Critiques

Festival TransAmériques : Le monde en soi

© Maryse Boyce

Plusieurs artistes se présentent en solo ou en duo au FTA, portant un message politique et/ou poétique. Ils et elles souhaitent nous mettre face à une réalité, la leur, qui pourrait être totalement différente si le monde n’était pas celui qu’on pense connaître.

Qaumma

Après un laboratoire l’an dernier au FTA, Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory reviennent présenter la version finale de ce projet axé sur la réappropriation du territoire et de la culture inuite. Williamson Bathory assure la mise en scène, remplacée sur le plateau par la comédienne Charlotte Qamanik.

Les interprètes commencent par dénoncer l’artificialité de la religion, des us et coutumes ainsi que des lois imposées par les Blancs dans le Nord, soit au Nunavik et au Nunavut depuis des décennies.

La colonisation a provoqué de nombreux déplacements et des actions génocidaires au sein des populations inuites. Vinnie Karetak raconte avec une forte émotion la vie de sa grand-mère qui a dû choisir, lors d’un hiver pénible et dans un climat empreint de haine et de violence, lesquels parmi ses enfants allaient survivre.

Malgré toute l’incompréhension et le mépris affichés par les Blancs, les deux interprètes se libèrent des chaînes de l’oppression à la fin du spectacle, invitant le public à danser avec eux.

La mise en scène holistique de Williamson Bathory aidée d’une scénographie originale de Catherine D Lapointe et de la vidéo d’Elysha Poirier, donne à l’ensemble une allure poétique qui n’occulte en rien les messages nécessaires livrés au futur.

Qaumma

Production : Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory. Assistance à la mise en scène et régie Élaine Normandeau. Musique : Aqqalu Berthelsen. Lumières : Catherine FP. Conception sonore : Jean Gaudreau. Scénographie : Catherine D, Lapointe. Vidéo : Elysha Poirier. Direction technique : Claudie Gagnon. Interprétation : Vinnie Karetak et Charlotte Qamanik. Production déléguée : Festival TransAmériques. Traduction des surtitres : Elaine Normandeau. Opération des surtitres : Nezren Pittoors-McMahon. Coproduction : Festival TransAmériques. Développement avec le soutien du Fonds national de création du Centre national des Arts (Ottawa). Présentation avec le soutien de Fondation Cole au Studio Hydro-Québec du Monument-National dans le cadre du Festival TransAmériques du 3 au 6 juin 2023.

The Beach and Other Stories

© Kinga Michalska

La chorégraphe d’origine bulgare, vivant à Montréal depuis plusieurs années, Maria Kefirova travaille également dans un souhait de réappropriation avec son premier spectacle offert au FTA, The Beach and Other Stories.

Dans notre monde dégoulinant d’images, l’artiste s’intéresse à des photographies d’une autre époque — rappelant son passé bulgare — qu’elle décrit une à une avant de les épingler sur la corde rouge encadrant l’aire de jeu.

D’une voix monocorde, mais parfois accompagnée d’un sourire en coin, Kefirova invente à chaque cliché une histoire qui l’inclut ou non, en tant qu’elle-même ou en un personnage anthropomorphisé tel que l’eau. Poésie et philosophie se marient dans un propos qui aborde autant la solitude, les joies, la sexualité que la tristesse.

La musique disco amène l’interprète à adopter quelques postures nageant entre l’absurde et le suggestif. L’utilisation de vêtements disparates ajoute une touche ludique. Maria Kefirova est cette enfant qui redécouvre son passé en incluant le public dans sa quête imaginaire.

Avant la dynamique chorégraphie finale, la mise en scène s’avère cependant répétitive, minant un procédé narratif qui se veut pourtant léger, voire festif.

The Beach and Other Stories

Conception, chorégraphie et interprétation : Maria Kefirova, Texte : Maria Kefirova, Michael Martini. Soutien dramaturgique : Hanako Hoshimi-Caines. Conseil : Diego Gil, Sophie Corriveau. Lumières : Karine Gauthier. Cortumes : Jade Tong Cuong. Conception sonore : Nicolas Basque, Maria Kefirova. Consultation : Mladen Alexiev, Milla Mineva, Jacob Wren, Sebastian Kann, Mira Todorova. Consultation en graphisme : Johan Deschuymer. Photographies : Bulgarian Visual Archive — Olivier Tulliez. Traduction des surtitres : Elaine Normandeau. Opération des surtitres : Benoît Isabelle. Une production de Maria Kefirova et Danse-Cité. Coproduction : Festival TransAmériques. Avec le soutien de l’Agora de la danse, Créations Estelle Clareton, Studios Solidaires ̶ Diagramme — gestion culturelle. Résidences de création : Stable, MAI | Montréal, arts interculturels et Toplotsentrala Centre for Contemporary Art (Sofia). Présentée en collaboration avec Agora de la danse et Tangente à l’Édifice Wilder dans le cadre du Festival TransAmériques du 2 au 4 juin 2023.

Reminiscencia

© Christian Ellwanger

Autre artiste de la mémoire, Malicho Vaca Valenzuela s’amène en scène et s’assoit à une table où pendant une heure il utilisera des images empruntées en partie sur le web pour nous faire connaître ses grands-parents et sa ville natale, Santiago au Chili.

Des images qui, précise-t-il, ne représentent plus la réalité d’aujourd’hui puisque nombre des lieux filmés ou photographiés ont été modifiés ou détruits. Notamment, des plaques métalliques fixés sur des trottoirs où étaient inscrits des poèmes. La rue raconte la ville et les révolutions chiliennes qui ont façonné l’histoire de ce pays.

L’artiste se demande donc, tout au long du spectacle simultanément présenté en zoom, ce que signifie le fait de laisser des marques sur les murs si les murs n’ont pas été construits pour cet usage. Il en conclut que la mémoire résiste au passage du temps, prenant exemple de sa grand-mère qui souffre d’Alzheimer, mais qui se souvient parfaitement des paroles des chansons d’autrefois.

S’il existe du positif sur le web et ses milliards d’images, c’est cette mémoire cartographique que l’artiste met à l’avant-plan avec sa voix douce et son infinie tendresse.

Bienveillant et réconfortant.

Reminiscencia

Mise en scène et dramaturgie : Malicho Vaca Valenzuela. Son : Raimundo Stivenson. Assistance à la mise en scène, production et diffusion : Ébana Garín Coronel. Coproduction : Centro Cultural M100 (Santiago du Chili). Traduction des surtitres : Olivier Sylvestre. Interprétation : Rosa Alfaro, Malicho Vaca Valenzuela et Lindor Valenzuela. Présentation en collaboration avec La Chapelle Scènes Contemporaines. Une production de Malicho Vaca Valenzuela présentée au théâtre La Chapelle Scènes Contemporaines dans le cadre du Festival TransAmériques du 4 au 6 juin 2023.