À l’aube de son 20e anniversaire, la compagnie inclusive Joe Jack et John propose sa deuxième création initiée et dirigée par un artiste neurodivergent. Dans le western contemporain Les Waitress sont tristes, présenté à l’Espace Libre, on suit le quotidien d’un dramaturge rêvant d’une vie de cow-boy nomade, à la recherche de l’amour. Un spectacle à mi-chemin entre le théâtre, la danse et la performance, écrit et co-mis en scène par Michael Nimbley, qui y incarne également le rôle principal.
Il aura fallu cinq ans pour que la pièce fasse son chemin jusque sur les planches du théâtre situé dans le quartier Centre-Sud, édifice où la troupe est maintenant installée. Fidèle collaborateur de Joe Jack et John, Michael Nimbley a bénéficié de la première résidence artistique offerte par la compagnie, épaulé par sa cofondatrice et directrice artistique Catherine Bourgeois.
Au lever du rideau, l’écrivain Morrison apparaît, en caleçon. Lentement, il se glisse dans la peau de son personnage. Il revêt méticuleusement ses habits et ses bottes western, prend sa guitare et quitte son humble logis, accompagné par Ti-Mousse, un chat robotisé comme ceux que l’on vend à la pharmacie pour réconforter les aîné·es en perte d’autonomie. Le duo part ainsi à l’aventure, s’arrêtant dans un bar où les serveuses pratiquent la danse en ligne country, entre deux commandes de bière. Mais même dans la foule de fêtard·es de l’établissement, entre deux mouvements d’Electric Slide, le cow-boy n’arrive pas à dissiper le nuage noir qui obscurcit son existence.
Les Waitress sont tristes est le récit des multiples tentatives d’un artiste souffrant d’isolement pour s’évader par le rêve loin de sa routine quotidienne aliénante. Ses songes sont peuplés de voyages trépidants, de paysages grandioses, d’amoureuses qui lui tendent tendrement les bras. En filigrane de cette quête d’un être brisé, figurent les revendications de femmes lasses d’interpréter sans cesse des créatures fantasmées qui n’existent que pour combler les désirs affectifs de la gent masculine.
Le thème de la neurodivergence n’y est pas abordé de front. Toutefois, les difficultés rencontrées par les protagonistes du spectacle qui tentent de s’émanciper et de tisser des liens avec les gens qui les entourent font écho à ce que vivent nombre de personnes en situation de handicap. Si l’équipe de création a tenu à préciser que la pièce n’aurait pas une fin heureuse, l’humour y est néanmoins très présent, l’autodérision rendant encore plus attachants ces êtres colorés. Une illustration parfaite du pouvoir salvateur des blagues.
Une simplicité efficace
Si le jeu des interprètes s’avère inégal, dans le rôle du cow-boy esseulé, Michael Nimbley offre une performance à fleur de peau. Il est à la fois extrêmement touchant lorsqu’il se confie sur son besoin d’amour et tout à fait hilarant lorsqu’il s’amuse à dégainer son fusil imaginaire à la manière du légendaire Lucky Luke ou qu’il brise le quatrième mur pour interpeller le public. La scène où il danse langoureusement avec entre les mains une robe rouge ayant appartenu à une ancienne flamme est prenante et empreinte de sensualité
La distribution évolue dans un décor minimaliste, composé essentiellement d’un paysage impressionniste peint sur de longues bandes de tissu, qui ondoient au rythme du vent et sont par moments traversées par des faisceaux lumineux, accompagnant par exemple les coups de feu. Une jolie trouvaille visuelle qui permet du même coup d’informer les spectateurs et spectatrices malentendant·es des décharges.
Les amoureux et amoureuses de mélodies country seront ravi·es puisque de nombreuses pièces viennent enrichir le récit. Aux succès bien connus interprétés par Dolly Parton et Billy Ray Cyrus, se greffe une émouvante ballade composée par Michael Nimbley et Anna Atkinson, interprète d’une des serveuses et aussi violoniste classique de métier. Le genre musical se prête à la perfection à l’intrigue qui nous est racontée, ses thèmes de prédilection, tels la solitude, les chagrins d’amour et la vie des « gens ordinaires », étant abordés ici avec simplicité et authenticité.
Les Waitress sont tristes est un spectacle modeste, accessible au plus grand nombre, qui n’est pas sans maladresses. Mais il a la qualité de faire entendre haut et fort la parole de personnes qu’on n’entend que trop peu dans notre société. L’œuvre permet de confronter ses propres biais et constitue une formidable invitation à prendre le temps de savourer le moment, d’apprendre à vivre au rythme de gens différents de soi. Ici, l’acte de spectature dépasse les limites du geste artistique et devient une expérience humaine.
Idéation, écriture et mise en scène : Michael Nimbley. Mise en scène et soutien à la création : Catherine Bourgeois. Interprétation et écriture de plateau : Anna Atkinson, Maryline Chery, Guillermina Kerwin, Michael Nimbley, Natacha Thompson et Anne Tremblay. Collaboration au texte : Pénélope Bourque. Conception des costumes et scénographie : Amy Keith. Conception sonore : Andréa Marsolais-Roy. Conception des éclairages : Audrey-Anne Bouchard et Flavie Lemée. Direction musicale : Anna Atkinson. Traduction et interprétation en LSQ : Natacha Thompson. Assistance aux costumes : Louise Pimprenelle Nicolas. Répétitrice et régie de plateau : Aude Lachapelle. Audiodescription : Claudette Lemay et Connec-T. Consultation en LSQ : Marie-Pierre Petit et Jennifer Manning. Collaboration à la création : Stephanie Boghen, Tamara Brown et Angie Cheng. Une production de Joe Jack et John, présentée à Espace Libre, jusqu’au 1er octobre 2022.
À l’aube de son 20e anniversaire, la compagnie inclusive Joe Jack et John propose sa deuxième création initiée et dirigée par un artiste neurodivergent. Dans le western contemporain Les Waitress sont tristes, présenté à l’Espace Libre, on suit le quotidien d’un dramaturge rêvant d’une vie de cow-boy nomade, à la recherche de l’amour. Un spectacle à mi-chemin entre le théâtre, la danse et la performance, écrit et co-mis en scène par Michael Nimbley, qui y incarne également le rôle principal.
Il aura fallu cinq ans pour que la pièce fasse son chemin jusque sur les planches du théâtre situé dans le quartier Centre-Sud, édifice où la troupe est maintenant installée. Fidèle collaborateur de Joe Jack et John, Michael Nimbley a bénéficié de la première résidence artistique offerte par la compagnie, épaulé par sa cofondatrice et directrice artistique Catherine Bourgeois.
Au lever du rideau, l’écrivain Morrison apparaît, en caleçon. Lentement, il se glisse dans la peau de son personnage. Il revêt méticuleusement ses habits et ses bottes western, prend sa guitare et quitte son humble logis, accompagné par Ti-Mousse, un chat robotisé comme ceux que l’on vend à la pharmacie pour réconforter les aîné·es en perte d’autonomie. Le duo part ainsi à l’aventure, s’arrêtant dans un bar où les serveuses pratiquent la danse en ligne country, entre deux commandes de bière. Mais même dans la foule de fêtard·es de l’établissement, entre deux mouvements d’Electric Slide, le cow-boy n’arrive pas à dissiper le nuage noir qui obscurcit son existence.
Les Waitress sont tristes est le récit des multiples tentatives d’un artiste souffrant d’isolement pour s’évader par le rêve loin de sa routine quotidienne aliénante. Ses songes sont peuplés de voyages trépidants, de paysages grandioses, d’amoureuses qui lui tendent tendrement les bras. En filigrane de cette quête d’un être brisé, figurent les revendications de femmes lasses d’interpréter sans cesse des créatures fantasmées qui n’existent que pour combler les désirs affectifs de la gent masculine.
Le thème de la neurodivergence n’y est pas abordé de front. Toutefois, les difficultés rencontrées par les protagonistes du spectacle qui tentent de s’émanciper et de tisser des liens avec les gens qui les entourent font écho à ce que vivent nombre de personnes en situation de handicap. Si l’équipe de création a tenu à préciser que la pièce n’aurait pas une fin heureuse, l’humour y est néanmoins très présent, l’autodérision rendant encore plus attachants ces êtres colorés. Une illustration parfaite du pouvoir salvateur des blagues.
Une simplicité efficace
Si le jeu des interprètes s’avère inégal, dans le rôle du cow-boy esseulé, Michael Nimbley offre une performance à fleur de peau. Il est à la fois extrêmement touchant lorsqu’il se confie sur son besoin d’amour et tout à fait hilarant lorsqu’il s’amuse à dégainer son fusil imaginaire à la manière du légendaire Lucky Luke ou qu’il brise le quatrième mur pour interpeller le public. La scène où il danse langoureusement avec entre les mains une robe rouge ayant appartenu à une ancienne flamme est prenante et empreinte de sensualité
La distribution évolue dans un décor minimaliste, composé essentiellement d’un paysage impressionniste peint sur de longues bandes de tissu, qui ondoient au rythme du vent et sont par moments traversées par des faisceaux lumineux, accompagnant par exemple les coups de feu. Une jolie trouvaille visuelle qui permet du même coup d’informer les spectateurs et spectatrices malentendant·es des décharges.
Les amoureux et amoureuses de mélodies country seront ravi·es puisque de nombreuses pièces viennent enrichir le récit. Aux succès bien connus interprétés par Dolly Parton et Billy Ray Cyrus, se greffe une émouvante ballade composée par Michael Nimbley et Anna Atkinson, interprète d’une des serveuses et aussi violoniste classique de métier. Le genre musical se prête à la perfection à l’intrigue qui nous est racontée, ses thèmes de prédilection, tels la solitude, les chagrins d’amour et la vie des « gens ordinaires », étant abordés ici avec simplicité et authenticité.
Les Waitress sont tristes est un spectacle modeste, accessible au plus grand nombre, qui n’est pas sans maladresses. Mais il a la qualité de faire entendre haut et fort la parole de personnes qu’on n’entend que trop peu dans notre société. L’œuvre permet de confronter ses propres biais et constitue une formidable invitation à prendre le temps de savourer le moment, d’apprendre à vivre au rythme de gens différents de soi. Ici, l’acte de spectature dépasse les limites du geste artistique et devient une expérience humaine.
Les Waitress sont tristes
Idéation, écriture et mise en scène : Michael Nimbley. Mise en scène et soutien à la création : Catherine Bourgeois. Interprétation et écriture de plateau : Anna Atkinson, Maryline Chery, Guillermina Kerwin, Michael Nimbley, Natacha Thompson et Anne Tremblay. Collaboration au texte : Pénélope Bourque. Conception des costumes et scénographie : Amy Keith. Conception sonore : Andréa Marsolais-Roy. Conception des éclairages : Audrey-Anne Bouchard et Flavie Lemée. Direction musicale : Anna Atkinson. Traduction et interprétation en LSQ : Natacha Thompson. Assistance aux costumes : Louise Pimprenelle Nicolas. Répétitrice et régie de plateau : Aude Lachapelle. Audiodescription : Claudette Lemay et Connec-T. Consultation en LSQ : Marie-Pierre Petit et Jennifer Manning. Collaboration à la création : Stephanie Boghen, Tamara Brown et Angie Cheng. Une production de Joe Jack et John, présentée à Espace Libre, jusqu’au 1er octobre 2022.