La saison automnale 2023 se clôt à l’Agora de la danse avec Peau, une pièce chorégraphique à mi-chemin de la danse et des arts visuels cocréée par Emilie Morin et Priscilla Guy, en collaboration avec Elizabeth Millar à la trame sonore. Comme l’avait fait Mains moites en début de programmation, en septembre, ce spectacle questionne les codes de la représentation en abaissant presque complètement le quatrième mur.
Quatre danseuses toutes habillées de vert se retrouvent sur un terrain de jeu fertile qu’elles contrôlent elles-mêmes. À l’entrée du public dans la salle, elles sont déjà au travail sur la scène. Chacune à tour de rôle ira à la console de son pour modifier la musique sortant des haut-parleurs à l’aide du mélangeur, décomposant un air rythmé, près de la pop (pensons à un échantillon de la version de Grace Jones de La Vie en rose, par exemple), pour le réduire à des sons plus organiques (comme le bruit du vent) ou entièrement électroniques. Une sorte de fractionnement qui mène à la singularité de chaque note plutôt qu’à l’harmonie du tout.
Sur ces curieuses mélodies, dans un premier temps, les quatre interprètes dansent, synchronisées, répétant des gestes vus souvent dans de nombreux vidéoclips (proche des chorégraphies de girls bands), puis les déconstruisant, eux aussi, en se les appropriant. Un intéressant mouvement de va-et-vient entre la formation d’un groupe et la fragmentation en duos ou en solos se met ainsi en branle, riche en détails. Un intérêt pour la fluidité et la douceur se dégage de tout cela. On peut à la fois embrasser l’ensemble, ou porter son regard sur l’une ou l’autre, chaque danseuse conservant sa spécificité dans sa présence scénique et dans ses phrases chorégraphiques. Soulignons d’ailleurs la prestance de Priscilla Guy et l’investissement complet de Claudia Chan Tak.
Musique, éléments du décor, accessoires, tout est entre les mains des interprètes. Dans ce dispositif, on voit à la fois l’expérimentation (les moyens techniques employés, leur disposition) et le résultat (les projections, leurs effets sur les quatre femmes et leurs gestes). Ces mains, ces bras, ces visages, ces corps, elles les filment avec leurs téléphones portables, de près, dans un deuxième temps. Les images ainsi récoltées sont diffusées sur l’écran accroché au mur du fond. Ces plans très rapprochés sont accompagnés des sons captés au plus près, des bruissements et des clics de toutes sortes, magnifiés par des micros posés par terre en avant-scène, au-dessus de leurs téléphones disposés avec soin l’un à côté de l’autre.
Observer et conjuguer
La technologie apparaît ici en symbiose véritable avec l’humain. Aucune notion de menace ou de surenchère ; ici, le contact avec les machines engendre un rapprochement ludique entre l’assistance, les danseuses et leur environnement, tout en légèreté. Depuis l’aire de jeu, les interprètes laissent glisser leur regard vers les spectateurs et les spectatrices, puis remontent vers l’écran. Tous et toutes, elles et nous assistons de concert à leur expérience comme si nous partagions le même espace, en toute complicité, sans aucune réelle barrière.
L’ambiance passe de la contemplation à l’amusement dans un troisième temps, le plus souvent selon un rythme lent. Les vêtements verts et des éléments du décor de la même couleur permettent de projeter des images sur les corps, ou encore derrière eux. Le découpage est parfois approximatif, il est vrai. Cela dit, le ton enjoué et distancié des quatre danseuses indique bien le point de vue à adopter : celui de l’observation plutôt que celui de la recherche de la perfection.
La caméra s’approche parfois des objets qu’elle filme au point où on ne les reconnaît plus, où ce qui compte est la texture et l’effet de la superposition. Juxtaposés les uns aux autres dans un ordre surprenant, ces objets convoquent des associations mentales nouvelles. On examine alors avec un intérêt redoublé ce à quoi on a pris l’habitude de ne pas prêter attention.
Qu’il s’agisse de visages, de tissus, de couleurs, d’images ou de sons, c’est un délicat bouquet d’éléments disparates, pourtant en équilibre les uns avec les autres, que nous offrent les cocréatrices.
Idée originale : Priscilla Guy, Emilie Morin et Elizabeth Millar. Chroégraphie : Priscilla Guy et Emilie Morin. Création sonore : Elizabeth Millar. Composition musicale et dramaturgie du son : Michel F. Côté. Scénographie : Julie Vallée-Léger. Conception lumière : Jon Cleveland. Création vidéo : Priscilla Guy. Conseil artistique : Marie Claire Forté. Direction technique et régie : Samuel Thériault. Avec Priscilla Guy, Claudia Chan Tak, Harmonie Fortin-Léveillé et Marie Claire Forté. Une coproduction de Mandoline Hybride et de l’Agora de la danse présentée à l’Espace bleu de l’Agora de la danse du 22 au 25 novembre 2023.
La saison automnale 2023 se clôt à l’Agora de la danse avec Peau, une pièce chorégraphique à mi-chemin de la danse et des arts visuels cocréée par Emilie Morin et Priscilla Guy, en collaboration avec Elizabeth Millar à la trame sonore. Comme l’avait fait Mains moites en début de programmation, en septembre, ce spectacle questionne les codes de la représentation en abaissant presque complètement le quatrième mur.
Quatre danseuses toutes habillées de vert se retrouvent sur un terrain de jeu fertile qu’elles contrôlent elles-mêmes. À l’entrée du public dans la salle, elles sont déjà au travail sur la scène. Chacune à tour de rôle ira à la console de son pour modifier la musique sortant des haut-parleurs à l’aide du mélangeur, décomposant un air rythmé, près de la pop (pensons à un échantillon de la version de Grace Jones de La Vie en rose, par exemple), pour le réduire à des sons plus organiques (comme le bruit du vent) ou entièrement électroniques. Une sorte de fractionnement qui mène à la singularité de chaque note plutôt qu’à l’harmonie du tout.
Sur ces curieuses mélodies, dans un premier temps, les quatre interprètes dansent, synchronisées, répétant des gestes vus souvent dans de nombreux vidéoclips (proche des chorégraphies de girls bands), puis les déconstruisant, eux aussi, en se les appropriant. Un intéressant mouvement de va-et-vient entre la formation d’un groupe et la fragmentation en duos ou en solos se met ainsi en branle, riche en détails. Un intérêt pour la fluidité et la douceur se dégage de tout cela. On peut à la fois embrasser l’ensemble, ou porter son regard sur l’une ou l’autre, chaque danseuse conservant sa spécificité dans sa présence scénique et dans ses phrases chorégraphiques. Soulignons d’ailleurs la prestance de Priscilla Guy et l’investissement complet de Claudia Chan Tak.
Musique, éléments du décor, accessoires, tout est entre les mains des interprètes. Dans ce dispositif, on voit à la fois l’expérimentation (les moyens techniques employés, leur disposition) et le résultat (les projections, leurs effets sur les quatre femmes et leurs gestes). Ces mains, ces bras, ces visages, ces corps, elles les filment avec leurs téléphones portables, de près, dans un deuxième temps. Les images ainsi récoltées sont diffusées sur l’écran accroché au mur du fond. Ces plans très rapprochés sont accompagnés des sons captés au plus près, des bruissements et des clics de toutes sortes, magnifiés par des micros posés par terre en avant-scène, au-dessus de leurs téléphones disposés avec soin l’un à côté de l’autre.
Observer et conjuguer
La technologie apparaît ici en symbiose véritable avec l’humain. Aucune notion de menace ou de surenchère ; ici, le contact avec les machines engendre un rapprochement ludique entre l’assistance, les danseuses et leur environnement, tout en légèreté. Depuis l’aire de jeu, les interprètes laissent glisser leur regard vers les spectateurs et les spectatrices, puis remontent vers l’écran. Tous et toutes, elles et nous assistons de concert à leur expérience comme si nous partagions le même espace, en toute complicité, sans aucune réelle barrière.
L’ambiance passe de la contemplation à l’amusement dans un troisième temps, le plus souvent selon un rythme lent. Les vêtements verts et des éléments du décor de la même couleur permettent de projeter des images sur les corps, ou encore derrière eux. Le découpage est parfois approximatif, il est vrai. Cela dit, le ton enjoué et distancié des quatre danseuses indique bien le point de vue à adopter : celui de l’observation plutôt que celui de la recherche de la perfection.
La caméra s’approche parfois des objets qu’elle filme au point où on ne les reconnaît plus, où ce qui compte est la texture et l’effet de la superposition. Juxtaposés les uns aux autres dans un ordre surprenant, ces objets convoquent des associations mentales nouvelles. On examine alors avec un intérêt redoublé ce à quoi on a pris l’habitude de ne pas prêter attention.
Qu’il s’agisse de visages, de tissus, de couleurs, d’images ou de sons, c’est un délicat bouquet d’éléments disparates, pourtant en équilibre les uns avec les autres, que nous offrent les cocréatrices.
Peau
Idée originale : Priscilla Guy, Emilie Morin et Elizabeth Millar. Chroégraphie : Priscilla Guy et Emilie Morin. Création sonore : Elizabeth Millar. Composition musicale et dramaturgie du son : Michel F. Côté. Scénographie : Julie Vallée-Léger. Conception lumière : Jon Cleveland. Création vidéo : Priscilla Guy. Conseil artistique : Marie Claire Forté. Direction technique et régie : Samuel Thériault. Avec Priscilla Guy, Claudia Chan Tak, Harmonie Fortin-Léveillé et Marie Claire Forté. Une coproduction de Mandoline Hybride et de l’Agora de la danse présentée à l’Espace bleu de l’Agora de la danse du 22 au 25 novembre 2023.