La chorégraphe Caroline Laurin-Beaucage, ainsi que ses interprètes, se sont offert une belle exploration chorégraphique, tant sur le plan formel qu’émotionnel, avec Les limites infinies de la peau, présenté jusqu’au 13 mai à l’Agora de la danse. Tout en sincérité et avec habilité, le spectacle – visuellement très beau et doux – arrive à créer un univers de sensations partagées.
Sur scène se manifestent deux solitudes. Deux corps se présentent à nous, logés dans deux vivariums posés au centre de la scène. Léonie Bélanger d’un côté, Simon Renaud de l’autre. Bien avant que le public ne finisse de s’installer, leurs corps se meuvent, en équilibre, en avant, en arrière, en cercle, toujours l’un vers l’autre, même lorsqu’ils s’éloignent. Cette danse sera un motif récurrent durant tout le spectacle, exécutée dans plusieurs variations de rythme et de synchronicité, qui révèlent à différents moments la capacité des interprètes de s’ajuster l’un à l’autre, de dialoguer.
Ce ne sont pas forcément les gestes en miroir qui prévalent, mais le rythme imposé par une respiration commune. L’habillage sonore épouse parfois cette respiration. Dans les évènements de connexions conscientes, c’est l’un des premiers outils utilisés afin d’entrer en relation avec l’autre, peu importe la nature et la finalité de la relation.
Les interprètes arrivent, avec adresse, à donner l’impression de faire corps, alors qu’il et elle vivent probablement une expérience unique, traduite, entre autres, par le toucher tendre et bienveillant démontré envers leur propre corps. Le toucher est le sens qui nous met le plus en contact avec notre intériorité en plus d’être un récepteur pour ce qui se passe en-dehors : on porte dans nos corps nos joies comme nos traumatismes.
Ce sens du toucher est exploité à même le dispositif scénique lorsque le mouvement de balancier cède sa place à une gestuelle primitive ou joueuse selon l’interprétation. Les corps des interprètes fracassent à répétition l’eau qui, entretemps, a rempli les habitacles vitrés. Il et elle se pressent et se glissent sur les surfaces de leur habitat, conçu spécialement pour eux, tentant de se fondre dans l’environnement.
Une boîte à songes
D’ailleurs, j’étais loin de m’imaginer que le sentiment face à l’eau qui éclabousse les parois de l’installation et la peau des artistes, causerait de l’émerveillement en raison, entres autres, de l’imaginaire visuel induit par les jeux d’éclairage de la conceptrice lumière Sonoyo Nishikawa. Ceux-ci mettent en relief la texture de la peau lorsque les faisceaux de lumières se promènent sur les corps en totalité ou en partie.
Les projections, de même que l’éclairage du vivarium en lui-même, créent l’illusion, grâce aux reflets sur l’eau, des vagues sur les corps. Une ondulation que les interprètes finissent d’ailleurs par adopter comme langage. Quant aux éclaboussures, celles-ci prennent l’allure de particules suspendues lorsqu’elles émergent dans l’espace. Les artistes finissent également par incarner des corps flottants donnant au spectacle des allures d’exposition. Ce qui est très efficace, car cela joue sur notre perception temporelle, à la suite de la répétition constante des mêmes motifs.
Quelque chose d’inévitable
Il y a une réflexion apparente autour des thématiques du lien, de la qualité de présence que l’on peut entretenir envers soi et envers l’autre. Mais alors que le regard passe d’un interprète à l’autre, on peut difficilement ignorer l’espace vide entre les deux vivariums, résultat naturel de la disposition scénique.
On pourrait s’arrêter là et choisir de s’accrocher à ce qui relève de l’espoir. Mais on peut y voir – si on est un tant soit peu fataliste – le double sens : l’impossibilité d’entrer justement en contact (sincère) avec les autres. La contrainte de faire évoluer deux corps sur des chemins parallèles n’est pas anodine. Le spectacle entier est une tentative de renverser cette image, mais ça m’a tout de même rendu triste.
Toutefois, ce n’est pas ce qu’on retient. En s’attardant sur le titre de la création, on peut y lire deux images opposées. Limite signifie « une ligne qui sépare […] ou une partie extrême où se termine une surface, une étendue », selon Le Petit Robert. Il y a quelque chose de l’ordre de la coupure. Alors que l’infini enlève cette notion de limite. C’est une juxtaposition d’idées optimistes. J’y lis qu’à travers notre intériorité, on est toujours un peu plus proche des autres.
Idéation et chorégraphie : Caroline Laurin-Beaucage. Interprètes : Léonie Bélanger, Simon Renaud. Musique : Jean Gaudreau. Collaboratrice à la création : Ginelle Chagnon. Direction technique et régie : Samuel Thériault. Répétitrice : Sara Hanley. Regard extérieur : Catherine Duchesneau. Lumières : Sonoyo Nishikawa. Chef électrique et régie : Julie Laroche. Costumes : Dave St-Pierre. Direction de production : Maurice-G. Du Berger. Réalisation de la scénographie : GAUFAB. Consultante à la fabrication des décors : Odile Gamache. Vidéo : Robin Pineda Gould. Une coproduction de l’Agora de la danse et Lorganisme, présentée à l’Agora de la danse du 10 au 13 mai 2023.
La chorégraphe Caroline Laurin-Beaucage, ainsi que ses interprètes, se sont offert une belle exploration chorégraphique, tant sur le plan formel qu’émotionnel, avec Les limites infinies de la peau, présenté jusqu’au 13 mai à l’Agora de la danse. Tout en sincérité et avec habilité, le spectacle – visuellement très beau et doux – arrive à créer un univers de sensations partagées.
Sur scène se manifestent deux solitudes. Deux corps se présentent à nous, logés dans deux vivariums posés au centre de la scène. Léonie Bélanger d’un côté, Simon Renaud de l’autre. Bien avant que le public ne finisse de s’installer, leurs corps se meuvent, en équilibre, en avant, en arrière, en cercle, toujours l’un vers l’autre, même lorsqu’ils s’éloignent. Cette danse sera un motif récurrent durant tout le spectacle, exécutée dans plusieurs variations de rythme et de synchronicité, qui révèlent à différents moments la capacité des interprètes de s’ajuster l’un à l’autre, de dialoguer.
Ce ne sont pas forcément les gestes en miroir qui prévalent, mais le rythme imposé par une respiration commune. L’habillage sonore épouse parfois cette respiration. Dans les évènements de connexions conscientes, c’est l’un des premiers outils utilisés afin d’entrer en relation avec l’autre, peu importe la nature et la finalité de la relation.
Les interprètes arrivent, avec adresse, à donner l’impression de faire corps, alors qu’il et elle vivent probablement une expérience unique, traduite, entre autres, par le toucher tendre et bienveillant démontré envers leur propre corps. Le toucher est le sens qui nous met le plus en contact avec notre intériorité en plus d’être un récepteur pour ce qui se passe en-dehors : on porte dans nos corps nos joies comme nos traumatismes.
Ce sens du toucher est exploité à même le dispositif scénique lorsque le mouvement de balancier cède sa place à une gestuelle primitive ou joueuse selon l’interprétation. Les corps des interprètes fracassent à répétition l’eau qui, entretemps, a rempli les habitacles vitrés. Il et elle se pressent et se glissent sur les surfaces de leur habitat, conçu spécialement pour eux, tentant de se fondre dans l’environnement.
Une boîte à songes
D’ailleurs, j’étais loin de m’imaginer que le sentiment face à l’eau qui éclabousse les parois de l’installation et la peau des artistes, causerait de l’émerveillement en raison, entres autres, de l’imaginaire visuel induit par les jeux d’éclairage de la conceptrice lumière Sonoyo Nishikawa. Ceux-ci mettent en relief la texture de la peau lorsque les faisceaux de lumières se promènent sur les corps en totalité ou en partie.
Les projections, de même que l’éclairage du vivarium en lui-même, créent l’illusion, grâce aux reflets sur l’eau, des vagues sur les corps. Une ondulation que les interprètes finissent d’ailleurs par adopter comme langage. Quant aux éclaboussures, celles-ci prennent l’allure de particules suspendues lorsqu’elles émergent dans l’espace. Les artistes finissent également par incarner des corps flottants donnant au spectacle des allures d’exposition. Ce qui est très efficace, car cela joue sur notre perception temporelle, à la suite de la répétition constante des mêmes motifs.
Quelque chose d’inévitable
Il y a une réflexion apparente autour des thématiques du lien, de la qualité de présence que l’on peut entretenir envers soi et envers l’autre. Mais alors que le regard passe d’un interprète à l’autre, on peut difficilement ignorer l’espace vide entre les deux vivariums, résultat naturel de la disposition scénique.
On pourrait s’arrêter là et choisir de s’accrocher à ce qui relève de l’espoir. Mais on peut y voir – si on est un tant soit peu fataliste – le double sens : l’impossibilité d’entrer justement en contact (sincère) avec les autres. La contrainte de faire évoluer deux corps sur des chemins parallèles n’est pas anodine. Le spectacle entier est une tentative de renverser cette image, mais ça m’a tout de même rendu triste.
Toutefois, ce n’est pas ce qu’on retient. En s’attardant sur le titre de la création, on peut y lire deux images opposées. Limite signifie « une ligne qui sépare […] ou une partie extrême où se termine une surface, une étendue », selon Le Petit Robert. Il y a quelque chose de l’ordre de la coupure. Alors que l’infini enlève cette notion de limite. C’est une juxtaposition d’idées optimistes. J’y lis qu’à travers notre intériorité, on est toujours un peu plus proche des autres.
Les limites infinies de la peau
Idéation et chorégraphie : Caroline Laurin-Beaucage. Interprètes : Léonie Bélanger, Simon Renaud. Musique : Jean Gaudreau. Collaboratrice à la création : Ginelle Chagnon. Direction technique et régie : Samuel Thériault. Répétitrice : Sara Hanley. Regard extérieur : Catherine Duchesneau. Lumières : Sonoyo Nishikawa. Chef électrique et régie : Julie Laroche. Costumes : Dave St-Pierre. Direction de production : Maurice-G. Du Berger. Réalisation de la scénographie : GAUFAB. Consultante à la fabrication des décors : Odile Gamache. Vidéo : Robin Pineda Gould. Une coproduction de l’Agora de la danse et Lorganisme, présentée à l’Agora de la danse du 10 au 13 mai 2023.