet et Emmy Noether, dont l’histoire n’a pas cru bon créditer l’apport pourtant considérable) et d’une humeur si légère qu’elle en défie presque la loi de la gravité.
Texte, mise en scène, création et interprétation : Antonia Lenay-Granger. Mentorat artistique : Francis Monty et Olivier Ducas, Théâtre de la Pire Espèce. Une production du Théâtre du Renard, présentée à la salle du Facteur culturel du Centre culturel du Mont Jacob, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, jusqu’au 29 juillet 2021.
Histoires d’ailes et d’échelles : Suivre la ligne pour mieux en dévier
C’est avec un naturel chaleureux et attendrissant, où s’amalgament douceur et enthousiasme, que Sylvie Gosselin, dès son arrivée sur scène, accueille les enfants de 4 ans et plus en s’adressant directement à eux et à elles. Elle leur explique, en guise d’introduction, que les dossards, tous uniques, qui leur ont été prêtés à leur entrée en salle, ont été fabriqués de ses propres mains, et qu’elle a, pour ce faire, tiré son inspiration des marionnettes conçues par le peintre Paul Klee (1879-1940) pour son fils. L’œuvre de l’artiste allemand, présentée fort habilement – d’une manière fluide, informative et ludique, en évitant tant le didactisme que la simplification à outrance –, à l’aide de diapositives et d’une flèche (qui semble avoir une volonté bien à elle) manipulée par Gosselin, sera le point de départ d’Histoires d’ailes et d’échelles, qui en sera imprégné tant du point de vue iconographique qu’en ce qui concerne les leitmotivs textuels.
L’importance du rêve, la quête de l’invisible et la métamorphose (un village se refaçonne spontanément à la suite de l’envolée d’un homme à une seule aile, par exemple) ponctuent la « promenade avec une ligne » qu’entreprend l’héroïne de ce spectacle solo au cœur de la scénographie fascinante, signée par la créatrice elle-même, où se jouxtent les matières (bois, tissus, métaux) et se multiplient les surprises (une table de chevet se révèle être un chien s’exprimant par des sons d’accordéon, un nuage blanc et duveteux s’ouvre pour déverser une pluie de confettis multicolores, etc.). Or, la ligne tend par moments à devenir un peu floue et la trame de cette narration, pas plus linéaire que classique, à se distendre jusqu’à en apparaître légèrement décousue. Sylvie Gosselin parvient néanmoins à boucler la boucle, en fin de course, appuyée en cela par une marionnette à l’effigie de Klee, de ce périple onirique et original qui se veut, avant tout, à la fois une ode et une invitation à la créativité.
Texte : Sylvie Gosselin à partir des mots de Martin Bellemare, Nathalie Derome, Hélène Mercier et Paul Klee. Mise en scène, scénographie, costume, accessoires, marionnettes et interprétation : Sylvie Gosselin. Conception des éclairages et des accessoires lumineux : Luc Prairie. Conception sonore : Francis Rossignol. Regards extérieurs : Nathalie Derome, Jackie Gosselin, Hélène Mercier et Luc Prairie. Photos et vidéo : Philippe Marois. Une production de Sylvie Gosselin, présentée au Centre des arts de Chicoutimi, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette de Saguenay, jusqu’au 29 juillet 2021.
Une brève histoire du temps : Quand le cours se fait récré
Avec son spectacle solo de théâtre d’objets sur les lois physiques qui régissent notre univers, Antonia Lenay-Granger redéfinit la notion même de vulgarisation scientifique. Les théories d’Aristote, de Newton, d’Einstein et consorts se prêtent à diverses mises en forme (chansons, jeu-questionnaire, démonstrations), qui, pour être hautement humoristiques, ne négligent jamais la matière exposée. Ainsi, la créatrice d’Une brève histoire du temps, telle une adroitissime funambule, arrive non seulement à trouver, mais aussi à maintenir l’équilibre délicat entre forme et fond, faisant d’un cours accéléré (et franchement enrichissant) sur la physique une expérience ludique et enthousiasmante.
Qui eût cru que l’orbite de la Terre, le concept d’espace-temps ou encore la vitesse de la lumière avait un tel potentiel comique ? Or, la drôlerie que leur insuffle Lenay-Granger (et qui fleure bon l’influence du Théâtre de la Pire Espèce) passe certes par les objets choisis (du papier hygiénique, un poussin mécanique, des cuillères de plastique représentant des joueurs de ping pong, …) et beaucoup par la musique finement utilisée (du Messie de Haendel au Bohemian Rapsody de Queens en passant par le Highway to Hell d’AC/DC), mais elle repose aussi en large part sur le jeu d’actrice de l’artiste femme-orchestre qui, multipliant les mimiques bien envoyées, établit dès le début de la représentation une complicité avec le public qui se révélera inébranlable. Car il y a bien de rares moments qui s’étirent quelque peu (les quatre ou cinq chansons des Beatles réinventées avec plus ou moins de succès tant dans la conception que dans l’interprétation sont-elles nécessaires ?), mais le lien qui unit salle et scène, aussi érigé sur la base d’un contenu de grande qualité, généralement captivant et qui témoigne d’une belle confiance envers la curiosité et l’intelligence des spectateurs et spectatrices, n’est jamais rompu. On sort de ce spectacle passablement moins bêtes (mentionnons, notamment, le chapeau levé aux femmes de science telles Hypatie, Émilie du Châtelet et Emmy Noether, dont l’histoire n’a pas cru bon créditer l’apport pourtant considérable) et d’une humeur si légère qu’elle en défie presque la loi de la gravité.
Une brève histoire du temps
Texte, mise en scène, création et interprétation : Antonia Lenay-Granger. Mentorat artistique : Francis Monty et Olivier Ducas, Théâtre de la Pire Espèce. Une production du Théâtre du Renard, présentée à la salle du Facteur culturel du Centre culturel du Mont Jacob, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, jusqu’au 29 juillet 2021.
Histoires d’ailes et d’échelles : Suivre la ligne pour mieux en dévier
C’est avec un naturel chaleureux et attendrissant, où s’amalgament douceur et enthousiasme, que Sylvie Gosselin, dès son arrivée sur scène, accueille les enfants de 4 ans et plus en s’adressant directement à eux et à elles. Elle leur explique, en guise d’introduction, que les dossards, tous uniques, qui leur ont été prêtés à leur entrée en salle, ont été fabriqués de ses propres mains, et qu’elle a, pour ce faire, tiré son inspiration des marionnettes conçues par le peintre Paul Klee (1879-1940) pour son fils. L’œuvre de l’artiste allemand, présentée fort habilement – d’une manière fluide, informative et ludique, en évitant tant le didactisme que la simplification à outrance –, à l’aide de diapositives et d’une flèche (qui semble avoir une volonté bien à elle) manipulée par Gosselin, sera le point de départ d’Histoires d’ailes et d’échelles, qui en sera imprégné tant du point de vue iconographique qu’en ce qui concerne les leitmotivs textuels.
L’importance du rêve, la quête de l’invisible et la métamorphose (un village se refaçonne spontanément à la suite de l’envolée d’un homme à une seule aile, par exemple) ponctuent la « promenade avec une ligne » qu’entreprend l’héroïne de ce spectacle solo au cœur de la scénographie fascinante, signée par la créatrice elle-même, où se jouxtent les matières (bois, tissus, métaux) et se multiplient les surprises (une table de chevet se révèle être un chien s’exprimant par des sons d’accordéon, un nuage blanc et duveteux s’ouvre pour déverser une pluie de confettis multicolores, etc.). Or, la ligne tend par moments à devenir un peu floue et la trame de cette narration, pas plus linéaire que classique, à se distendre jusqu’à en apparaître légèrement décousue. Sylvie Gosselin parvient néanmoins à boucler la boucle, en fin de course, appuyée en cela par une marionnette à l’effigie de Klee, de ce périple onirique et original qui se veut, avant tout, à la fois une ode et une invitation à la créativité.
Histoires d’ailes et d’échelles
Texte : Sylvie Gosselin à partir des mots de Martin Bellemare, Nathalie Derome, Hélène Mercier et Paul Klee. Mise en scène, scénographie, costume, accessoires, marionnettes et interprétation : Sylvie Gosselin. Conception des éclairages et des accessoires lumineux : Luc Prairie. Conception sonore : Francis Rossignol. Regards extérieurs : Nathalie Derome, Jackie Gosselin, Hélène Mercier et Luc Prairie. Photos et vidéo : Philippe Marois. Une production de Sylvie Gosselin, présentée au Centre des arts de Chicoutimi, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette de Saguenay, jusqu’au 29 juillet 2021.