Sur le plateau nu de la salle Michelle-Rossignol, un acteur à quatre pattes, vêtu uniquement d’une paire de bobettes et arborant une énorme tête de rat… arpente lentement la scène en reniflant tout ce qu’il rencontre : deux grandes tables et une pile de chaises, blanches, des caisses et des instruments de musique, un micro sur pied. Puis, il se cabre et observe en silence le public rejoignant son siège. Cette image forte, surprenante, à la fois amusante et inquiétante, semble préluder à une œuvre iconoclaste et trash, drôle et dérangeante.
Il y a un peu de tout ça dans Pisser debout sans lever sa jupe, pièce d’Olivier Arteau, qui en signe aussi la mise en scène, mais la pièce n’atteint pas la force de ses brulots désopilants Doggy dans gravel (2017) et Made in Beautiful (La belle province) (2020), deux productions précédentes de sa compagnie, le Théâtre Kata. Par ailleurs directeur artistique du Théâtre du Trident, l’artiste interdisciplinaire se révèle une figure marquante de la jeune génération de créateurs et de créatrices de la Capitale nationale. Ses complices artistiques, dont certain·es de longue date, mettent beaucoup d’énergie et d’investissement personnel dans ce spectacle, où chacun·e a plongé avec entrain.
L’auteur a le sens de la formule percutante, des mots crus et des pointes bien envoyées, ce qui se manifeste particulièrement dans la première partie du spectacle. Des ami·es de diverses déclinaisons queer se réunissent pour une fête chez leur « alliée hétéro », Ariel, friande de pénis (elle en arbore quelques-uns en guise d’ornement ou de grigris). On discute, chacun·e sans écouter l’autre, le scrutant avec suspicion et dénonçant ses attitudes, ses faux engagements, tout cela sur un ton comique. Jusqu’à ce que cette bonne humeur de façade soit interrompue par le souvenir d’un événement tragique survenu quelques années plus tôt, impliquant l’un d’eux, Fabien, absent de la fête. Cet échange corsé, où tombent les masques, donne lieu au meilleur moment de la représentation.
Faire flèche de tout bois
Le metteur en scène et son équipe, voulant briser les codes de la représentation théâtrale, font appel à une trame narrative hachurée, entrecoupée de chansons et de moments dansés, aux jeux d’éclairages sophistiqués, avec projections vidéo. Puis à l’autofiction – tous les personnages portent d’ailleurs le nom de leurs interprètes – dans une seconde partie où certain·es viendront, dans un monologue au micro, s’épancher sur leurs blessures d’enfance et leurs combats, bien légitimes, pour s’accepter et échapper à l’intolérance. Sur fond d’images tirées des réseaux sociaux, ces tableaux créent un inconfort certain, mettant le public dans une position de voyeurisme.
La quête identitaire, de genre et d’orientation sexuelle, constitue un enjeu sociétal incontournable aujourd’hui. Différentes facettes de la question sont explorées dans ce spectacle, la plupart en surface, et l’ensemble des prestations, un peu disparates, n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Les chansons sont parfois plutôt anodines, l’interprétation souvent caricaturale. On notera la participation enlevée du danseur Fabien Piché, dont plusieurs numéros jalonnent la représentation, ainsi que l’incarnation d’Ariel Charest, qui fait preuve d’une belle maturité dans son jeu. Certains choix de mise en scène paraissent discutables, et à vouloir trop en mettre plein la vue, entre provocation et désir d’émouvoir, le propos, au final, se dilue.
Texte et mise en scène : Olivier Arteau. Assistance à la mise en scène : Lucie M. Constantineau. Chorégraphies : Fabien Piché. Conception sonore : Vincent Roy, Sarah Villeneuve-Desjardins et Jorie Pedneault (Narcisse). Scénographie : Églantine Mailly. Costumes : Wendy Kim Pires. Éclairages : Claire Seyller. Vidéo : Laura-Rose Grenier. Dramaturgie : Sasha Dion. Regard extérieur : Anne Thériault. Avec Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau, Lucie M. Constantineau, Jorie Pedneault, Fabien Piché, Vincent Roy, Zoé Tremblay-Blanco et Sarah Villeneuve-Desjardins. Une production du Théâtre Kata, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 mars 2023.
Sur le plateau nu de la salle Michelle-Rossignol, un acteur à quatre pattes, vêtu uniquement d’une paire de bobettes et arborant une énorme tête de rat… arpente lentement la scène en reniflant tout ce qu’il rencontre : deux grandes tables et une pile de chaises, blanches, des caisses et des instruments de musique, un micro sur pied. Puis, il se cabre et observe en silence le public rejoignant son siège. Cette image forte, surprenante, à la fois amusante et inquiétante, semble préluder à une œuvre iconoclaste et trash, drôle et dérangeante.
Il y a un peu de tout ça dans Pisser debout sans lever sa jupe, pièce d’Olivier Arteau, qui en signe aussi la mise en scène, mais la pièce n’atteint pas la force de ses brulots désopilants Doggy dans gravel (2017) et Made in Beautiful (La belle province) (2020), deux productions précédentes de sa compagnie, le Théâtre Kata. Par ailleurs directeur artistique du Théâtre du Trident, l’artiste interdisciplinaire se révèle une figure marquante de la jeune génération de créateurs et de créatrices de la Capitale nationale. Ses complices artistiques, dont certain·es de longue date, mettent beaucoup d’énergie et d’investissement personnel dans ce spectacle, où chacun·e a plongé avec entrain.
L’auteur a le sens de la formule percutante, des mots crus et des pointes bien envoyées, ce qui se manifeste particulièrement dans la première partie du spectacle. Des ami·es de diverses déclinaisons queer se réunissent pour une fête chez leur « alliée hétéro », Ariel, friande de pénis (elle en arbore quelques-uns en guise d’ornement ou de grigris). On discute, chacun·e sans écouter l’autre, le scrutant avec suspicion et dénonçant ses attitudes, ses faux engagements, tout cela sur un ton comique. Jusqu’à ce que cette bonne humeur de façade soit interrompue par le souvenir d’un événement tragique survenu quelques années plus tôt, impliquant l’un d’eux, Fabien, absent de la fête. Cet échange corsé, où tombent les masques, donne lieu au meilleur moment de la représentation.
Faire flèche de tout bois
Le metteur en scène et son équipe, voulant briser les codes de la représentation théâtrale, font appel à une trame narrative hachurée, entrecoupée de chansons et de moments dansés, aux jeux d’éclairages sophistiqués, avec projections vidéo. Puis à l’autofiction – tous les personnages portent d’ailleurs le nom de leurs interprètes – dans une seconde partie où certain·es viendront, dans un monologue au micro, s’épancher sur leurs blessures d’enfance et leurs combats, bien légitimes, pour s’accepter et échapper à l’intolérance. Sur fond d’images tirées des réseaux sociaux, ces tableaux créent un inconfort certain, mettant le public dans une position de voyeurisme.
La quête identitaire, de genre et d’orientation sexuelle, constitue un enjeu sociétal incontournable aujourd’hui. Différentes facettes de la question sont explorées dans ce spectacle, la plupart en surface, et l’ensemble des prestations, un peu disparates, n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Les chansons sont parfois plutôt anodines, l’interprétation souvent caricaturale. On notera la participation enlevée du danseur Fabien Piché, dont plusieurs numéros jalonnent la représentation, ainsi que l’incarnation d’Ariel Charest, qui fait preuve d’une belle maturité dans son jeu. Certains choix de mise en scène paraissent discutables, et à vouloir trop en mettre plein la vue, entre provocation et désir d’émouvoir, le propos, au final, se dilue.
Pisser debout sans lever sa jupe
Texte et mise en scène : Olivier Arteau. Assistance à la mise en scène : Lucie M. Constantineau. Chorégraphies : Fabien Piché. Conception sonore : Vincent Roy, Sarah Villeneuve-Desjardins et Jorie Pedneault (Narcisse). Scénographie : Églantine Mailly. Costumes : Wendy Kim Pires. Éclairages : Claire Seyller. Vidéo : Laura-Rose Grenier. Dramaturgie : Sasha Dion. Regard extérieur : Anne Thériault. Avec Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau, Lucie M. Constantineau, Jorie Pedneault, Fabien Piché, Vincent Roy, Zoé Tremblay-Blanco et Sarah Villeneuve-Desjardins. Une production du Théâtre Kata, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 mars 2023.