Ambitieux projet pour le Théâtre À corps perdus, dont l’équipe, sous la direction artistique de Geneviève L. Blais, explore la création in situ dans des œuvres dites immersives : celle-ci, Nostalgie 2175, est une dystopie de l’autrice allemande Anja Hilling (Tristesse animal noir), présentée dans l’ancienne chapelle, désacralisée depuis 2019, des Hospitalières, coin Des Pins et Du Parc, à Montréal. Un lieu historique à l’architecture splendide, hélas peu exploité par la mise en scène du spectacle, monté en grande partie à l’italienne, malgré les quelques déplacements auxquels le public se voit convié. Ce n’est malheureusement pas le seul bémol qu’on peut relever.
Disons d’emblée que l’actrice principale, Emilie Dionne, se démarque par son jeu intense et sensible. Pagona, le personnage qu’elle incarne dans cette fable futuriste se déroulant en 2175, s’étonne elle-même de se retrouver enceinte, alors que les femmes ayant pu enfanter de façon naturelle sur Terre depuis trois quarts de siècle n’ont été qu’au nombre de huit, dont deux seulement ont survécu à l’accouchement. À la suite d’une catastrophe climatique inégalée, la température s’étant stabilisée autour de 60 degrés Celsius, les êtres humains ne peuvent sortir à l’extérieur sans vêtements de protection, et les murs de leurs appartements doivent être recouverts de tapisseries créées à partir de peau humaine. Amoureuse de Taschko (Miro Lacasse), rescapé d’une agression violente, dont la peau a été brûlée par l’air du dehors, c’est pourtant de son patron, Posch (Pascal Contamine), avec qui elle a couché une fois, que Pagona est enceinte.
Ce monde silencieux, plongé dans le noir, car il n’y a plus d’électricité, plus de guerres, de circulation automobile, de moyens de communication, survit pourtant à l’intérieur, étrangement, et les êtres en présence s’activent, manipulant divers instruments dont on se demande comment ils peuvent fonctionner. L’enceinte de la chapelle étant très écho, l’équipe a mis en place un dispositif complexe et pas inintéressant, chaque personne du public ayant un casque d’écoute pour entendre les interprètes, chuchotant le plus souvent, alors que la musique, enveloppante, est livrée en direct par Symon Henry, compositeur et pianiste.
Flot de bidules et de mots
La fable, tortueuse, se fait très narrative. Pagona, transformée par sa grossesse, exprime sa tendresse et ses rêves de vie à son enfant en lui parlant dans un petit enregistreur, tout en tentant de convaincre Tashko de partager son amour et de vivre avec elle. Mais Posch, joyeux manipulateur, souhaite garder et contrôler Tashko, peintre de murales dermaplastes qui assurent à son entreprise une croissance économique exponentielle. Il lui soumet notamment une collection retrouvée de 420 films en VHS pour lui apprendre la vie, l’amour, la mort, afin de l’inspirer dans ses dessins illustrant le monde d’avant. Cependant, les interactions entre les trois personnages se font très limitées dans l’espace encombré d’échafaudages qui leur sert d’aire de jeu.
La dernière partie du spectacle, qui s’étire sur deux heures trente, explore davantage la mezzanine de l’ancienne chapelle, mais l’ensemble, verbeux, répétitif, ne permet malheureusement pas une identification aux protagonistes, qui nous ferait partager un peu leurs émotions exacerbées. Le langage, mâtiné d’expressions québécoises, semble par moments trop quotidien, trop banal. Comme si, à trop vouloir démontrer et expliquer, la magie n’opérait qu’à moitié.
Texte : Anja Hilling. Traduction de l’allemand : Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti (éd. Théâtrales). Mise en scène : Geneviève L. Blais. Équipe de création : Gabrielle Couillard, Symon Henry, Emmanuel Grangé, Éric O. Lacroix, Fruzsina Lanyi, Mathieu Marcil, Diane Rossi, Sophie St-Pierre et Pénélope Dulude-de-Broin. Avec Emilie Dionne, Miro Lacasse, Pascal Contamine, Symon Henry, et la participation de l’artiste tatoueuse Katakankabin. Une production du Théâtre À corps perdus, présentée à l’ancienne chapelle des Hospitalières jusqu’au 2 octobre 2022.
Ambitieux projet pour le Théâtre À corps perdus, dont l’équipe, sous la direction artistique de Geneviève L. Blais, explore la création in situ dans des œuvres dites immersives : celle-ci, Nostalgie 2175, est une dystopie de l’autrice allemande Anja Hilling (Tristesse animal noir), présentée dans l’ancienne chapelle, désacralisée depuis 2019, des Hospitalières, coin Des Pins et Du Parc, à Montréal. Un lieu historique à l’architecture splendide, hélas peu exploité par la mise en scène du spectacle, monté en grande partie à l’italienne, malgré les quelques déplacements auxquels le public se voit convié. Ce n’est malheureusement pas le seul bémol qu’on peut relever.
Disons d’emblée que l’actrice principale, Emilie Dionne, se démarque par son jeu intense et sensible. Pagona, le personnage qu’elle incarne dans cette fable futuriste se déroulant en 2175, s’étonne elle-même de se retrouver enceinte, alors que les femmes ayant pu enfanter de façon naturelle sur Terre depuis trois quarts de siècle n’ont été qu’au nombre de huit, dont deux seulement ont survécu à l’accouchement. À la suite d’une catastrophe climatique inégalée, la température s’étant stabilisée autour de 60 degrés Celsius, les êtres humains ne peuvent sortir à l’extérieur sans vêtements de protection, et les murs de leurs appartements doivent être recouverts de tapisseries créées à partir de peau humaine. Amoureuse de Taschko (Miro Lacasse), rescapé d’une agression violente, dont la peau a été brûlée par l’air du dehors, c’est pourtant de son patron, Posch (Pascal Contamine), avec qui elle a couché une fois, que Pagona est enceinte.
Ce monde silencieux, plongé dans le noir, car il n’y a plus d’électricité, plus de guerres, de circulation automobile, de moyens de communication, survit pourtant à l’intérieur, étrangement, et les êtres en présence s’activent, manipulant divers instruments dont on se demande comment ils peuvent fonctionner. L’enceinte de la chapelle étant très écho, l’équipe a mis en place un dispositif complexe et pas inintéressant, chaque personne du public ayant un casque d’écoute pour entendre les interprètes, chuchotant le plus souvent, alors que la musique, enveloppante, est livrée en direct par Symon Henry, compositeur et pianiste.
Flot de bidules et de mots
La fable, tortueuse, se fait très narrative. Pagona, transformée par sa grossesse, exprime sa tendresse et ses rêves de vie à son enfant en lui parlant dans un petit enregistreur, tout en tentant de convaincre Tashko de partager son amour et de vivre avec elle. Mais Posch, joyeux manipulateur, souhaite garder et contrôler Tashko, peintre de murales dermaplastes qui assurent à son entreprise une croissance économique exponentielle. Il lui soumet notamment une collection retrouvée de 420 films en VHS pour lui apprendre la vie, l’amour, la mort, afin de l’inspirer dans ses dessins illustrant le monde d’avant. Cependant, les interactions entre les trois personnages se font très limitées dans l’espace encombré d’échafaudages qui leur sert d’aire de jeu.
La dernière partie du spectacle, qui s’étire sur deux heures trente, explore davantage la mezzanine de l’ancienne chapelle, mais l’ensemble, verbeux, répétitif, ne permet malheureusement pas une identification aux protagonistes, qui nous ferait partager un peu leurs émotions exacerbées. Le langage, mâtiné d’expressions québécoises, semble par moments trop quotidien, trop banal. Comme si, à trop vouloir démontrer et expliquer, la magie n’opérait qu’à moitié.
Nostalgie 2175
Texte : Anja Hilling. Traduction de l’allemand : Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti (éd. Théâtrales). Mise en scène : Geneviève L. Blais. Équipe de création : Gabrielle Couillard, Symon Henry, Emmanuel Grangé, Éric O. Lacroix, Fruzsina Lanyi, Mathieu Marcil, Diane Rossi, Sophie St-Pierre et Pénélope Dulude-de-Broin. Avec Emilie Dionne, Miro Lacasse, Pascal Contamine, Symon Henry, et la participation de l’artiste tatoueuse Katakankabin. Une production du Théâtre À corps perdus, présentée à l’ancienne chapelle des Hospitalières jusqu’au 2 octobre 2022.