Le temps d’un spectacle, la journaliste culturelle Émilie Perreault revêt des habits d’interprète pour partager sa soif de culture et de théâtre. Son solo La suspension consentie de l’incrédulité s’inspire de deux essais qu’elle a publiés : Faire œuvre utile et Service essentiel : comment prendre soin de sa santé culturelle. Pour elle, l’art est un credo, voire un mode de vie.
On ne vous apprendra rien en disant que des collègues risquent de vous attendre avec une brique et un fanal en voyant l’une des leurs s’aventurer sur scène. Pourquoi donc ?
Excellente question ! Je me la pose depuis 2 ans et demi. Tout ce spectacle tourne d’ailleurs autour de ce thème : une spectatrice monte sur scène pour dire à quel point elle préfère ne pas y être. Caroline Parent du festival Fous de théâtre à l’Assomption m’a lancé le défi d’écrire un projet théâtral à partir de mon essai Service essentiel à l’automne 2021. J’ai eu envie d’aller voir si ça se pouvait. Me voilà maintenant à me préparer à monter sur les planches des 5 à 7 chez Duceppe. Tout s’est enchaîné d’une façon organique, je crois que cette parole devait prendre vie. Quant aux attentes des gens, j’ose espérer que mon absence d’expérience scénique les réduira de beaucoup ! Sans blague, je suis tout à fait consciente de mon privilège d’avoir accès à cette tribune convoitée par plusieurs compagnies théâtrales et je compte l’honorer avec rigueur.
On comprend qu’il s’agit de défendre une cause noble qui est celle de l’importance de la culture et des arts dans votre vie ?
C’est ce que je fais depuis la parution de mon livre Faire œuvre utile, mais ce spectacle est plus particulièrement un hommage à l’art vivant et une célébration du rôle de spectateur. On ne parle jamais des spectateurs, et pourtant, sans eux, le spectacle n’existe pas. Ce que je questionne et célèbre, c’est ce geste de sortir de chez soi, de prendre une pause de nos vies qui sont si occupées pour aller s’asseoir dans une salle et se faire raconter une histoire, souvent fictive, mais à laquelle on accepte de croire. C’est La suspension consentie de l’incrédulité. Pour moi, c’est un besoin essentiel, croire. Aller au théâtre, c’est une façon d’entretenir notre humanité. Et en ces temps économiques difficiles où les salles éprouvent plus de difficultés à se remplir, on constate à quel point la présence des spectateurs est cruciale.
Vous êtes entourée de Charles Dauphinais à la mise en scène et de Jean-Philippe Lehoux au conseil dramaturgique, c’était important d’avoir de tels complices dans cette aventure ?
La première personne que j’ai contactée après avoir dit oui avec insouciance à ce beau projet, c’est Jean-Philippe Lehoux. Comme dramaturge et comédien, j’avais beaucoup aimé ses pièces, Napoléon voyage et Normal. On est allé prendre un café et après une demi-heure à lui faire un pitch brouillon de toutes mes idées il m’a dit : « Tu as un show, écris-le. » Cette toute petite phrase affirmative a un effet incroyable. Il m’a validé et a balayé mon sentiment d’imposteur. Je me suis mise au travail et il a joué le rôle de conseiller dramaturgique pendant l’écriture. Quand j’ai eu la proposition de Duceppe, c’est lui qui m’a présenté Charles Dauphinais. J’aime que Charles soit polyvalent, il travaille autant en théâtre qu’en humour et avec l’Orchestre symphonique. J’avais envie d’un metteur en scène qui est ouvert à plusieurs formes d’art sans élitisme.
Quelle est la forme qui a été privilégiée ? Ce n’est pas vraiment une conférence ?
Autre excellente question ! On a encore de la difficulté à mettre un mot sur la forme de ce projet. Je crois que ce qui résume le mieux, c’est le défi qu’on m’a lancé au départ, traduire la forme de l’essai au théâtre. Ce n’est pas une conférence, c’est un solo écrit et mis en scène qui doit être vécu dans le contexte d’une salle de théâtre.
Il y a eu un débat sur les réseaux sociaux récemment, initié par Mani Soleymanlou qui s’interrogeait sur le travail des critiques de théâtre. Comment voyez-vous l’exercice de la critique de nos jours ?
Je n’aborde pas ce sujet de façon frontale, mais c’est sûr que ça m’interpelle. Mon désir d’être journaliste culturelle part d’un amour sincère et profond pour les arts, un amour aussi réel que celui des artistes pour la création. Je déteste cette idée que les critiques sont des artistes frustrés, condamnés à détruire le travail des autres. Ceci dit, pour avoir fait l’exercice de la critique dans le cadre de l’émission de Paul Arcand de 2012 à 2018, j’ai toujours eu cette devise : le bon spectacle pour la bonne personne. Quand je me retrouvais face à un spectacle qui ne me plaisait pas, je me faisais un devoir d’expliquer pourquoi et de constater la réaction des gens autour de moi, si elle était plus enthousiaste que la mienne. Je pense que le travail de critique demande de l’humilité. Est-ce que moi, en deux heures, je peux vraiment avoir tout compris là où une équipe a travaillé sur un projet pendant plusieurs mois ? Dans une critique, on doit sentir la rigueur, à la hauteur du travail qui a été livré. Je suis prête à faire face à l’exercice !
La suspension consentie de l’incrédulité est présentée du 16 avril au 8 mai 2024 dans les coulisses du Théâtre Jean-Duceppe.
Le temps d’un spectacle, la journaliste culturelle Émilie Perreault revêt des habits d’interprète pour partager sa soif de culture et de théâtre. Son solo La suspension consentie de l’incrédulité s’inspire de deux essais qu’elle a publiés : Faire œuvre utile et Service essentiel : comment prendre soin de sa santé culturelle. Pour elle, l’art est un credo, voire un mode de vie.
On ne vous apprendra rien en disant que des collègues risquent de vous attendre avec une brique et un fanal en voyant l’une des leurs s’aventurer sur scène. Pourquoi donc ?
Excellente question ! Je me la pose depuis 2 ans et demi. Tout ce spectacle tourne d’ailleurs autour de ce thème : une spectatrice monte sur scène pour dire à quel point elle préfère ne pas y être. Caroline Parent du festival Fous de théâtre à l’Assomption m’a lancé le défi d’écrire un projet théâtral à partir de mon essai Service essentiel à l’automne 2021. J’ai eu envie d’aller voir si ça se pouvait. Me voilà maintenant à me préparer à monter sur les planches des 5 à 7 chez Duceppe. Tout s’est enchaîné d’une façon organique, je crois que cette parole devait prendre vie. Quant aux attentes des gens, j’ose espérer que mon absence d’expérience scénique les réduira de beaucoup ! Sans blague, je suis tout à fait consciente de mon privilège d’avoir accès à cette tribune convoitée par plusieurs compagnies théâtrales et je compte l’honorer avec rigueur.
On comprend qu’il s’agit de défendre une cause noble qui est celle de l’importance de la culture et des arts dans votre vie ?
C’est ce que je fais depuis la parution de mon livre Faire œuvre utile, mais ce spectacle est plus particulièrement un hommage à l’art vivant et une célébration du rôle de spectateur. On ne parle jamais des spectateurs, et pourtant, sans eux, le spectacle n’existe pas. Ce que je questionne et célèbre, c’est ce geste de sortir de chez soi, de prendre une pause de nos vies qui sont si occupées pour aller s’asseoir dans une salle et se faire raconter une histoire, souvent fictive, mais à laquelle on accepte de croire. C’est La suspension consentie de l’incrédulité. Pour moi, c’est un besoin essentiel, croire. Aller au théâtre, c’est une façon d’entretenir notre humanité. Et en ces temps économiques difficiles où les salles éprouvent plus de difficultés à se remplir, on constate à quel point la présence des spectateurs est cruciale.
Vous êtes entourée de Charles Dauphinais à la mise en scène et de Jean-Philippe Lehoux au conseil dramaturgique, c’était important d’avoir de tels complices dans cette aventure ?
La première personne que j’ai contactée après avoir dit oui avec insouciance à ce beau projet, c’est Jean-Philippe Lehoux. Comme dramaturge et comédien, j’avais beaucoup aimé ses pièces, Napoléon voyage et Normal. On est allé prendre un café et après une demi-heure à lui faire un pitch brouillon de toutes mes idées il m’a dit : « Tu as un show, écris-le. » Cette toute petite phrase affirmative a un effet incroyable. Il m’a validé et a balayé mon sentiment d’imposteur. Je me suis mise au travail et il a joué le rôle de conseiller dramaturgique pendant l’écriture. Quand j’ai eu la proposition de Duceppe, c’est lui qui m’a présenté Charles Dauphinais. J’aime que Charles soit polyvalent, il travaille autant en théâtre qu’en humour et avec l’Orchestre symphonique. J’avais envie d’un metteur en scène qui est ouvert à plusieurs formes d’art sans élitisme.
Quelle est la forme qui a été privilégiée ? Ce n’est pas vraiment une conférence ?
Autre excellente question ! On a encore de la difficulté à mettre un mot sur la forme de ce projet. Je crois que ce qui résume le mieux, c’est le défi qu’on m’a lancé au départ, traduire la forme de l’essai au théâtre. Ce n’est pas une conférence, c’est un solo écrit et mis en scène qui doit être vécu dans le contexte d’une salle de théâtre.
Il y a eu un débat sur les réseaux sociaux récemment, initié par Mani Soleymanlou qui s’interrogeait sur le travail des critiques de théâtre. Comment voyez-vous l’exercice de la critique de nos jours ?
Je n’aborde pas ce sujet de façon frontale, mais c’est sûr que ça m’interpelle. Mon désir d’être journaliste culturelle part d’un amour sincère et profond pour les arts, un amour aussi réel que celui des artistes pour la création. Je déteste cette idée que les critiques sont des artistes frustrés, condamnés à détruire le travail des autres. Ceci dit, pour avoir fait l’exercice de la critique dans le cadre de l’émission de Paul Arcand de 2012 à 2018, j’ai toujours eu cette devise : le bon spectacle pour la bonne personne. Quand je me retrouvais face à un spectacle qui ne me plaisait pas, je me faisais un devoir d’expliquer pourquoi et de constater la réaction des gens autour de moi, si elle était plus enthousiaste que la mienne. Je pense que le travail de critique demande de l’humilité. Est-ce que moi, en deux heures, je peux vraiment avoir tout compris là où une équipe a travaillé sur un projet pendant plusieurs mois ? Dans une critique, on doit sentir la rigueur, à la hauteur du travail qui a été livré. Je suis prête à faire face à l’exercice !
La suspension consentie de l’incrédulité est présentée du 16 avril au 8 mai 2024 dans les coulisses du Théâtre Jean-Duceppe.