La hantise de bien des jeunes est d’être complètement invisibles pour les autres. C’est le cas de la protagoniste de Dessiner dans les marges — stand-up poème pour fantôme temps partiel, la touchante nouvelle création de Nuages en pantalon. Au gré de ce monologue plein de rythmes et de nuances, le maelstrom de l’adolescence nous emporte, dans toute sa fureur et sa beauté.
Le texte de Carolanne Foucher est d’abord paru aux éditions La Bagnole sous le titre Dessiner dans les marges et autres activités de fantôme. L’équipe de Nuages en pantalon et le metteur en scène Olivier Normand en livrent une adaptation scénique qui emprunte au monologue humoristique et aux arts littéraires, donnant du relief et du tonus à une matière déjà riche.
Un fantôme entre dans l’espace de jeu, délimité par des bandes à lumière noire dont le rayonnement ultraviolet irradie les quelques accessoires : une chaise d’école en plastique orange, un casier en métal couché sur le côté, un micro au long fil jaune. Il lance un « boooouuu » en guise de test de son (petit rire dans l’assistance), puis s’installe à la batterie, pour démarrer l’entraînante trame sonore composée par Josué Beaucage. Dès le premier coup de baguette, le drap s’envole vers le plafond et révèle la musicienne Mélissa Labbé, partenaire de jeu muette, mais indispensable de Myriam Lenfesty, qui incarne l’adolescente qui livre le récit de sa 3e secondaire.
Celle-ci se sent un peu à l’étroit entre une grande sœur qui prépare ses auditions pour le cégep (en batterie, vous l’aurez deviné) et un petit frère sociable qui se passionne pour les constructions en bâtonnets de bois. Abonnée aux « B » sur ses bulletins, malaxée par les cycles du calendrier scolaire, elle attend avec impatience les jours 3, où elle peut côtoyer « Quelqu’un », dont l’odeur suffit à faire grimper son rythme cardiaque.
Rien de nouveau dans le propos : ses parents l’irritent avec leurs blagues plates, les cours de maths l’assomment, se comparer avec les autres lui met de la pression, elle a l’impression de ne pas habiter ou de « trop » habiter son corps qui change et l’idée de nouer sa langue à celle d’un autre humain occupe de plus en plus souvent ses pensées. Pas de grands drames, de catastrophes, de tragédies, juste la vie, ponctuée par des montagnes russes d’émotions, au sein d’une famille aimante et d’une première relation amoureuse saine et touchante de simplicité.
Tout l’intérêt de la pièce repose dans la prose, brillante et sensible, et dans la manière dynamique et juste de la livrer. Tantôt au micro, tantôt en projetant sa voix vive et grave pour des répliques en aparté, tantôt enregistrée sur un téléphone, Myriam Lenfesty raconte avec talent, livre des poèmes, nous entraîne dans son sillon. Elle est excellente pour porter l’autodérision, les humeurs et les réflexions foisonnantes du personnage, qui nous touche par sa volonté de bien faire, l’acuité du regard qu’elle pose sur le monde et son envie de mordre dans la vie (et les melons d’eau) à belles dents.
L’économie des costumes et des accessoires de Claudia Gendreau crée un univers simple, cohérent, efficace, qui laisse la vedette aux mots, à la musique et aux éclairages soignés de Nyco Desmeules. Mélissa Labbé alterne entre les percussions et le thérémine, cet instrument un peu magique aux sonorités cosmiques, qui enveloppe des scènes plus douces.
Celles-ci s’étirent parfois un peu trop, c’est l’unique et minuscule reproche qu’on pourrait faire à la mise en scène autrement resserrée et intelligente d’Olivier Normand. Les élans toniques, les segments dansants, d’autres plus performatifs, les images fortes créées avec presque rien : tout est là pour maintenir l’attention et les sens en éveil.
On ressort de la salle charmé·e, avec l’envie d’aller se procurer le livre de Carolanne Foucher, pour prolonger l’expérience.
Texte : Carolanne Foucher. Mise en scène : Olivier Normand. Conception de l’espace scénique, des costumes et des accessoires : Claudia Gendreau. Musique originale : Josué Beaucage. Conception des éclairages : Nyco Desmeules. Avec Myriam Lenfesty et Mélissa Labbé. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création présentée au Théâtre jeunesse Les Gros Becs jusqu’au 27 novembre 2023, à la Maison Théâtre du 4 au 9 décembre, au Théâtre Gilles-Vigneault les 12 et 13 mars 2024 et à la Maison des arts de Laval le 26 avril.
La hantise de bien des jeunes est d’être complètement invisibles pour les autres. C’est le cas de la protagoniste de Dessiner dans les marges — stand-up poème pour fantôme temps partiel, la touchante nouvelle création de Nuages en pantalon. Au gré de ce monologue plein de rythmes et de nuances, le maelstrom de l’adolescence nous emporte, dans toute sa fureur et sa beauté.
Le texte de Carolanne Foucher est d’abord paru aux éditions La Bagnole sous le titre Dessiner dans les marges et autres activités de fantôme. L’équipe de Nuages en pantalon et le metteur en scène Olivier Normand en livrent une adaptation scénique qui emprunte au monologue humoristique et aux arts littéraires, donnant du relief et du tonus à une matière déjà riche.
Un fantôme entre dans l’espace de jeu, délimité par des bandes à lumière noire dont le rayonnement ultraviolet irradie les quelques accessoires : une chaise d’école en plastique orange, un casier en métal couché sur le côté, un micro au long fil jaune. Il lance un « boooouuu » en guise de test de son (petit rire dans l’assistance), puis s’installe à la batterie, pour démarrer l’entraînante trame sonore composée par Josué Beaucage. Dès le premier coup de baguette, le drap s’envole vers le plafond et révèle la musicienne Mélissa Labbé, partenaire de jeu muette, mais indispensable de Myriam Lenfesty, qui incarne l’adolescente qui livre le récit de sa 3e secondaire.
Celle-ci se sent un peu à l’étroit entre une grande sœur qui prépare ses auditions pour le cégep (en batterie, vous l’aurez deviné) et un petit frère sociable qui se passionne pour les constructions en bâtonnets de bois. Abonnée aux « B » sur ses bulletins, malaxée par les cycles du calendrier scolaire, elle attend avec impatience les jours 3, où elle peut côtoyer « Quelqu’un », dont l’odeur suffit à faire grimper son rythme cardiaque.
Rien de nouveau dans le propos : ses parents l’irritent avec leurs blagues plates, les cours de maths l’assomment, se comparer avec les autres lui met de la pression, elle a l’impression de ne pas habiter ou de « trop » habiter son corps qui change et l’idée de nouer sa langue à celle d’un autre humain occupe de plus en plus souvent ses pensées. Pas de grands drames, de catastrophes, de tragédies, juste la vie, ponctuée par des montagnes russes d’émotions, au sein d’une famille aimante et d’une première relation amoureuse saine et touchante de simplicité.
Tout l’intérêt de la pièce repose dans la prose, brillante et sensible, et dans la manière dynamique et juste de la livrer. Tantôt au micro, tantôt en projetant sa voix vive et grave pour des répliques en aparté, tantôt enregistrée sur un téléphone, Myriam Lenfesty raconte avec talent, livre des poèmes, nous entraîne dans son sillon. Elle est excellente pour porter l’autodérision, les humeurs et les réflexions foisonnantes du personnage, qui nous touche par sa volonté de bien faire, l’acuité du regard qu’elle pose sur le monde et son envie de mordre dans la vie (et les melons d’eau) à belles dents.
L’économie des costumes et des accessoires de Claudia Gendreau crée un univers simple, cohérent, efficace, qui laisse la vedette aux mots, à la musique et aux éclairages soignés de Nyco Desmeules. Mélissa Labbé alterne entre les percussions et le thérémine, cet instrument un peu magique aux sonorités cosmiques, qui enveloppe des scènes plus douces.
Celles-ci s’étirent parfois un peu trop, c’est l’unique et minuscule reproche qu’on pourrait faire à la mise en scène autrement resserrée et intelligente d’Olivier Normand. Les élans toniques, les segments dansants, d’autres plus performatifs, les images fortes créées avec presque rien : tout est là pour maintenir l’attention et les sens en éveil.
On ressort de la salle charmé·e, avec l’envie d’aller se procurer le livre de Carolanne Foucher, pour prolonger l’expérience.
Dessiner dans les marges – stand-up poème pour fantôme temps partiel
Texte : Carolanne Foucher. Mise en scène : Olivier Normand. Conception de l’espace scénique, des costumes et des accessoires : Claudia Gendreau. Musique originale : Josué Beaucage. Conception des éclairages : Nyco Desmeules. Avec Myriam Lenfesty et Mélissa Labbé. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création présentée au Théâtre jeunesse Les Gros Becs jusqu’au 27 novembre 2023, à la Maison Théâtre du 4 au 9 décembre, au Théâtre Gilles-Vigneault les 12 et 13 mars 2024 et à la Maison des arts de Laval le 26 avril.