Critiques

Festival international des arts de la marionnette à Saguenay : De l’attendrissant au déroutant

© Erik Gow

Quelqu’un t’aime Monsieur Hatch : Charme rétro

Entre les spectacles québécois et internationaux qui émaillent la programmation de la 17e édition du Festival international des arts de la marionnette (FIAMS), s’est glissée une production en français de la compagnie vancouvéroise Axis Theatre. Cette adaptation théâtrale du livre Somebody Loves You, Mr. Hatch d’Eileen Spinelli a d’abord été créée en anglais et a tourné pendant cinq ans avant de renaître, toujours en Colombie-Britannique, dans la langue de Molière.

La trame narrative, somme toute sommaire, se déroule au cœur d’un environnement scénique délicieusement rétro. Monsieur Hatch, être esseulé dont l’existence monotone tourne autour de son emploi à l’usine de lacets, reçoit un cadeau anonyme pour la Saint-Valentin, assorti d’une note disant « Quelqu’un t’aime ». Éclot alors chez le héros une félicité inespérée, un enthousiasme renouvelé envers la vie, qu’il s’empresse de partager avec ses collègues, voisin·es et connaissances… jusqu’à ce que le facteur lui avoue avoir livré le colis à la mauvaise adresse. Retombera-t-il dans l’accablement d’une solitude dont il s’est cru un instant délesté ?

Si le récit fait sourire, c’est surtout la facture de sa mise en scène qui ravit. Les blanchisseuses qui s’accordent le petit plaisir d’interpréter cette histoire durant leurs précieuses minutes de pause — sorte de mise en abyme — arborent des tenues rappelant les années 1950, jouent du ukulélé et chantent en trio. Les accessoires de leur laverie servent de décor à l’action, et ce, de façon assez habile, comme lorsqu’une boîte de détergent à lessive se métamorphose en lit, puis en bibliothèque.

La marionnette que manipulent les comédiennes — tout en campant les autres personnages — parvient, grâce à la vie qu’elles lui insufflent, à exprimer un éventail d’émotions intelligibles et contagieuses. Car le public, à l’instar de l’entourage du protagoniste, a tôt fait de s’attacher à lui. Un spectacle tout simple, mais tout à fait charmant.

© Erik Gow

Quelqu’un t’aime Monsieur Hatch

Texte : Eileen Spinelli. Traduction : Colin Heath. Adaptation, mise en scène, scénographie et direction de production : Chris McGregor. Conception des costumes, des éclairages, de la musique, des accessoires et de la marionnette : Frank Rader, Barbara Clayden, Darryl Milot, Stephen Bulat et Shizuka Kai. Avec Gabrielle Nebrida-Pepin, Anaïs Pellin et Cassandra Bourchier. Une production du Axis Theatre, présentée, à l’occasion du FIAMS, à la salle Murdock du Centre des arts de Chicoutimi du 26 au 27 juillet 2023.
 

Hic sunt dracones : Poème corporel

© Marek Olbrzymek

La proposition de la compagnie tchèque Theatre Continuo repose fortement sur la recherche formelle. À la narrativité, on a préféré l’abstraction. Et la marionnette, ici, se fait plutôt théâtre de matière (de l’argile manipulée sur scène), de prothèses (des parties de corps ajoutées à celles des interprètes) et, dirons-nous, de démembrement, puisque des jambes et des bras humains se muent en éléments scénographiques qui s’assemblent et se désassemblent, par moments enfermés dans des boîtes de carton, pour former des tableaux.

Disons-le d’emblée, Hic sunt dracones (Ici sont des dragons en latin) ne plaira pas à tous les spectateurs et à toutes les spectatrices. Si ce principe peut généralement être appliqué à n’importe quelle production scénique, l’aridité de celle-ci, son caractère abscons, l’expose tout particulièrement à la perplexité du public. En explorant le territoire déconstruit du rêve — ou du cauchemar… —, on multiplie les images, parfois saisissantes (par exemple, lorsque les actrices fixent un visage à leur arrière-train, se tiennent à l’envers et miment un discours où les jambes gesticulent comme des bras), mais qui semblent dépourvues de sens et de liens.

La trame sonore du spectacle, interprétée en direct sur scène, mais sans que l’on puisse réellement voir l’artiste à l’œuvre tant cette partie du plateau est tenue dans l’ombre, ne fait certainement rien pour rendre plus digeste l’ensemble. Certains des sons générés, tel celui que l’on dirait issu de coups répétés sur une clochette à vélos, peuvent même s’avérer irritants.

Reste que l’expérience proposée par le Theatre Continuo a le mérite de l’originalité. On peut aussi lui conférer celui d’étendre le terrain de jeu de la discipline marionnettique. Sans compter une certaine poésie visuelle — et sonore — avant-gardiste qui peut certes marquer les esprits.

© Marek Olbrzymek

Hic sunt dracones

Texte, mise en scène et direction artistique : Pavel Stourac. Conception visuelle et décor : Helena Stouracova et Pavel Stourac. Musique : Jakub Stourac et Pavel Stourac. Avec Sara Bocchini, Lisa Jesitova, Katerina Sobanova et Diana Khawaja. Une production du Theatre Continuo, présentée à l’occasion du FIAMS, à la salle François-Brassard du cégep de Jonquière du 26 au 27 juillet 2023.