Ce sont la chorégraphe Andrea Peña et sa troupe qui ouvrent la saison automnale de l’Agora de la danse avec 6.58 : Manifesto. Une création à la fois dense et accessible qui met en scène les réflexions de l’artiste sur notre rapport aux forces extérieures et intérieures qui régissent nos lignes de vie, notre manière de nous présenter au monde et nos interactions. Au-delà de l’intention, de cette prémisse de départ, c’est aussi une œuvre visuellement et esthétiquement captivante que nous offre cette impressionnante équipe.
S’attaquant donc à la notion d’artifice, ce manifeste-performance se décline en trois tableaux qui combinent trois éléments sur lesquels reposent la scénographie et les explorations chorégraphiques des danseurs et des danseuses. Chaque tableau, avec son vocabulaire, déploie son questionnement sur la manière dont l’individu conjugue avec la construction et la déconstruction de soi.
On ne peut pas penser à l’artifice sans évoquer le virtuel. C’est qui est au cœur de la première partie du spectacle. Sur le sol s’étend une grille de carrés numérotés de 1 à 9. Dans leurs tenues de sport, les interprètes obéissent à une voix synthétique qui dicte un trajet et une séquence de mouvements qu’ils et elles répètent chacun·e leur tour ou en ensemble. Il y a d’abord une série de gestes programmés, inévitables, mécaniques et aiguisés par un rythme de plus en plus rapide et contraignant. Jusqu’au moment où l’identité individuelle et l’énergie propres à chaque danseur et danseuse sautent aux yeux. Même dans un environnement contrôlé, exempt d’un certain libre arbitre, la part de nous-mêmes impossible à dupliquer finit résolument par faire surface. Les empreintes individuelles de Nicholas Bellefleur, Veronique Giasson, Gabby Kachan, Jean-Benoît Labrecque, Benjamin Landsberg, Jontae McCrory, Erin O’Loughlin, Francois Richard et Frédérique Rodier sont assurément ce qui capte le regard, puisqu’elles font dérailler la machine bien huilée de l’automatisme.
Le langage de l’abandon
La communication (des corps) est subtilement esquissée dans le premier tableau et pleinement investie dans le second, où le décor change complètement. Nous plongeant dans la culture rave sur fond de musique électro, dans une demi-obscurité, les enchaînements tracent des vagues sensuelles qui se répondent avec beauté et précision. Il s’agit ici d’une narration principalement collective, dans ce qu’elle a de plus humanisant. Toute personne habituée à ces soirées libératrices reconnaîtra les contours d’un endroit sécuritaire et inclusif. Un espace où l’on peut également choisir d’être autre, de faire éclater certains codes.
On revient ainsi à l’idée d’artifice, mais sans qu’il soit le fruit d’une force externe. Bien sûr, la musique est centrale dans la conception de ce segment. Le caractère expérimental que peut prendre parfois l’électronique est foncièrement artificiel, mais peut, en même temps, susciter de grandes réponses émotives. Une façon parmi d’autres d’accéder à de la magie.
Andrea Peña clôt cette exploration avec une lecture très surprenante et vibrante de deux éléments très codifiés : l’opéra et la valse, tous deux souvent associées à une certaine perfection. Dans ce troisième tableau, les artistes déconstruisent cette idée de parure sociale que l’on enfile sans se poser de questions. Pour l’occasion, la soprano Erin Lyndsay rejoint les interprètes et s’oppose à l’image figée de la chanteuse classique. Elle n’est pas debout, mais par terre, tentant d’accéder, à travers des notes déformées, à ce qu’il y a de plus profond et d’enfoui en elle. Sur les danseurs et les danseuses, l’effet de sa quête est magnétique. D’abord occupé·es à exécuter des figures impeccables, ils et elles finissent par exprimer l’animalité, la connexion au vivant, une étrangeté familière.
En travaillant la matière des transformations possibles, 6.58 : Manifesto ne se positionne pas comme un pamphlet dystopique, mais parle plutôt de ce qui est très proche de nous et présent depuis la nuit des temps. La performance de soi est un réflexe très ancré dans nos paysages intimes et collectifs. Ce spectacle se veut un dialogue, mais également une invitation à accepter ce qu’on a de plus vulnérable, seule réponse face au défaitisme.
Notons que les représentations en salle seront suivies d’une adaptation en vidéo-danse qui sera accessible en webdiffusion.
Direction Artistique : Andrea Peña. Chorégraphie : Andrea Peña en collaboration avec les interprètes. Conception sonore : Marc Bartissol (Dull). Scénographie : Andrea Peña et Alexis Gosselin. Dramaturgie : Mathieu Leroux. Conseils artistiques : Hélène Simard. Éclairages : Hugo Dalphond. Régie : Roxanne Bédard. Direction technique : Hugo Dalphond. Costumes : Polina Boltova et Rodolfo Moraga. Avec Nicholas Bellefleur, Véronique Giasson, Gabby Kachan, Jean-Benoît Labrecque, Benjamin Landsberg, Jontae McCrory, Erin O’Loughlin, François Richard, Frédérique Rodier. Soprano : Erin Lindsay. Une production d’Andrea Peña & Artists, présentée à l’Agora de la danse jusqu’au 18 septembre 2021, puis adaptée sous format web accessible en ligne du 24 septembre au 2 octobre 2021.
Ce sont la chorégraphe Andrea Peña et sa troupe qui ouvrent la saison automnale de l’Agora de la danse avec 6.58 : Manifesto. Une création à la fois dense et accessible qui met en scène les réflexions de l’artiste sur notre rapport aux forces extérieures et intérieures qui régissent nos lignes de vie, notre manière de nous présenter au monde et nos interactions. Au-delà de l’intention, de cette prémisse de départ, c’est aussi une œuvre visuellement et esthétiquement captivante que nous offre cette impressionnante équipe.
S’attaquant donc à la notion d’artifice, ce manifeste-performance se décline en trois tableaux qui combinent trois éléments sur lesquels reposent la scénographie et les explorations chorégraphiques des danseurs et des danseuses. Chaque tableau, avec son vocabulaire, déploie son questionnement sur la manière dont l’individu conjugue avec la construction et la déconstruction de soi.
On ne peut pas penser à l’artifice sans évoquer le virtuel. C’est qui est au cœur de la première partie du spectacle. Sur le sol s’étend une grille de carrés numérotés de 1 à 9. Dans leurs tenues de sport, les interprètes obéissent à une voix synthétique qui dicte un trajet et une séquence de mouvements qu’ils et elles répètent chacun·e leur tour ou en ensemble. Il y a d’abord une série de gestes programmés, inévitables, mécaniques et aiguisés par un rythme de plus en plus rapide et contraignant. Jusqu’au moment où l’identité individuelle et l’énergie propres à chaque danseur et danseuse sautent aux yeux. Même dans un environnement contrôlé, exempt d’un certain libre arbitre, la part de nous-mêmes impossible à dupliquer finit résolument par faire surface. Les empreintes individuelles de Nicholas Bellefleur, Veronique Giasson, Gabby Kachan, Jean-Benoît Labrecque, Benjamin Landsberg, Jontae McCrory, Erin O’Loughlin, Francois Richard et Frédérique Rodier sont assurément ce qui capte le regard, puisqu’elles font dérailler la machine bien huilée de l’automatisme.
Le langage de l’abandon
La communication (des corps) est subtilement esquissée dans le premier tableau et pleinement investie dans le second, où le décor change complètement. Nous plongeant dans la culture rave sur fond de musique électro, dans une demi-obscurité, les enchaînements tracent des vagues sensuelles qui se répondent avec beauté et précision. Il s’agit ici d’une narration principalement collective, dans ce qu’elle a de plus humanisant. Toute personne habituée à ces soirées libératrices reconnaîtra les contours d’un endroit sécuritaire et inclusif. Un espace où l’on peut également choisir d’être autre, de faire éclater certains codes.
On revient ainsi à l’idée d’artifice, mais sans qu’il soit le fruit d’une force externe. Bien sûr, la musique est centrale dans la conception de ce segment. Le caractère expérimental que peut prendre parfois l’électronique est foncièrement artificiel, mais peut, en même temps, susciter de grandes réponses émotives. Une façon parmi d’autres d’accéder à de la magie.
Andrea Peña clôt cette exploration avec une lecture très surprenante et vibrante de deux éléments très codifiés : l’opéra et la valse, tous deux souvent associées à une certaine perfection. Dans ce troisième tableau, les artistes déconstruisent cette idée de parure sociale que l’on enfile sans se poser de questions. Pour l’occasion, la soprano Erin Lyndsay rejoint les interprètes et s’oppose à l’image figée de la chanteuse classique. Elle n’est pas debout, mais par terre, tentant d’accéder, à travers des notes déformées, à ce qu’il y a de plus profond et d’enfoui en elle. Sur les danseurs et les danseuses, l’effet de sa quête est magnétique. D’abord occupé·es à exécuter des figures impeccables, ils et elles finissent par exprimer l’animalité, la connexion au vivant, une étrangeté familière.
En travaillant la matière des transformations possibles, 6.58 : Manifesto ne se positionne pas comme un pamphlet dystopique, mais parle plutôt de ce qui est très proche de nous et présent depuis la nuit des temps. La performance de soi est un réflexe très ancré dans nos paysages intimes et collectifs. Ce spectacle se veut un dialogue, mais également une invitation à accepter ce qu’on a de plus vulnérable, seule réponse face au défaitisme.
Notons que les représentations en salle seront suivies d’une adaptation en vidéo-danse qui sera accessible en webdiffusion.
6.58 : Manifesto
Direction Artistique : Andrea Peña. Chorégraphie : Andrea Peña en collaboration avec les interprètes. Conception sonore : Marc Bartissol (Dull). Scénographie : Andrea Peña et Alexis Gosselin. Dramaturgie : Mathieu Leroux. Conseils artistiques : Hélène Simard. Éclairages : Hugo Dalphond. Régie : Roxanne Bédard. Direction technique : Hugo Dalphond. Costumes : Polina Boltova et Rodolfo Moraga. Avec Nicholas Bellefleur, Véronique Giasson, Gabby Kachan, Jean-Benoît Labrecque, Benjamin Landsberg, Jontae McCrory, Erin O’Loughlin, François Richard, Frédérique Rodier. Soprano : Erin Lindsay. Une production d’Andrea Peña & Artists, présentée à l’Agora de la danse jusqu’au 18 septembre 2021, puis adaptée sous format web accessible en ligne du 24 septembre au 2 octobre 2021.