Après leurs excellentes pièces Chienne(s) et Guérilla de l’ordinaire, entre autres, les coautrices Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent continuent de proposer un théâtre féministe engagé avec Clandestines. Le débat sur l’avortement en est un urgent quand on considère l’actualité politique dans les Amériques, où ce droit est de plus en plus remis en question. Le spectacle présente tous les points de vue, mais le message est puissant et bien livré : « touche pas à mon ventre ».
Les dramaturges avaient commencé à écrire ce drame dystopique avant la décision de la Cour suprême américaine de renverser l’arrêt Roe c. Wade datant de 1973. Les états désunis d’Amérique peuvent désormais limiter le libre choix des femmes. Si la dystopie n’en est plus une chez nos voisins du Sud, la question devient brûlante : le Canada pourrait-il décider de faire de même dans un avenir rapproché ?
Nous sommes quelque part au Canada en 2025. La représentation débute dans une clinique de fortune, où une spécialiste, également enceinte, et une sage-femme pratiquent des arrêts de naissance clandestins. La tension est palpable et devient insupportable lorsqu’une militante pro-vie surgit et commet l’irréparable. La deuxième partie se déroule après cet événement tragique, en présentant la complexité des sentiments des unes et des autres avec des personnages allant du politicien conservateur à une femme portant un enfant non désiré, en passant par un avocat humaniste et des militantes anti-avortement.
Le texte, réaliste, prend soin de faire le tour de la question en mentionnant, par exemple, la célèbre cause québécoise de Daigle c. Tremblay, où le père souhaitait empêcher la mère d’avorter en invoquant les droits du fœtus. La Cour suprême avait donné raison, dans ce cas précis, à Chantal Daigle en 1989. La pièce expose également les stratégies insidieuses des groupes pro-vie pour tenter d’influencer les femmes dans leurs choix, ainsi que les tourments moraux de celles qui décident de mener ou non leur grossesse à terme.
Force de l’interprétation
Dans ce spectacle débordant d’émotions, l’interprétation prend une importance capitale. Toute la distribution est à la hauteur de la situation, mais il faut citer la toute première présence sur les planches de l’impressionnante Nahéma Ricci et la performance de la trop rare Diane Lavallée en militante pro-vie. L’autre rôle ingrat, celui du politicien, est solidement assumé par Alexandre Bergeron, même si, tel que dessiné, il frôle la caricature par moments. Le faciès du comédien s’approche de celui du premier ministre canadien actuel, mais son personnage se prénomme Simon, comme celui d’un certain ministre québécois de la Justice. Sofia Blondin est éclatante dans le rôle de la femme enceinte en colère contre un système injuste.
Malgré la longueur de la représentation, plus de 2 h 30, la mise en scène dynamique de Marie-Ève Milot favorise l’exploration d’idées contradictoires et/ou complémentaires. On va d’échanges acerbes en explosions de colère, de raisonnements tordus en scènes intimes déchirantes dans un rythme soutenu.
C’est donc au gouvernement des hommes que s’en prennent les coautrices de cette tragédie, qui comporte toutefois certains moments comiques, en suggérant que les temps changent dans le sens d’une remise en question, ailleurs et ici, de ce qui semblait acquis depuis longtemps, le libre choix des femmes. Leur constat, à la fin, est clair et sans appel : limiter le droit à l’avortement mènera sans aucun doute à la clandestinité et à des morts aussi prévisibles qu’évitables. Devant la montée des conservatismes religieux, juridique et politique, le temps est plus que jamais à la vigilance.
Texte : Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent. Mise en scène : Marie-Ève Milot. Assistance à la mise en scène : Josianne Dulong-Savignac. Scénographie : Anne-Sophie Gaudet. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Martin Sirois. Musique : Antoine Berthiaume. Direction du mouvement : Nicolas Archambault et Wynn Holmes. Accessoires et assistance au décor : Marisol Vachon. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt-Bélanger. Perruque : Sarah Tremblay. Effets spéciaux : Olivier Proulx. Peinture scénique : Véronique Pagnoux. Conseils Écoscéno : Marianne Lavoie, Julie Fournier et Marie McNicoll. Sonorisation : Annie Préfontaine. Avec Alexandre Bergeron, Sofia Blondin, Sarah Laurendeau, Diane Lavallée, Myriam LeBlanc, Nahéma Ricci, Marie-Claude Saint-Laurent et Mattis Savard-Verhoeven. Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et du Théâtre de l’Affamée, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 février 2023.
Après leurs excellentes pièces Chienne(s) et Guérilla de l’ordinaire, entre autres, les coautrices Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent continuent de proposer un théâtre féministe engagé avec Clandestines. Le débat sur l’avortement en est un urgent quand on considère l’actualité politique dans les Amériques, où ce droit est de plus en plus remis en question. Le spectacle présente tous les points de vue, mais le message est puissant et bien livré : « touche pas à mon ventre ».
Les dramaturges avaient commencé à écrire ce drame dystopique avant la décision de la Cour suprême américaine de renverser l’arrêt Roe c. Wade datant de 1973. Les états désunis d’Amérique peuvent désormais limiter le libre choix des femmes. Si la dystopie n’en est plus une chez nos voisins du Sud, la question devient brûlante : le Canada pourrait-il décider de faire de même dans un avenir rapproché ?
Nous sommes quelque part au Canada en 2025. La représentation débute dans une clinique de fortune, où une spécialiste, également enceinte, et une sage-femme pratiquent des arrêts de naissance clandestins. La tension est palpable et devient insupportable lorsqu’une militante pro-vie surgit et commet l’irréparable. La deuxième partie se déroule après cet événement tragique, en présentant la complexité des sentiments des unes et des autres avec des personnages allant du politicien conservateur à une femme portant un enfant non désiré, en passant par un avocat humaniste et des militantes anti-avortement.
Le texte, réaliste, prend soin de faire le tour de la question en mentionnant, par exemple, la célèbre cause québécoise de Daigle c. Tremblay, où le père souhaitait empêcher la mère d’avorter en invoquant les droits du fœtus. La Cour suprême avait donné raison, dans ce cas précis, à Chantal Daigle en 1989. La pièce expose également les stratégies insidieuses des groupes pro-vie pour tenter d’influencer les femmes dans leurs choix, ainsi que les tourments moraux de celles qui décident de mener ou non leur grossesse à terme.
Force de l’interprétation
Dans ce spectacle débordant d’émotions, l’interprétation prend une importance capitale. Toute la distribution est à la hauteur de la situation, mais il faut citer la toute première présence sur les planches de l’impressionnante Nahéma Ricci et la performance de la trop rare Diane Lavallée en militante pro-vie. L’autre rôle ingrat, celui du politicien, est solidement assumé par Alexandre Bergeron, même si, tel que dessiné, il frôle la caricature par moments. Le faciès du comédien s’approche de celui du premier ministre canadien actuel, mais son personnage se prénomme Simon, comme celui d’un certain ministre québécois de la Justice. Sofia Blondin est éclatante dans le rôle de la femme enceinte en colère contre un système injuste.
Malgré la longueur de la représentation, plus de 2 h 30, la mise en scène dynamique de Marie-Ève Milot favorise l’exploration d’idées contradictoires et/ou complémentaires. On va d’échanges acerbes en explosions de colère, de raisonnements tordus en scènes intimes déchirantes dans un rythme soutenu.
C’est donc au gouvernement des hommes que s’en prennent les coautrices de cette tragédie, qui comporte toutefois certains moments comiques, en suggérant que les temps changent dans le sens d’une remise en question, ailleurs et ici, de ce qui semblait acquis depuis longtemps, le libre choix des femmes. Leur constat, à la fin, est clair et sans appel : limiter le droit à l’avortement mènera sans aucun doute à la clandestinité et à des morts aussi prévisibles qu’évitables. Devant la montée des conservatismes religieux, juridique et politique, le temps est plus que jamais à la vigilance.
Clandestines
Texte : Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent. Mise en scène : Marie-Ève Milot. Assistance à la mise en scène : Josianne Dulong-Savignac. Scénographie : Anne-Sophie Gaudet. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Martin Sirois. Musique : Antoine Berthiaume. Direction du mouvement : Nicolas Archambault et Wynn Holmes. Accessoires et assistance au décor : Marisol Vachon. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt-Bélanger. Perruque : Sarah Tremblay. Effets spéciaux : Olivier Proulx. Peinture scénique : Véronique Pagnoux. Conseils Écoscéno : Marianne Lavoie, Julie Fournier et Marie McNicoll. Sonorisation : Annie Préfontaine. Avec Alexandre Bergeron, Sofia Blondin, Sarah Laurendeau, Diane Lavallée, Myriam LeBlanc, Nahéma Ricci, Marie-Claude Saint-Laurent et Mattis Savard-Verhoeven. Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et du Théâtre de l’Affamée, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 février 2023.