Le Théâtre de la Marée Haute nous propose en ce moment, à La petite Licorne, une pièce qui traite avec causticité de l’embourgeoisement et de ses répercussions sociales. Cette œuvre de l’artiste multidisciplinaire britannique Philip Ridley, créée à Bristol en 2015, nous arrive en pleine crise du logement au Québec, lui conférant ainsi un à-propos encore plus aigu. À mille lieues du théâtre documentaire, on aborde ici ce sujet d’actualité avec un humour noir et un imaginaire des plus surprenants. Deux trentenaires, Julie et Oli, attendent un enfant, mais vivent dans un appartement délabré où il et elle ne désirent pas l’élever. Mais comment faire pour acquérir une demeure convenable quand on est sans le sou ?
Le miracle se produit alors que le couple reçoit une proposition aussi imprévue que farfelue. Une certaine Miss Dee (insolite Sylvie Moreau) leur apprend qu’il et elle sont l’heureux et l’heureuse élu·es d’un nouveau programme d’accès à la propriété. Ainsi, une « maison de rêve » leur est offerte à la seule condition de la rénover à leurs frais. Ce contrat inusité séduit instantanément Julie, mais fait sourciller Oli, incrédule. Cependant, Miss Dee, qui en a vu d’autres, réussit avec ruse à convaincre le réfractaire. Toutefois, l’affaire conclue va rapidement se transformer en un pacte avec le diable.
En effet, dès la première nuit dans la nouvelle résidence, alors que les tourtereaux jonglent avec l’ampleur des travaux à effectuer et leurs coûts inhérents, une étrange visite va apporter la réponse à leurs questionnements, mais aussi se révéler l’élément déclencheur d’une succession d’actes horribles. On ne dévoilera pas dans ces lignes la nature de l’engrenage sordide dans lequel le jeune ménage s’enfonce, question de laisser au public le plaisir de la découvrir par lui-même.
Quand la magie opère
L’action se déploie dans un espace scénique nu, d’un blanc étincelant, à l’instar du plafond qui le surplombe avec ses multiples luminaires encastrés, référence à la modernité résidentielle. Seule l’arrière-scène est plongée dans un noir sulfureux d’où jaillit sporadiquement la démoniaque et envoûtante Miss Dee, vêtue d’un ensemble jaune flamboyant. Les changements de lieux et d’ambiances sont d’une rare efficacité grâce aux brillants éclairages de Cédric Delorme-Bouchard et à la subtile conception sonore de Cédric Flagothier.
Sans accessoire ni artifice, Anne-Marie Binette et Michel-Maxime Legault composent un tandem très crédible. Leur complicité est palpable autant dans leur naïveté face aux enjeux et obstacles auxquels il et elle sont confronté·es que dans l’énergie déployée à nous les raconter. Que le duo s’adresse directement au public ou qu’il échange au cœur des dialogues entre les personnages, la parole est toujours claire et vive. À noter, le jeu physique remarquable des protagonistes lors de la fameuse fête d’anniversaire du fiston, alors que tous et toutes les invité·es sont incarné·es, à tour de rôle, par les trois comédien·nes dans un feu roulant d’une précision étonnante.
Cette prestation fort réussie aurait toutefois gagné en rythme si on l’avait allégée de quelques scènes redondantes. À part ce petit bémol, l’ensemble du spectacle est très pertinent, car il nous permet d’entamer une réflexion sur notre rapport au confort et à l’indifférence trop fréquente de notre société face aux démuni·es.
Texte : Philip Ridley. Traduction : Marie-Claude Verdier. Mise en en scène : David Strasbourg. Assistance à la mise en scène : Marilou Huberdeau. Décor et éclairages : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Olivia Pia Audet. Conception sonore : Cédric Flagothier. Conseillère en mouvement : Natacha Filiatrault. Intégration vidéo : Yannick St-Jean. Avec Anne-marie Binette, Michel-Maxime Legault et Sylvie Moreau. Une production du Théâtre de la Marée Haute, en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 13 mai 2022.
Le Théâtre de la Marée Haute nous propose en ce moment, à La petite Licorne, une pièce qui traite avec causticité de l’embourgeoisement et de ses répercussions sociales. Cette œuvre de l’artiste multidisciplinaire britannique Philip Ridley, créée à Bristol en 2015, nous arrive en pleine crise du logement au Québec, lui conférant ainsi un à-propos encore plus aigu. À mille lieues du théâtre documentaire, on aborde ici ce sujet d’actualité avec un humour noir et un imaginaire des plus surprenants. Deux trentenaires, Julie et Oli, attendent un enfant, mais vivent dans un appartement délabré où il et elle ne désirent pas l’élever. Mais comment faire pour acquérir une demeure convenable quand on est sans le sou ?
Le miracle se produit alors que le couple reçoit une proposition aussi imprévue que farfelue. Une certaine Miss Dee (insolite Sylvie Moreau) leur apprend qu’il et elle sont l’heureux et l’heureuse élu·es d’un nouveau programme d’accès à la propriété. Ainsi, une « maison de rêve » leur est offerte à la seule condition de la rénover à leurs frais. Ce contrat inusité séduit instantanément Julie, mais fait sourciller Oli, incrédule. Cependant, Miss Dee, qui en a vu d’autres, réussit avec ruse à convaincre le réfractaire. Toutefois, l’affaire conclue va rapidement se transformer en un pacte avec le diable.
En effet, dès la première nuit dans la nouvelle résidence, alors que les tourtereaux jonglent avec l’ampleur des travaux à effectuer et leurs coûts inhérents, une étrange visite va apporter la réponse à leurs questionnements, mais aussi se révéler l’élément déclencheur d’une succession d’actes horribles. On ne dévoilera pas dans ces lignes la nature de l’engrenage sordide dans lequel le jeune ménage s’enfonce, question de laisser au public le plaisir de la découvrir par lui-même.
Quand la magie opère
L’action se déploie dans un espace scénique nu, d’un blanc étincelant, à l’instar du plafond qui le surplombe avec ses multiples luminaires encastrés, référence à la modernité résidentielle. Seule l’arrière-scène est plongée dans un noir sulfureux d’où jaillit sporadiquement la démoniaque et envoûtante Miss Dee, vêtue d’un ensemble jaune flamboyant. Les changements de lieux et d’ambiances sont d’une rare efficacité grâce aux brillants éclairages de Cédric Delorme-Bouchard et à la subtile conception sonore de Cédric Flagothier.
Sans accessoire ni artifice, Anne-Marie Binette et Michel-Maxime Legault composent un tandem très crédible. Leur complicité est palpable autant dans leur naïveté face aux enjeux et obstacles auxquels il et elle sont confronté·es que dans l’énergie déployée à nous les raconter. Que le duo s’adresse directement au public ou qu’il échange au cœur des dialogues entre les personnages, la parole est toujours claire et vive. À noter, le jeu physique remarquable des protagonistes lors de la fameuse fête d’anniversaire du fiston, alors que tous et toutes les invité·es sont incarné·es, à tour de rôle, par les trois comédien·nes dans un feu roulant d’une précision étonnante.
Cette prestation fort réussie aurait toutefois gagné en rythme si on l’avait allégée de quelques scènes redondantes. À part ce petit bémol, l’ensemble du spectacle est très pertinent, car il nous permet d’entamer une réflexion sur notre rapport au confort et à l’indifférence trop fréquente de notre société face aux démuni·es.
Vermine radieuse
Texte : Philip Ridley. Traduction : Marie-Claude Verdier. Mise en en scène : David Strasbourg. Assistance à la mise en scène : Marilou Huberdeau. Décor et éclairages : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Olivia Pia Audet. Conception sonore : Cédric Flagothier. Conseillère en mouvement : Natacha Filiatrault. Intégration vidéo : Yannick St-Jean. Avec Anne-marie Binette, Michel-Maxime Legault et Sylvie Moreau. Une production du Théâtre de la Marée Haute, en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 13 mai 2022.