Salim Djaferi donne vie sur scène à une quête : « Que s’est-il passé ? » demande-t-il à quelques reprises dans la première partie du spectacle. Que s’est-il passé entre les changements de noms sur les pièces d’identité de son grand-père, de sa mère ? Que s’est-il passé en Algérie pendant la période coloniale et après la guerre d’Algérie ? Ou guerre de libération nationale ? Ou la révolution algérienne ?… La quête se confond avec une enquête linguistique et sémantique sur les mots arabes pour dire « colonisation ».
Salim Djaferi ne considère pas la période coloniale et postcoloniale en Algérie d’un point de vue moral ou politique. Il présente les différents mots en arabe pour la dire, et donc l’interpréter, et cette juxtaposition est en elle-même éclairante : selon les points de vue, les mots pour traduire « colonisation », un nom inexistant en arabe algérien, sont construits à partir de verbes qui pourront signifier, selon les points de vue : « prendre sans autorisation », « mettre de l’ordre », « remplacer » ou encore « détruire ». Au public de tirer ses conclusions.
L’enquête linguistique, tout à fait captivante, menée par l’auteur-acteur révèle évidemment des réalités redoutables, mais lui assure aussi d’éviter une posture victimaire. Au contraire, la pièce met l’accent sur le processus de recherche et de compréhension des mots et des choses, source de plaisir et d’une certaine réalisation de soi.
Un espace métaphorique
Un plancher blanc, quelques plaques de polystyrène, deux projecteurs constituent le décor ; une ficelle, une bouteille, un couteau, un bidon d’eau et des éponges, les accessoires qui trouveront à mesure leur utilité. Salin Djaferi est sur scène à l’entrée du public. Il dénoue une ficelle qui, attachée aux quatre coins de la scène, formera un espace clos, une maison (métaphore récurrente dans le spectacle). Tout en parlant, il transforme quelques plaques de polystyrène en table de conférence et la ficelle devient le fil du temps sur lequel l’acteur place les pièces à conviction de son enquête. L’éloquence symbolique de deux éponges imbibées de liquide rouge qu’il va suspendre sur ce fil évoque ce qui se dit.
Au milieu de la pièce, d’autres plaques étalées sur le sol serviront à représenter cette fois des maisons. Ainsi seront illustrées les diverses manières de nommer la colonisation, ces diverses formes d’occupation de la maison de l’autre. Il faut trouver des mots transparents, qui ne cachent pas la réalité, qui ne l’efface pas. Vers la fin du spectacle, Salim Djaferi se retrouve enfermé dans une boite, alors qu’est rapportée une entrevue piratée lors de laquelle une conseillère en emploi propose à un participant, un ingénieur, d’omettre son lieu de formation, l’Algérie, sur son CV.
L’intelligence du propos, la finesse du langage et leur matérialisation poétique dans l’espace scénique confèrent au théâtre documenté de Koulounisation un intérêt indéniable que l’attention soutenue de la salle confirme. La joie procurée par cette quête des mots et des sens, non exempte d’indignation, se communique au public et l’accompagnera bien après le dernier salut de Salim Djaferi.
Texte, mise en scène et interprétation : Salim Djaferi. Écriture de plateau : Delphine De Baere. Aide à l’écriture : Marie Alié et Nourredine Ezzaraf. Scénographie : Justine Bougerol, Silvio Palomo. Lumière : Laurie Fouvet. Dramaturgie : Adeline Rosenstein. Assistance à la mise en scène : Clément Papachristou. Développement, production et diffusion : Habemus papam. Une coproduction des Halles de Schaerbeek, du Rideau de Bruxelles et de l’Ancre – Théâtre Royal de Charleroi, présentée au Théâtre Prospero du 26 septembre au 7 octobre 2023.
Salim Djaferi donne vie sur scène à une quête : « Que s’est-il passé ? » demande-t-il à quelques reprises dans la première partie du spectacle. Que s’est-il passé entre les changements de noms sur les pièces d’identité de son grand-père, de sa mère ? Que s’est-il passé en Algérie pendant la période coloniale et après la guerre d’Algérie ? Ou guerre de libération nationale ? Ou la révolution algérienne ?… La quête se confond avec une enquête linguistique et sémantique sur les mots arabes pour dire « colonisation ».
Salim Djaferi ne considère pas la période coloniale et postcoloniale en Algérie d’un point de vue moral ou politique. Il présente les différents mots en arabe pour la dire, et donc l’interpréter, et cette juxtaposition est en elle-même éclairante : selon les points de vue, les mots pour traduire « colonisation », un nom inexistant en arabe algérien, sont construits à partir de verbes qui pourront signifier, selon les points de vue : « prendre sans autorisation », « mettre de l’ordre », « remplacer » ou encore « détruire ». Au public de tirer ses conclusions.
L’enquête linguistique, tout à fait captivante, menée par l’auteur-acteur révèle évidemment des réalités redoutables, mais lui assure aussi d’éviter une posture victimaire. Au contraire, la pièce met l’accent sur le processus de recherche et de compréhension des mots et des choses, source de plaisir et d’une certaine réalisation de soi.
Un espace métaphorique
Un plancher blanc, quelques plaques de polystyrène, deux projecteurs constituent le décor ; une ficelle, une bouteille, un couteau, un bidon d’eau et des éponges, les accessoires qui trouveront à mesure leur utilité. Salin Djaferi est sur scène à l’entrée du public. Il dénoue une ficelle qui, attachée aux quatre coins de la scène, formera un espace clos, une maison (métaphore récurrente dans le spectacle). Tout en parlant, il transforme quelques plaques de polystyrène en table de conférence et la ficelle devient le fil du temps sur lequel l’acteur place les pièces à conviction de son enquête. L’éloquence symbolique de deux éponges imbibées de liquide rouge qu’il va suspendre sur ce fil évoque ce qui se dit.
Au milieu de la pièce, d’autres plaques étalées sur le sol serviront à représenter cette fois des maisons. Ainsi seront illustrées les diverses manières de nommer la colonisation, ces diverses formes d’occupation de la maison de l’autre. Il faut trouver des mots transparents, qui ne cachent pas la réalité, qui ne l’efface pas. Vers la fin du spectacle, Salim Djaferi se retrouve enfermé dans une boite, alors qu’est rapportée une entrevue piratée lors de laquelle une conseillère en emploi propose à un participant, un ingénieur, d’omettre son lieu de formation, l’Algérie, sur son CV.
L’intelligence du propos, la finesse du langage et leur matérialisation poétique dans l’espace scénique confèrent au théâtre documenté de Koulounisation un intérêt indéniable que l’attention soutenue de la salle confirme. La joie procurée par cette quête des mots et des sens, non exempte d’indignation, se communique au public et l’accompagnera bien après le dernier salut de Salim Djaferi.
Koulounisation
Texte, mise en scène et interprétation : Salim Djaferi. Écriture de plateau : Delphine De Baere. Aide à l’écriture : Marie Alié et Nourredine Ezzaraf. Scénographie : Justine Bougerol, Silvio Palomo. Lumière : Laurie Fouvet. Dramaturgie : Adeline Rosenstein. Assistance à la mise en scène : Clément Papachristou. Développement, production et diffusion : Habemus papam. Une coproduction des Halles de Schaerbeek, du Rideau de Bruxelles et de l’Ancre – Théâtre Royal de Charleroi, présentée au Théâtre Prospero du 26 septembre au 7 octobre 2023.