Le 7e Festival des clowns de Montréal aura lieu du 25 au 28 avril au Gesù et dans le Quartier des spectacles. Des artistes de partout en Amérique du Nord présenteront des spectacles débordant largement le spectre de l’art clownesque traditionnel.
Comme d’autres disciplines circassiennes, l’art clownesque a beaucoup évolué au cours des années. Comment décrieriez-vous la créativité des clowns d’aujourd’hui ?
Nous constatons une plus grande diversité de cultures, de formes, de corps et de voix en art clownesque. La créativité des clowns peut être appréciée dans les marges, les parcs, la rue, les villages, les hôpitaux, les festivals, sur scène, dans le travail du clown social et même en zones de guerre. L’émergence de festivals a mis la lumière sur les femmes, notamment en Finlande, au Portugal, au Brésil ainsi qu’ailleurs dans le monde, et de petits événements continuent de se créer. Le circuit des festivals Fringe est un autre endroit où les clowns testent leur nouveau matériel et expérimentent avec la forme. Qu’est-ce que l’art clownesque ? Honnêtement, c’est difficile de faire rentrer le clown dans une boîte… à surprises ! L’éventail est large en raison de leur popularité et du fait qu’ils et elles peuvent donner dans la subversion, la politique, ainsi qu’être des outils de changement social. Pendant que les clowns à l’ancienne et les « maîtres » se retirent, une nouvelle génération les remplace. Il y a plusieurs groupes sur Facebook, les universitaires les étudient et le théâtre physique et les clowns professionnels repoussent constamment leurs limites aidés en cela par la bouffonnerie et la contre-culture. À Montréal seulement, il y a des écoles de clowns et des ateliers qui se donnent régulièrement, il y a un cabaret mensuel au café Cléopâtre, et des soirées d’improvisation clownesque qui deviennent populaires auprès d’un public friand de comédie. L’art clownesque a la capacité de transformer les choses, voire d’être une source de militantisme. En constatant l’état du monde, ce n’est pas surprenant qu’il y ait une telle effervescence.
Les temps sont durs pour les arts de la scène. Comment est-ce que votre organisation s’en tire ?
Les artistes dans notre secteur doivent encore faire face à des compressions. Ce n’est pas nouveau. Les artistes sont malheureusement habitués à être mis de côté, mais il y a toujours un retour du pendule dépendamment des gouvernements et de leurs priorités. Ce qui est nouveau c’est que la pandémie a mis à l’avant-plan la créativité des artistes pour nous aider à passer au travers. Nous avons cru à une sorte de légitimité puisqu’on sentait le public derrière nous ! Pourtant, cela a été difficile aussi pour les artistes, même si nous avons exploré de nouvelles avenues, de nouvelles formes qui changeaient nos façons de penser et de voir le monde dans le but de l’améliorer. C’est triste de constater qu’on a pu, à la fois, reconnaître l’apport des artistes et des travailleurs et travailleuses culturelles à la société tout en démontrant que le système est brisé. Nous avons des artistes et des organismes ayant droit à des subventions, mais travaillant avec un salaire qui les placent sous le seul de la pauvreté ou avec l’obligation de faire du bénévolat. Avec les compressions actuelles, on peut voir que le futur sera ennuyant, moins coloré et agréable. Ça ne veut pas dire que les organismes et les compagnies vont disparaître, mais pour survivre il faut se regrouper afin de créer les outils et le discours adéquats pour nous permettre de planifier nos prochaines actions. Le regroupement de cirque En piste, le REFRAIN (Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants) les forums et les conférences des directeurs de festivals internationaux m’ont inspirée pour préparer le festival à cause des compressions budgétaires qui s’ajoutent les unes aux autres. Tout en m’inspirant de la bible des clowns qui précise de « prendre un risque », j’ai dû me montrer réaliste et penser en termes de « self care, de vision et d’opportunités ». Qu’est-ce que je peux faire ? Quelles décisions radicales dois-je prendre pour assurer à l’événement une croissance raisonnable et durable ? Je souhaite que ce festival se poursuive alors comment puis-je m’en assurer ? Quels sont les objectifs des prochaines éditions et de quelles façons changent-ils constamment ? Il y a beaucoup à faire et cela peut devenir rapidement renversant. Je ne pourrais jamais être assez reconnaissante pour le soutien offert par les amis et la communauté. La TOHU et le Quartier des spectacles nous ont encouragés en devenant des partenaires. Notre diffuseur, Le Gesù, également. L’apport de La Compagnie des autres, une troupe spécialisée en cirque, m’a fait sauver du temps. J’ai des mentors au sein de la communauté circassienne et du conseil d’administration qui me guident et me rappellent constamment que je suis la seule employée. La préparation des demandes de subventions et les solutions « innovantes » vont et viennent, mais parfois, la meilleure décision est de ne pas postuler en ce moment. J’aime le dicton, « Je me tiens sur les épaules des gens venus avant moi ». Je suis redevable aux expériences d’autres comme les anciens festivals de clowns organisés par Toxique trottoir et un autre événement dirigé par Yves Dagenais. C’est à moi de le faire maintenant et ça me surprend moi-même, parfois, de savoir que je dirige un festival, mais j’adore ça et je crois que les efforts en valent la peine. Nous y arrivons en faisant partie d’une grande communauté et en tentant de répondre à leurs besoins. Le festival réunit une trentaine d’artistes cette année en présentant une douzaine de spectacles et d’activités. En coulisses, nous sommes très peu à faire en sorte que cela puisse se produire. Les menaces du sous-financement nous forcent à trouver des solutions créatives pour permettre la croissance du festival tout en accélérant celle du public. Les artistes peuvent apprendre en voyant les spectacles de leurs collègues et en prenant part aux échanges sur ce qu’est l’art clownesque aujourd’hui. L’organisme Montreal Clowns a été fondé en 2016 par deux femmes, dont moi-même. Comme dans le cas de plusieurs petites troupes, je n’ai pas été payée au cours des premières années. C’était un travail en parallèle et même les artistes invités gagnaient peu. Nous nous partagions les recettes de guichet en comptant sur un groupe de bénévoles pour y arriver. Par souci de transparence, je dois dire que mon salaire s’approche lentement d’une rémunération professionnelle. Ce qui nous donne la force de continuer ce sont les rires et les sourires et le soutien de la communauté. Les clowns ont une âme honnête et quand ils ont entendu parler du festival, ils ont tenu à y participer : des artistes reconnus qui ont tourné avec de grandes compagnies comme le Cirque du Soleil et le Big Apple Circus, des clowns qui ont joué en Russie, à New York et en Europe devant de larges foules étaient prêts à de produire dans une petite salle du boulevard Saint-Laurent devant 50 personnes. Les clowns représentent une classe à part de performeurs et d’êtres humains, vulnérables et généreux. La mission du Festival des clowns de Montréal est de redonner à ces artistes en offrant cette discipline ancienne dans ses habits contemporains à un public qui a besoin de joie et de rires. Que de grandes organisations comme le Festival Juste pour Rire et le Cirque du soleil parlent de faillite est un signe de la précarité des festivals. Ce sont de grands événements et les organiser représente un risque qui a des effets sur la santé des responsables, leur temps et, évidemment, leurs finances. Aussi longtemps que je crois le festival nécessaire, je vais continuer. Il existe un intérêt international et je crois que les clowns et les artistes montréalais sont chanceux de pouvoir compter sur ce rassemblement. Le fait d’échanger et de débattre avec des artistes de l’extérieur du Québec bénéficie autant à la communauté artistique qu’au public qui a soif de rire et qui peut apprécier le cirque dans un contexte plus intime.
Vos cabarets font penser à ce que d’autres appellent des galas. Ce sont des événements importants dans un festival, non ?
Oui, le cabaret est un gala ! C’est une célébration, une vitrine et la possibilité e faire bonne impression. Le cabaret « gala » de cette année se nomme La grosse affaire. C’est l’occasion d’embaucher des metteurs en scène d’expérience dans le but de présenter leur vision. Krin Haglund collabore au festival depuis trois ans en appuyant mes visées pour l’événement et sa croissance tout en révisant nos demandes de subventions ! Elle est la bonne personne pour mettre en scène le cabaret « gala » et ce sera assurément une soirée inspirante. Dans un gala, comme nous sommes de clowns, nous encourageons le public à s’habiller de façon. Il y aura un photomaton et la musique de DJ Lady Oracle avant et après le spectacle. Le cabaret d’ouverture du 25 avril se nomme Nouvelles recettes. Le metteur en scène et professeur Gabe McKinney possède un style différent qu’il enseignera à une douzaine d’interprètes qui, à leur tour, présenteront quelque chose de nouveau le soir même. J’essaie d’offrir une diversité de styles aux artistes montréalais. Gabe a étudié à Dell’Arte en Californie. Il a coécrit et met en scène le spectacle du festival Fringe, Old God, qu’il présentera d’ailleurs cette année. Gabe et Alec Jones Trujillo ont fait partie du populaire spectacle Absinthe, présenté à Las Vegas.
Quels sont les autres spectacles de la programmation ?
Le Variety Show est aussi une forme de cabaret mettant en vedette Avner the Eccentric. Deux troupes québécoises qui font des spectacles jeunesse, usant beaucoup de musique et de physicalité, sont aussi au programme : Cirk’Alors avec Compagnie In Toto et L’Aubergine avec Walter Ego. Cette pièce a été créée pendant la pandémie et le reste de la programmation y fait également écho. Pour le jeune public, il est important de représenter cette étrange période de deux ans qui a bousculé leur vie afin de comprendre pourquoi il était difficile de sortir, d’être entouré de gens et rester en contact avec le monde extérieur.
De même, Inside Ethel : Outside, est un spectacle sans paroles de la Torontoise Christine Moynihan qui parle de l’isolement et des soins donnés aux personnes âgées. Ce solo s’avère très beau, poétique et unique en son genre. Christine favorise en spectacle la tradition Pochinko qui utilise le mouvement et le masque dans le processus de création. En spectacle, elle remplace le masque par un nez de clown. Nous offrons aussi des spectacles gratuits comme Double faute du duo Nacho con salsa, formé de Miguel Jalaff et de Carlos Verdin ; une performance masquée, Les Robert de LaboKracboom de Sherbrooke, et Construction Guys de Hercina Arts Collective/Trellis Arts en provenance de Toronto. Ce spectacle est parfait pour Montréal et nos cônes orange de construction. Dans Les Robert, les clowns interagissent avec le public en leur montrant leurs trésors fabriqués d’objets trouvés. C’est très québécois, drôle et ludique. Les gens qui y assisteront dans le Quartier des spectacles vont adorer.
Amrita Kaur Dhaliwal vient de Los Angeles pour livrer une performance touchante à propos des questions raciales et de violence, Driving Around, et Candy Roberts de Vancouver présente Larry, un spectacle sur l’identité de genre. Elle possède une façon bien à elle d’aborder la complexité de l’être humain. Il s’agit de deux spectacles en anglais, mais je crois que le public francophone prendra plaisir à les découvrir.
Il y a une expression en anglais, seven year itch qu’on pourrait traduire par la crise des sept ans, mais sept est aussi un chiffre chanceux. Avec sept éditions derrière le nœud papillon, comment se présente l’avenir dans la boule de cristal clownesque ?
(Rires). Disons que je me sens chanceuse d’être là, mais je sais aussi que cela a nécessité beaucoup plus que de la chance pour y arriver. Nous avons eu besoin de travailler fort et d’être résilients avec l’aide de plusieurs personnes qui m’ont appuyée ainsi que l’organisme. J’ai appris sur le tas mes rôles de gestionnaire en arts et en marketing numérique, comme directrice artistique et générale aussi. Je continue d’apprendre et de réapprendre tous les jours en réfléchissant aux besoins spécifiques de notre ville et des amoureux de culture qui y habitent. Je dois également tenir compte de mon rôle comme anglophone au sein d’une communauté francophone, et de mes fonctions de bâtisseuse d’un lieu de rassemblement pour les clowns, les artistes de cirque et tous ceux et celles qui ont besoin de rire un bon coup !
Je voudrais bien faire une blague sur le fait que nous ne sommes pas encore en faillite, mais il n’en demeure pas moins que nous sommes un jeune organisme qui doit encore faire ses marques. Davantage que de la survie des plus forts, il s’agit de la survie des plus ingénieux et nous savons que les clowns sont plutôt ingénieux ! Les gens s’aperçoivent parfois de l’existence de quelque chose quand cette chose disparaît. J’ai la conviction que, cette année, le public va découvrir, ici et maintenant, toute la richesse de ce que nous avons à offrir. J’espère que nous pourrons accroître la fréquentation grâce à des spectacles à la fois universels ou plus champ gauche. Montréal est la ville des festivals et je compte sur ma bonne étoile pour vivre une belle septième édition avant de réévaluer ce que nous avons fait et ce que nous devons faire pour s’assurer d’être encore là dans sept ans. Ce sont de petits pas dans la bonne direction qui feront la différence.
Le Festival des clowns de Montréal a lieu du 25 au 28 avril 2024.
Le 7e Festival des clowns de Montréal aura lieu du 25 au 28 avril au Gesù et dans le Quartier des spectacles. Des artistes de partout en Amérique du Nord présenteront des spectacles débordant largement le spectre de l’art clownesque traditionnel.
Comme d’autres disciplines circassiennes, l’art clownesque a beaucoup évolué au cours des années. Comment décrieriez-vous la créativité des clowns d’aujourd’hui ?
Nous constatons une plus grande diversité de cultures, de formes, de corps et de voix en art clownesque. La créativité des clowns peut être appréciée dans les marges, les parcs, la rue, les villages, les hôpitaux, les festivals, sur scène, dans le travail du clown social et même en zones de guerre. L’émergence de festivals a mis la lumière sur les femmes, notamment en Finlande, au Portugal, au Brésil ainsi qu’ailleurs dans le monde, et de petits événements continuent de se créer. Le circuit des festivals Fringe est un autre endroit où les clowns testent leur nouveau matériel et expérimentent avec la forme. Qu’est-ce que l’art clownesque ? Honnêtement, c’est difficile de faire rentrer le clown dans une boîte… à surprises ! L’éventail est large en raison de leur popularité et du fait qu’ils et elles peuvent donner dans la subversion, la politique, ainsi qu’être des outils de changement social. Pendant que les clowns à l’ancienne et les « maîtres » se retirent, une nouvelle génération les remplace. Il y a plusieurs groupes sur Facebook, les universitaires les étudient et le théâtre physique et les clowns professionnels repoussent constamment leurs limites aidés en cela par la bouffonnerie et la contre-culture. À Montréal seulement, il y a des écoles de clowns et des ateliers qui se donnent régulièrement, il y a un cabaret mensuel au café Cléopâtre, et des soirées d’improvisation clownesque qui deviennent populaires auprès d’un public friand de comédie. L’art clownesque a la capacité de transformer les choses, voire d’être une source de militantisme. En constatant l’état du monde, ce n’est pas surprenant qu’il y ait une telle effervescence.
Les temps sont durs pour les arts de la scène. Comment est-ce que votre organisation s’en tire ?
Les artistes dans notre secteur doivent encore faire face à des compressions. Ce n’est pas nouveau. Les artistes sont malheureusement habitués à être mis de côté, mais il y a toujours un retour du pendule dépendamment des gouvernements et de leurs priorités. Ce qui est nouveau c’est que la pandémie a mis à l’avant-plan la créativité des artistes pour nous aider à passer au travers. Nous avons cru à une sorte de légitimité puisqu’on sentait le public derrière nous ! Pourtant, cela a été difficile aussi pour les artistes, même si nous avons exploré de nouvelles avenues, de nouvelles formes qui changeaient nos façons de penser et de voir le monde dans le but de l’améliorer. C’est triste de constater qu’on a pu, à la fois, reconnaître l’apport des artistes et des travailleurs et travailleuses culturelles à la société tout en démontrant que le système est brisé. Nous avons des artistes et des organismes ayant droit à des subventions, mais travaillant avec un salaire qui les placent sous le seul de la pauvreté ou avec l’obligation de faire du bénévolat. Avec les compressions actuelles, on peut voir que le futur sera ennuyant, moins coloré et agréable. Ça ne veut pas dire que les organismes et les compagnies vont disparaître, mais pour survivre il faut se regrouper afin de créer les outils et le discours adéquats pour nous permettre de planifier nos prochaines actions. Le regroupement de cirque En piste, le REFRAIN (Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants) les forums et les conférences des directeurs de festivals internationaux m’ont inspirée pour préparer le festival à cause des compressions budgétaires qui s’ajoutent les unes aux autres. Tout en m’inspirant de la bible des clowns qui précise de « prendre un risque », j’ai dû me montrer réaliste et penser en termes de « self care, de vision et d’opportunités ». Qu’est-ce que je peux faire ? Quelles décisions radicales dois-je prendre pour assurer à l’événement une croissance raisonnable et durable ? Je souhaite que ce festival se poursuive alors comment puis-je m’en assurer ? Quels sont les objectifs des prochaines éditions et de quelles façons changent-ils constamment ? Il y a beaucoup à faire et cela peut devenir rapidement renversant. Je ne pourrais jamais être assez reconnaissante pour le soutien offert par les amis et la communauté. La TOHU et le Quartier des spectacles nous ont encouragés en devenant des partenaires. Notre diffuseur, Le Gesù, également. L’apport de La Compagnie des autres, une troupe spécialisée en cirque, m’a fait sauver du temps. J’ai des mentors au sein de la communauté circassienne et du conseil d’administration qui me guident et me rappellent constamment que je suis la seule employée. La préparation des demandes de subventions et les solutions « innovantes » vont et viennent, mais parfois, la meilleure décision est de ne pas postuler en ce moment. J’aime le dicton, « Je me tiens sur les épaules des gens venus avant moi ». Je suis redevable aux expériences d’autres comme les anciens festivals de clowns organisés par Toxique trottoir et un autre événement dirigé par Yves Dagenais. C’est à moi de le faire maintenant et ça me surprend moi-même, parfois, de savoir que je dirige un festival, mais j’adore ça et je crois que les efforts en valent la peine. Nous y arrivons en faisant partie d’une grande communauté et en tentant de répondre à leurs besoins. Le festival réunit une trentaine d’artistes cette année en présentant une douzaine de spectacles et d’activités. En coulisses, nous sommes très peu à faire en sorte que cela puisse se produire. Les menaces du sous-financement nous forcent à trouver des solutions créatives pour permettre la croissance du festival tout en accélérant celle du public. Les artistes peuvent apprendre en voyant les spectacles de leurs collègues et en prenant part aux échanges sur ce qu’est l’art clownesque aujourd’hui. L’organisme Montreal Clowns a été fondé en 2016 par deux femmes, dont moi-même. Comme dans le cas de plusieurs petites troupes, je n’ai pas été payée au cours des premières années. C’était un travail en parallèle et même les artistes invités gagnaient peu. Nous nous partagions les recettes de guichet en comptant sur un groupe de bénévoles pour y arriver. Par souci de transparence, je dois dire que mon salaire s’approche lentement d’une rémunération professionnelle. Ce qui nous donne la force de continuer ce sont les rires et les sourires et le soutien de la communauté. Les clowns ont une âme honnête et quand ils ont entendu parler du festival, ils ont tenu à y participer : des artistes reconnus qui ont tourné avec de grandes compagnies comme le Cirque du Soleil et le Big Apple Circus, des clowns qui ont joué en Russie, à New York et en Europe devant de larges foules étaient prêts à de produire dans une petite salle du boulevard Saint-Laurent devant 50 personnes. Les clowns représentent une classe à part de performeurs et d’êtres humains, vulnérables et généreux. La mission du Festival des clowns de Montréal est de redonner à ces artistes en offrant cette discipline ancienne dans ses habits contemporains à un public qui a besoin de joie et de rires. Que de grandes organisations comme le Festival Juste pour Rire et le Cirque du soleil parlent de faillite est un signe de la précarité des festivals. Ce sont de grands événements et les organiser représente un risque qui a des effets sur la santé des responsables, leur temps et, évidemment, leurs finances. Aussi longtemps que je crois le festival nécessaire, je vais continuer. Il existe un intérêt international et je crois que les clowns et les artistes montréalais sont chanceux de pouvoir compter sur ce rassemblement. Le fait d’échanger et de débattre avec des artistes de l’extérieur du Québec bénéficie autant à la communauté artistique qu’au public qui a soif de rire et qui peut apprécier le cirque dans un contexte plus intime.
Vos cabarets font penser à ce que d’autres appellent des galas. Ce sont des événements importants dans un festival, non ?
Oui, le cabaret est un gala ! C’est une célébration, une vitrine et la possibilité e faire bonne impression. Le cabaret « gala » de cette année se nomme La grosse affaire. C’est l’occasion d’embaucher des metteurs en scène d’expérience dans le but de présenter leur vision. Krin Haglund collabore au festival depuis trois ans en appuyant mes visées pour l’événement et sa croissance tout en révisant nos demandes de subventions ! Elle est la bonne personne pour mettre en scène le cabaret « gala » et ce sera assurément une soirée inspirante. Dans un gala, comme nous sommes de clowns, nous encourageons le public à s’habiller de façon. Il y aura un photomaton et la musique de DJ Lady Oracle avant et après le spectacle. Le cabaret d’ouverture du 25 avril se nomme Nouvelles recettes. Le metteur en scène et professeur Gabe McKinney possède un style différent qu’il enseignera à une douzaine d’interprètes qui, à leur tour, présenteront quelque chose de nouveau le soir même. J’essaie d’offrir une diversité de styles aux artistes montréalais. Gabe a étudié à Dell’Arte en Californie. Il a coécrit et met en scène le spectacle du festival Fringe, Old God, qu’il présentera d’ailleurs cette année. Gabe et Alec Jones Trujillo ont fait partie du populaire spectacle Absinthe, présenté à Las Vegas.
Quels sont les autres spectacles de la programmation ?
Le Variety Show est aussi une forme de cabaret mettant en vedette Avner the Eccentric. Deux troupes québécoises qui font des spectacles jeunesse, usant beaucoup de musique et de physicalité, sont aussi au programme : Cirk’Alors avec Compagnie In Toto et L’Aubergine avec Walter Ego. Cette pièce a été créée pendant la pandémie et le reste de la programmation y fait également écho. Pour le jeune public, il est important de représenter cette étrange période de deux ans qui a bousculé leur vie afin de comprendre pourquoi il était difficile de sortir, d’être entouré de gens et rester en contact avec le monde extérieur.
De même, Inside Ethel : Outside, est un spectacle sans paroles de la Torontoise Christine Moynihan qui parle de l’isolement et des soins donnés aux personnes âgées. Ce solo s’avère très beau, poétique et unique en son genre. Christine favorise en spectacle la tradition Pochinko qui utilise le mouvement et le masque dans le processus de création. En spectacle, elle remplace le masque par un nez de clown. Nous offrons aussi des spectacles gratuits comme Double faute du duo Nacho con salsa, formé de Miguel Jalaff et de Carlos Verdin ; une performance masquée, Les Robert de LaboKracboom de Sherbrooke, et Construction Guys de Hercina Arts Collective/Trellis Arts en provenance de Toronto. Ce spectacle est parfait pour Montréal et nos cônes orange de construction. Dans Les Robert, les clowns interagissent avec le public en leur montrant leurs trésors fabriqués d’objets trouvés. C’est très québécois, drôle et ludique. Les gens qui y assisteront dans le Quartier des spectacles vont adorer.
Amrita Kaur Dhaliwal vient de Los Angeles pour livrer une performance touchante à propos des questions raciales et de violence, Driving Around, et Candy Roberts de Vancouver présente Larry, un spectacle sur l’identité de genre. Elle possède une façon bien à elle d’aborder la complexité de l’être humain. Il s’agit de deux spectacles en anglais, mais je crois que le public francophone prendra plaisir à les découvrir.
Il y a une expression en anglais, seven year itch qu’on pourrait traduire par la crise des sept ans, mais sept est aussi un chiffre chanceux. Avec sept éditions derrière le nœud papillon, comment se présente l’avenir dans la boule de cristal clownesque ?
(Rires). Disons que je me sens chanceuse d’être là, mais je sais aussi que cela a nécessité beaucoup plus que de la chance pour y arriver. Nous avons eu besoin de travailler fort et d’être résilients avec l’aide de plusieurs personnes qui m’ont appuyée ainsi que l’organisme. J’ai appris sur le tas mes rôles de gestionnaire en arts et en marketing numérique, comme directrice artistique et générale aussi. Je continue d’apprendre et de réapprendre tous les jours en réfléchissant aux besoins spécifiques de notre ville et des amoureux de culture qui y habitent. Je dois également tenir compte de mon rôle comme anglophone au sein d’une communauté francophone, et de mes fonctions de bâtisseuse d’un lieu de rassemblement pour les clowns, les artistes de cirque et tous ceux et celles qui ont besoin de rire un bon coup !
Je voudrais bien faire une blague sur le fait que nous ne sommes pas encore en faillite, mais il n’en demeure pas moins que nous sommes un jeune organisme qui doit encore faire ses marques. Davantage que de la survie des plus forts, il s’agit de la survie des plus ingénieux et nous savons que les clowns sont plutôt ingénieux ! Les gens s’aperçoivent parfois de l’existence de quelque chose quand cette chose disparaît. J’ai la conviction que, cette année, le public va découvrir, ici et maintenant, toute la richesse de ce que nous avons à offrir. J’espère que nous pourrons accroître la fréquentation grâce à des spectacles à la fois universels ou plus champ gauche. Montréal est la ville des festivals et je compte sur ma bonne étoile pour vivre une belle septième édition avant de réévaluer ce que nous avons fait et ce que nous devons faire pour s’assurer d’être encore là dans sept ans. Ce sont de petits pas dans la bonne direction qui feront la différence.
Le Festival des clowns de Montréal a lieu du 25 au 28 avril 2024.