Sylvie Lessard, qui quittera son poste cette année, a établi une programmation à la fois audacieuse et engagée pour la 24e édition de la Rencontre Théâtre Ados. Elle estime quitter avec le sentiment du devoir accompli dans un secteur en pleine effervescence.
JEU a publié un dossier sur la méditation théâtrale dans son numéro 189. Diriez-vous qu’il est plus ou moins facile d’en faire en cette ère postpandémique ?
Oui, très facile pour nous… et même plus facile qu’avant. Je trouve effectivement que la médiation culturelle postpandémique apporte un élément qui est vraiment essentiel pour le public adolescent, c’est-à-dire une rencontre avec un artiste impliqué dans un projet artistique stimulant. Pour les enseignants, ils adorent recevoir nos artistes dans leurs classes.
Votre festival aura bientôt 30 ans. Vous, qui connaissez bien le théâtre pour ados, quelle est votre opinion de l’état général actuel de ce genre particulier ?
Le théâtre-ados est en augmentation, en ébullition même, du point de vue de la RTA grâce à son nouveau réseau Parcours Cré’Ados, qui a pour mission d’accompagner plusieurs compagnies et diffuseurs avec des projets en résidence d’artistes ou en chantier de création. On a un nombre record de compagnies de la relève et aussi des compagnies tout public qui testent leur spectacle avec le public ados dont, entre autres, Merci d’être venus, présenté au Festival 2024. Rappelons-nous qu’en 1996, aux débuts de la RTA, il n’y avait que trois compagnies au Québec qui se dédiait au public adolescent : le théâtre Bluff, le théâtre le Clou et le théâtre Petit à Petit devenu PàP. Aujourd’hui, la RTA a un répertoire de 33 compagnies et projets pour le public ados. Je suis donc convaincue que la RTA a fait son petit bout de chemin dans les dernières années pour accompagner les projets, les artistes et pour développer l’intérêt de ce genre chez nos artistes. À chaque saison, le comité de programmation du festival analyse environ 50 projets.
Plastique © Vanessa Fortin
Parlez-nous un peu des pièces de cette année. De l’extérieur, on peut parler encore une fois d’artistes important·es qui participent au festival ?
On peut assurément parler d’artistes audacieux et audacieuses. Les formes sont très différentes et originales pour le festival 2024, je pense à Batailles de Dynamo Théâtre, un théâtre de mouvement acrobatique; Merci d’être venus, un projet dédié au public adulte ayant le thème du suicide et porté par un seul acteur, est un sujet très sensible. Le spectacle On/Off qui est une chorégraphie de Jacques Poulin-Denis, sa première visite au Festival RTA, se voudra une représentation très forte et très physique de danseurs qui performent sur un tapis roulant pendant près d’une heure. Plastique d’une compagnie de la relève, Le Portage, est une fable écologique portée par la tradition du jeu masqué. One life est aussi un projet d’une compagnie de la relève lavalloise. À l’aide d’un jeu vidéo, les créateurs interrogent les limites du réel et du virtuel, le mortel et l’immortel. Tout aussi original et audacieux, le projet du Théâtre Bluff, Rose est un spectacle qui brosse un tableau juste et nécessaire de la souffrance psychologique quand on est ados. Le stand up comique de la compagnie Nuages en pantalon, Dessiner dans les marges, montre une ado-fantôme qui se faufile dans sa vie ordinaire jusqu’à ce qu’on vienne la chambouler. Et Tsunami de la compagnie acadienne L’Escaouette est un raz de marée d’émotions à l’image de la période de l’adolescence.
One life © Sandrick Mathurin
La santé mentale semble au cœur des textes. En effet, on a pu voir durant les dernières années une détresse émerger chez les ados. S’agit-il aussi d’un effet de la pandémie ou d’un phénomène plus large ?
Les textes que nous avons reçus pour le festival 2024 ont été écrits durant la pandémie, donc on peut imaginer que les auteurs et les autrices ont pris le temps d’écrire ces textes très sensibles avec plus de recul et moins dans l’urgence. Mais pour les jeunes ados, la pandémie a eu un effet direct sur leur santé mentale, les artistes-médiateurs de la RTA constatent qu’ils ont le goût de se faire parler de santé mentale en ce moment, mais par d’autres personnes que le psy de l’école. Les rencontres préparatoires aux spectacles que nous offrons ont un effet libérateur et provoquent des discussions souvent très personnelles.
C’est un peu le temps des bilans pour vous. Que concluez-vous après toutes ces années à la RTA ?
Merci de me poser la question concernant mon bilan, votre intérêt me touche beaucoup.
Ce que je peux conclure après ces 30 années c’est l’accomplissement de la mission de la Rencontre Théâtre Ados qui est de développer l’intérêt du théâtre de création chez le public adolescent, le plus beau et le meilleur public, un public franc, honnête et qui réagit durant les spectacles, un public qui mérite qu’on leur parle à la hauteur de leur intelligence et de leur sensibilité, un public qui aime se faire confronter à de nouvelles idées, à de nouvelles façons de voir la création artistique. Je suis très fière que la RTA ait su créer un intérêt chez nos artistes et nos artisans pour ce public, ce public souvent mal-aimé qu’on ne prend pas sérieux, qui peut parfois faire peur. Je suis aussi très heureuse d’avoir créé un nouveau réseau Le Parcours Cré’Ados, qui apporte du soutien et des outils aux diffuseurs et aux milieux scolaires de partout au Québec. Ce réseau est là pour soutenir la programmation de spectacles pour le public adolescent et pour apporter un volet de médiation culturelle dans les écoles secondaires de partout au Québec. La Rencontre Théâtre Ados c’est aussi une grande ligue d’improvisation, la LIRTA qui a 22 ans et qui rejoint 31 écoles secondaires, 60 équipes et plus de 300 joueurs qui se rencontrent chaque semaine. Nous organisons plus de 300 matchs par année. Je suis très fière que la LNI se soit associée à la LIRTA en offrant le Prix Sophie Caron depuis 3 ans. Mon départ de la direction est souhaité et réjouissant pour moi. Il a été longuement réfléchi. J’ai le grand sentiment d’avoir bien fait et d’avoir contribué à notre communauté artistique et culturelle. Je souhaite la meilleure chance pour la suite à ce bel organisme lavallois. Je serai toujours quelqu’un de passionné par la jeunesse, passionné par les adolescents et, surtout, je supporterai toujours le fait que les activités artistiques et culturelles sont essentielles pour le développement des jeunes et pour forger une identité culturelle québécoise forte.
La Rencontre Théâtre Ados a lieu du 14 au 27 avril 2024 à la Maison des arts de Laval.
Rose © David Ospina
Sylvie Lessard, qui quittera son poste cette année, a établi une programmation à la fois audacieuse et engagée pour la 24e édition de la Rencontre Théâtre Ados. Elle estime quitter avec le sentiment du devoir accompli dans un secteur en pleine effervescence.
JEU a publié un dossier sur la méditation théâtrale dans son numéro 189. Diriez-vous qu’il est plus ou moins facile d’en faire en cette ère postpandémique ?
Oui, très facile pour nous… et même plus facile qu’avant. Je trouve effectivement que la médiation culturelle postpandémique apporte un élément qui est vraiment essentiel pour le public adolescent, c’est-à-dire une rencontre avec un artiste impliqué dans un projet artistique stimulant. Pour les enseignants, ils adorent recevoir nos artistes dans leurs classes.
Votre festival aura bientôt 30 ans. Vous, qui connaissez bien le théâtre pour ados, quelle est votre opinion de l’état général actuel de ce genre particulier ?
Le théâtre-ados est en augmentation, en ébullition même, du point de vue de la RTA grâce à son nouveau réseau Parcours Cré’Ados, qui a pour mission d’accompagner plusieurs compagnies et diffuseurs avec des projets en résidence d’artistes ou en chantier de création. On a un nombre record de compagnies de la relève et aussi des compagnies tout public qui testent leur spectacle avec le public ados dont, entre autres, Merci d’être venus, présenté au Festival 2024. Rappelons-nous qu’en 1996, aux débuts de la RTA, il n’y avait que trois compagnies au Québec qui se dédiait au public adolescent : le théâtre Bluff, le théâtre le Clou et le théâtre Petit à Petit devenu PàP. Aujourd’hui, la RTA a un répertoire de 33 compagnies et projets pour le public ados. Je suis donc convaincue que la RTA a fait son petit bout de chemin dans les dernières années pour accompagner les projets, les artistes et pour développer l’intérêt de ce genre chez nos artistes. À chaque saison, le comité de programmation du festival analyse environ 50 projets.
Plastique © Vanessa Fortin
Parlez-nous un peu des pièces de cette année. De l’extérieur, on peut parler encore une fois d’artistes important·es qui participent au festival ?
On peut assurément parler d’artistes audacieux et audacieuses. Les formes sont très différentes et originales pour le festival 2024, je pense à Batailles de Dynamo Théâtre, un théâtre de mouvement acrobatique; Merci d’être venus, un projet dédié au public adulte ayant le thème du suicide et porté par un seul acteur, est un sujet très sensible. Le spectacle On/Off qui est une chorégraphie de Jacques Poulin-Denis, sa première visite au Festival RTA, se voudra une représentation très forte et très physique de danseurs qui performent sur un tapis roulant pendant près d’une heure. Plastique d’une compagnie de la relève, Le Portage, est une fable écologique portée par la tradition du jeu masqué. One life est aussi un projet d’une compagnie de la relève lavalloise. À l’aide d’un jeu vidéo, les créateurs interrogent les limites du réel et du virtuel, le mortel et l’immortel. Tout aussi original et audacieux, le projet du Théâtre Bluff, Rose est un spectacle qui brosse un tableau juste et nécessaire de la souffrance psychologique quand on est ados. Le stand up comique de la compagnie Nuages en pantalon, Dessiner dans les marges, montre une ado-fantôme qui se faufile dans sa vie ordinaire jusqu’à ce qu’on vienne la chambouler. Et Tsunami de la compagnie acadienne L’Escaouette est un raz de marée d’émotions à l’image de la période de l’adolescence.
One life © Sandrick Mathurin
La santé mentale semble au cœur des textes. En effet, on a pu voir durant les dernières années une détresse émerger chez les ados. S’agit-il aussi d’un effet de la pandémie ou d’un phénomène plus large ?
Les textes que nous avons reçus pour le festival 2024 ont été écrits durant la pandémie, donc on peut imaginer que les auteurs et les autrices ont pris le temps d’écrire ces textes très sensibles avec plus de recul et moins dans l’urgence. Mais pour les jeunes ados, la pandémie a eu un effet direct sur leur santé mentale, les artistes-médiateurs de la RTA constatent qu’ils ont le goût de se faire parler de santé mentale en ce moment, mais par d’autres personnes que le psy de l’école. Les rencontres préparatoires aux spectacles que nous offrons ont un effet libérateur et provoquent des discussions souvent très personnelles.
C’est un peu le temps des bilans pour vous. Que concluez-vous après toutes ces années à la RTA ?
Merci de me poser la question concernant mon bilan, votre intérêt me touche beaucoup.
Ce que je peux conclure après ces 30 années c’est l’accomplissement de la mission de la Rencontre Théâtre Ados qui est de développer l’intérêt du théâtre de création chez le public adolescent, le plus beau et le meilleur public, un public franc, honnête et qui réagit durant les spectacles, un public qui mérite qu’on leur parle à la hauteur de leur intelligence et de leur sensibilité, un public qui aime se faire confronter à de nouvelles idées, à de nouvelles façons de voir la création artistique. Je suis très fière que la RTA ait su créer un intérêt chez nos artistes et nos artisans pour ce public, ce public souvent mal-aimé qu’on ne prend pas sérieux, qui peut parfois faire peur. Je suis aussi très heureuse d’avoir créé un nouveau réseau Le Parcours Cré’Ados, qui apporte du soutien et des outils aux diffuseurs et aux milieux scolaires de partout au Québec. Ce réseau est là pour soutenir la programmation de spectacles pour le public adolescent et pour apporter un volet de médiation culturelle dans les écoles secondaires de partout au Québec. La Rencontre Théâtre Ados c’est aussi une grande ligue d’improvisation, la LIRTA qui a 22 ans et qui rejoint 31 écoles secondaires, 60 équipes et plus de 300 joueurs qui se rencontrent chaque semaine. Nous organisons plus de 300 matchs par année. Je suis très fière que la LNI se soit associée à la LIRTA en offrant le Prix Sophie Caron depuis 3 ans. Mon départ de la direction est souhaité et réjouissant pour moi. Il a été longuement réfléchi. J’ai le grand sentiment d’avoir bien fait et d’avoir contribué à notre communauté artistique et culturelle. Je souhaite la meilleure chance pour la suite à ce bel organisme lavallois. Je serai toujours quelqu’un de passionné par la jeunesse, passionné par les adolescents et, surtout, je supporterai toujours le fait que les activités artistiques et culturelles sont essentielles pour le développement des jeunes et pour forger une identité culturelle québécoise forte.
La Rencontre Théâtre Ados a lieu du 14 au 27 avril 2024 à la Maison des arts de Laval.
Rose © David Ospina