En ouverture de saison, le Théâtre Aux Écuries propose une incursion au cœur d’une famille panamo-colombienne dispersée dans toute l’Amérique, mais réunie à l’occasion du décès de la matriarche. Celle-ci ayant rendu l’âme tout juste avant les festivités prévues pour ses 80 ans, sa fille Betty décide de troquer les traditionnelles funérailles pour une « célébration de la vie » de sa mère, noyant son propre chagrin dans la préparation des plats favoris de la défunte, dans le projet de transformer ses cendres en bijoux et, d’ici là, d’équiper son cercueil de tout ce qui pourrait rendre son repos plus agréable. Cette commémoration ne sera pas exempte de cahots rocambolesques.
L’idée de tirer de rites funéraires une matière comédique n’est pas nouvelle. Pensons notamment aux films Death at a Funeral de Frank Oz et Passed Away de Charlie Peters. L’impulsion d’un·e dramaturge de se moquer tendrement des traits qu’il ou elle associe à sa culture d’origine ne brille pas non plus par son unicité. Viennent à l’esprit Mambo italiano de Steve Galluccio, My Big Fat Greek Wedding – qui fut d’abord un solo théâtral de Nia Vardalos avant de passer au grand écran – et, bien entendu, le nuancé et habile Mama, créé l’an dernier chez Duceppe et repris, depuis, par Juste pour rire. Or Providencia ne saurait, hélas !, que souffrir d’une comparaison avec la pièce de Nathalie Doummar puisque l’on n’y retrouve ni la finesse de ses portraits ni la portée des enjeux abordés.
Force est d’admettre que le stéréotype et la caricature règnent en roi et reine sur l’œuvre de Mariana Tayler, qu’il s’agisse de la représentation d’un oncle homosexuel, d’une jeune workaholic ou de la tante bien intentionnée, mais indécrottablement gauche. La présence de deux spectres de défunt·es aïeul·es, dont l’apport dramaturgique laisse perplexe, bonifie aussi peu l’ensemble que ne le font les gags élimés tels que la livraison du mauvais cadavre par les pompes funèbres.
Polyphonie légèrement dissonante
La plus grande force du texte de Tayler réside certainement, néanmoins, dans le caractère attachant de certains de ses personnages. Sans doute aurait-il été intéressant d’entendre davantage la voix de celui qu’elle incarne elle-même, soit la fille de la défunte, dont la profondeur du deuil peine à affleurer du chaos qui l’entoure. Qui sait, ce fil narratif aurait peut-être su se montrer plus fécond que celui, éculé, suivant Adriana (Emmanuelle Lussier Martinez), qui, appuyée par sa famille, apprend que la vie ne se résume pas aux ambitions professionnelles.
Au sein de cette cacophonie délibérée, les interprétations se révèlent inégales. Si Ximena Ferrer, par exemple, irradie du charme exubérant d’une femme accomplie, aimante et bien dans sa peau, d’autres performances s’avèrent moins convaincantes. La direction d’acteurs de la metteuse en scène Marie Farsi serait-elle en cause ? De façon générale, son approche s’accorde bien au texte à sa disposition, c’est-à-dire qu’elle privilégie l’effet comique plutôt que la subtilité. Quoi qu’il en soit, qu’un mur invisible entre le salon et l’extérieur de la maison semble apparaître et disparaître au gré des besoins de la mise en scène pourrait faire sourciller les puristes.
S’il est réjouissant d’entendre des accents de toutes les teintes se déployer sur scène, ces sonorités auraient certainement mérité une partition plus riche pour pouvoir atteindre leur pleine résonance. Il y a bien quelques tableaux sympathiques, comme celui où les membres de cette diaspora vibrent au diapason lorsqu’ils et elles renouent avec les saveurs communes de leur enfance. En outre, le rythme soutenu de ce spectacle tout de même amusant fait en sorte que défilent rondement les péripéties de cette coterie bigarrée.
Texte : Mariana Tayler. Mise en scène : Marie Farsi. Assistance à la mise en scène : Catherine Alepin. Scénographie et accessoires : Nadine Jafaar. Musique originale et conception sonore : Roberto López. Costumes : Georges Michael Fanfan. Éclairages : Renaud Pettigrew. Avec Emmanuelle Lussier Martinez, Luz Tercero, Braulio Elicer et Patricia Pérez Robles. Une production de La Parcera, présentée au Théâtre Aux Écuries du 19 au 30 septembre 2023.
En ouverture de saison, le Théâtre Aux Écuries propose une incursion au cœur d’une famille panamo-colombienne dispersée dans toute l’Amérique, mais réunie à l’occasion du décès de la matriarche. Celle-ci ayant rendu l’âme tout juste avant les festivités prévues pour ses 80 ans, sa fille Betty décide de troquer les traditionnelles funérailles pour une « célébration de la vie » de sa mère, noyant son propre chagrin dans la préparation des plats favoris de la défunte, dans le projet de transformer ses cendres en bijoux et, d’ici là, d’équiper son cercueil de tout ce qui pourrait rendre son repos plus agréable. Cette commémoration ne sera pas exempte de cahots rocambolesques.
L’idée de tirer de rites funéraires une matière comédique n’est pas nouvelle. Pensons notamment aux films Death at a Funeral de Frank Oz et Passed Away de Charlie Peters. L’impulsion d’un·e dramaturge de se moquer tendrement des traits qu’il ou elle associe à sa culture d’origine ne brille pas non plus par son unicité. Viennent à l’esprit Mambo italiano de Steve Galluccio, My Big Fat Greek Wedding – qui fut d’abord un solo théâtral de Nia Vardalos avant de passer au grand écran – et, bien entendu, le nuancé et habile Mama, créé l’an dernier chez Duceppe et repris, depuis, par Juste pour rire. Or Providencia ne saurait, hélas !, que souffrir d’une comparaison avec la pièce de Nathalie Doummar puisque l’on n’y retrouve ni la finesse de ses portraits ni la portée des enjeux abordés.
Force est d’admettre que le stéréotype et la caricature règnent en roi et reine sur l’œuvre de Mariana Tayler, qu’il s’agisse de la représentation d’un oncle homosexuel, d’une jeune workaholic ou de la tante bien intentionnée, mais indécrottablement gauche. La présence de deux spectres de défunt·es aïeul·es, dont l’apport dramaturgique laisse perplexe, bonifie aussi peu l’ensemble que ne le font les gags élimés tels que la livraison du mauvais cadavre par les pompes funèbres.
Polyphonie légèrement dissonante
La plus grande force du texte de Tayler réside certainement, néanmoins, dans le caractère attachant de certains de ses personnages. Sans doute aurait-il été intéressant d’entendre davantage la voix de celui qu’elle incarne elle-même, soit la fille de la défunte, dont la profondeur du deuil peine à affleurer du chaos qui l’entoure. Qui sait, ce fil narratif aurait peut-être su se montrer plus fécond que celui, éculé, suivant Adriana (Emmanuelle Lussier Martinez), qui, appuyée par sa famille, apprend que la vie ne se résume pas aux ambitions professionnelles.
Au sein de cette cacophonie délibérée, les interprétations se révèlent inégales. Si Ximena Ferrer, par exemple, irradie du charme exubérant d’une femme accomplie, aimante et bien dans sa peau, d’autres performances s’avèrent moins convaincantes. La direction d’acteurs de la metteuse en scène Marie Farsi serait-elle en cause ? De façon générale, son approche s’accorde bien au texte à sa disposition, c’est-à-dire qu’elle privilégie l’effet comique plutôt que la subtilité. Quoi qu’il en soit, qu’un mur invisible entre le salon et l’extérieur de la maison semble apparaître et disparaître au gré des besoins de la mise en scène pourrait faire sourciller les puristes.
S’il est réjouissant d’entendre des accents de toutes les teintes se déployer sur scène, ces sonorités auraient certainement mérité une partition plus riche pour pouvoir atteindre leur pleine résonance. Il y a bien quelques tableaux sympathiques, comme celui où les membres de cette diaspora vibrent au diapason lorsqu’ils et elles renouent avec les saveurs communes de leur enfance. En outre, le rythme soutenu de ce spectacle tout de même amusant fait en sorte que défilent rondement les péripéties de cette coterie bigarrée.
Providencia
Texte : Mariana Tayler. Mise en scène : Marie Farsi. Assistance à la mise en scène : Catherine Alepin. Scénographie et accessoires : Nadine Jafaar. Musique originale et conception sonore : Roberto López. Costumes : Georges Michael Fanfan. Éclairages : Renaud Pettigrew. Avec Emmanuelle Lussier Martinez, Luz Tercero, Braulio Elicer et Patricia Pérez Robles. Une production de La Parcera, présentée au Théâtre Aux Écuries du 19 au 30 septembre 2023.