Sarabande : Exercice de style
On ne peut que saluer la diversité des propositions artistiques composant la programmation 2023 du festival Montréal complètement cirque, ainsi que la hardiesse de certaines d’entre elles. Parmi ces perles de singularité figure Sarabande. Seul sur une scène exempte de tout artifice, un duo improbable formé d’un jongleur et d’une violoncelliste offre une performance élégante et hypnotique.
Sur des airs de Bach interprétés par Noémie Boutin, Jörg Müller scinde sa prestation circassienne en trois parties. Durant la première, il garde en équilibre sur diverses parties de son corps (un doigt, un orteil, son thorax…) un long bâton coiffé d’une flamme, le tout en changeant constamment de posture. La deuxième consiste en une chorégraphie construite à partir de tuyaux suspendus, auxquels le jongleur fait faire des rondes, commande toutes sortes d’autres mouvements et, parfois même, des sons.
Fascinants ou lassants, ces déplacements fluides et quasi ininterrompus de tubes dans les airs ? La réponse appartient sans doute à chaque spectateur ou spectatrice. La beauté, tout comme la fadeur, ne réside-t-elle pas, en partie du moins, dans les yeux de celui ou de celle qui regarde ?
La dernière partie voit enfin se réunir les deux artistes, la violoncelliste était installée sur une plateforme suspendue, que fait doucement tournoyer et balancer son complice. Sans que le résultat soit spectaculaire, ce numéro expose la faculté de concentration de Noémi Boutin ainsi que la confiance qu’elle voue à son partenaire.
Malgré l’habileté incontestable de Müller, démontrée tout particulièrement dans le premier tiers du spectacle, Sarabande ne mise évidemment pas sur des prouesses abracadabrantes, mais plutôt sur une ambiance feutrée – fort réussie et agréable –, sur le charme de la musique et sur la fascination suscitée par cette approche atypique de la jonglerie.
Création et interprétation : Noémi Boutin et Jörg Müller. Éclairages et régie : Hervé Frichet/Kamille Fau. Une coproduction de Noémi Boutin, Jörg Müller et du Festival Les Nuits d’été, présentée à l’occasion de Montréal complètement cirque, au Théâtre Outremont du 11 au 16 juillet 2023.
Runners : La course de la vie
Comme plusieurs autres productions offertes par le festival et comme le veut la tendance générale au sein des arts vivants ici et ailleurs, le spectacle tchèque Runners amalgame plusieurs disciplines artistiques, telles que la danse, le chant, le cirque et le théâtre. Un peu comme l’avaient fait Les 7 Doigts il y a quelques années dans Cuisine et Confessions, les artistes ponctuent leurs prestations d’anecdotes relatives au sujet abordé, soit, ici, le temps.
Or le procédé, en l’occurrence, s’avère beaucoup plus efficace, car les récits sont arrimés aux performances physiques, leur apporte un éclairage supplémentaire. Bref, on est témoin d’une belle complémentarité entre les mots et les gestes.
L’un des interprètes racontera son expérience de la vitesse extrême – lors de laquelle le temps semblait suspendu – quand il a dévalé une pente en vélo; une autre évoquera sa capacité à accomplir rapidement toutes les activités du quotidien (s’habiller, se brosser les dents…) et se demandera ensuite : mais à quoi bon ? Ainsi sont semés des germes de réflexions sur les heures, les jours, la vie qui passent et sur ce que l’on en fait.
Pour l’occasion, la scène circulaire de la TOHU a été retirée (ce qui fait que le numéro de roue Cyr, au sol, est à peine visible du bas des gradins) et remplacée par un tapis roulant surdimensionné (qui échappe aussi au regard si l’on n’est pas installé·e assez en hauteur… ce qui est franchement dommage, car on perd alors une partie des mouvements des artistes).
Ce n’est pas la première fois qu’un tel dispositif est utilisé sur scène, en danse surtout, en des proportions plus modestes (pensons entre autres à Running Piece de Jacques Denis-Poulin et à Last Work d’Ohad Naharin); il n’en demeure pas moins qu’il recèle l’avantage d’illustrer l’inexorable marche du temps.
Il y a somme toute peu de contenu circassien dans la proposition du Cirk La Putyka, la gestuelle régnant sur le tapis roulant appartenant plutôt au registre de la danse, mais la musique en direct, de même que les voix parlées et chantées apportent beaucoup de chaleur et participent au dynamisme de l’ensemble. De plus, le thème choisi ne saurait être plus universel et, à ce titre, ne rate pas sa cible.
Idéation et mise en scène : Rostislav Novák Jr et Vit Neznal. Dramaturgie : Petr Erbes et Viktor Černický. Chorégraphies : Dora Sulženko Hoštová. Costumes : NoN Grata et Mikuláš Brukner. Scénographie; Pavla Kamanová. Éclairages : Jiři (Zewll) Maleňák. Conception sonore : Jan Středa. Musique : Jan Čtvrtnik, Veronika Linhartová, Terezie Kovalová et Jakub Ruschka. Avec Viktor Černický/Jakub Slovák, Aneta Bočková/Sabina Bočková, Šárka Řihová/Dora Sulženko Hoštová, Ethan Law/Martin Kadrnožka, Terezie Kovalová/Veronika Linhartová, Jakub Ruschka/Jan Čtvrtnik et Daniel Hajtl/Simon Bareš. Une production de Cirk La Putyka, présentée, à l’occasion de Montréal complètement cirque, à la TOHU du 12 au 16 juillet 2023.
Sarabande : Exercice de style
On ne peut que saluer la diversité des propositions artistiques composant la programmation 2023 du festival Montréal complètement cirque, ainsi que la hardiesse de certaines d’entre elles. Parmi ces perles de singularité figure Sarabande. Seul sur une scène exempte de tout artifice, un duo improbable formé d’un jongleur et d’une violoncelliste offre une performance élégante et hypnotique.
Sur des airs de Bach interprétés par Noémie Boutin, Jörg Müller scinde sa prestation circassienne en trois parties. Durant la première, il garde en équilibre sur diverses parties de son corps (un doigt, un orteil, son thorax…) un long bâton coiffé d’une flamme, le tout en changeant constamment de posture. La deuxième consiste en une chorégraphie construite à partir de tuyaux suspendus, auxquels le jongleur fait faire des rondes, commande toutes sortes d’autres mouvements et, parfois même, des sons.
Fascinants ou lassants, ces déplacements fluides et quasi ininterrompus de tubes dans les airs ? La réponse appartient sans doute à chaque spectateur ou spectatrice. La beauté, tout comme la fadeur, ne réside-t-elle pas, en partie du moins, dans les yeux de celui ou de celle qui regarde ?
La dernière partie voit enfin se réunir les deux artistes, la violoncelliste était installée sur une plateforme suspendue, que fait doucement tournoyer et balancer son complice. Sans que le résultat soit spectaculaire, ce numéro expose la faculté de concentration de Noémi Boutin ainsi que la confiance qu’elle voue à son partenaire.
Malgré l’habileté incontestable de Müller, démontrée tout particulièrement dans le premier tiers du spectacle, Sarabande ne mise évidemment pas sur des prouesses abracadabrantes, mais plutôt sur une ambiance feutrée – fort réussie et agréable –, sur le charme de la musique et sur la fascination suscitée par cette approche atypique de la jonglerie.
Sarabande
Création et interprétation : Noémi Boutin et Jörg Müller. Éclairages et régie : Hervé Frichet/Kamille Fau. Une coproduction de Noémi Boutin, Jörg Müller et du Festival Les Nuits d’été, présentée à l’occasion de Montréal complètement cirque, au Théâtre Outremont du 11 au 16 juillet 2023.
Runners : La course de la vie
Comme plusieurs autres productions offertes par le festival et comme le veut la tendance générale au sein des arts vivants ici et ailleurs, le spectacle tchèque Runners amalgame plusieurs disciplines artistiques, telles que la danse, le chant, le cirque et le théâtre. Un peu comme l’avaient fait Les 7 Doigts il y a quelques années dans Cuisine et Confessions, les artistes ponctuent leurs prestations d’anecdotes relatives au sujet abordé, soit, ici, le temps.
Or le procédé, en l’occurrence, s’avère beaucoup plus efficace, car les récits sont arrimés aux performances physiques, leur apporte un éclairage supplémentaire. Bref, on est témoin d’une belle complémentarité entre les mots et les gestes.
L’un des interprètes racontera son expérience de la vitesse extrême – lors de laquelle le temps semblait suspendu – quand il a dévalé une pente en vélo; une autre évoquera sa capacité à accomplir rapidement toutes les activités du quotidien (s’habiller, se brosser les dents…) et se demandera ensuite : mais à quoi bon ? Ainsi sont semés des germes de réflexions sur les heures, les jours, la vie qui passent et sur ce que l’on en fait.
Pour l’occasion, la scène circulaire de la TOHU a été retirée (ce qui fait que le numéro de roue Cyr, au sol, est à peine visible du bas des gradins) et remplacée par un tapis roulant surdimensionné (qui échappe aussi au regard si l’on n’est pas installé·e assez en hauteur… ce qui est franchement dommage, car on perd alors une partie des mouvements des artistes).
Ce n’est pas la première fois qu’un tel dispositif est utilisé sur scène, en danse surtout, en des proportions plus modestes (pensons entre autres à Running Piece de Jacques Denis-Poulin et à Last Work d’Ohad Naharin); il n’en demeure pas moins qu’il recèle l’avantage d’illustrer l’inexorable marche du temps.
Il y a somme toute peu de contenu circassien dans la proposition du Cirk La Putyka, la gestuelle régnant sur le tapis roulant appartenant plutôt au registre de la danse, mais la musique en direct, de même que les voix parlées et chantées apportent beaucoup de chaleur et participent au dynamisme de l’ensemble. De plus, le thème choisi ne saurait être plus universel et, à ce titre, ne rate pas sa cible.
Runners
Idéation et mise en scène : Rostislav Novák Jr et Vit Neznal. Dramaturgie : Petr Erbes et Viktor Černický. Chorégraphies : Dora Sulženko Hoštová. Costumes : NoN Grata et Mikuláš Brukner. Scénographie; Pavla Kamanová. Éclairages : Jiři (Zewll) Maleňák. Conception sonore : Jan Středa. Musique : Jan Čtvrtnik, Veronika Linhartová, Terezie Kovalová et Jakub Ruschka. Avec Viktor Černický/Jakub Slovák, Aneta Bočková/Sabina Bočková, Šárka Řihová/Dora Sulženko Hoštová, Ethan Law/Martin Kadrnožka, Terezie Kovalová/Veronika Linhartová, Jakub Ruschka/Jan Čtvrtnik et Daniel Hajtl/Simon Bareš. Une production de Cirk La Putyka, présentée, à l’occasion de Montréal complètement cirque, à la TOHU du 12 au 16 juillet 2023.