Olivier Kemeid nous propose ces jours-ci au théâtre de Quat’Sous une réflexion sur la complexité de la relation père-fils. Pour fouiller les méandres de ce fertile terreau psychologique, l’auteur et metteur en scène s’inspire librement de la pièce emblématique de Shakespeare. Mais en plus de certains enjeux issus du célèbre drame, Kemeid, comme mentionné dans le cahier de présentation du spectacle, insuffle à son œuvre la notion d’investigation à la suite de la lecture d’Enquête sur Hamlet du psychanalyste et essayiste Pierre Bayard. En outre, l’histoire écrite au début du 17e siècle ne se déroule pas à Elseneur au Danemark, mais bien semble-t-il, si on se fie à l’accent de certains personnages, de nos jours, quelque part au Québec, dans un milieu petit-bourgeois.
Ainsi, l’intrigue repose donc sur le décès d’un père, ex-professeur d’art dramatique, au terme d’une longue période aphasique. Il laisse dans le deuil son frère, sa femme et son garçon, comédien. Les plus affectés par cette mort au sein de la petite famille sont l’oncle et le fils qui soutiennent avoir eu des échanges avec le malade juste avant qu’il ne rende son dernier souffle. Mais cela est impossible selon la veuve puisque son mari souffrait depuis plusieurs mois de troubles d’élocution et de compréhension du langage oral. Pour elle, c’est un soulagement, car la maladie rendait insupportable sa propre vie ainsi que celle de son conjoint et indirectement celle de son amant, le frère du défunt.
Parallèlement à ces moments difficiles, le jeune acteur tombe amoureux d’Ophélie, sous les yeux de son metteur en scène et ami. La joie de cette nouvelle flamme assombrie par le départ du paternel va toutefois basculer vers un désarroi psychique intense. Le jeune homme en plus d’apprendre la liaison entre sa mère et son oncle, encaisse une cruelle confidence de sa bien-aimée tout en réalisant les véritables intentions de son ami. Sans compter que la dépression lui fait entendre la voix du père accusant son propre frère de l’avoir empoisonné. La vengeance s’annonce dévastatrice.
Dire ou ne pas dire
Dans le décor de Romain Fabre à la fois austère et imposant, nimbé des éclairages clairs-obscurs de Martin Labrecque, l’action se déroule avec fluidité et une certaine dose de mystère. Du club branché à la demeure familiale cossue en passant par la loge théâtrale, l’écrin est à la hauteur du drame attendu. Le fils, dont la pièce repose sur les épaules, est interprété avec intensité et nuances par Gabriel Lemire. Malgré une partition alambiquée faisant obstacle à la réflexion père-fils annoncée, son jeu physique et sa présence sur scène sauvent la donne tant ils sont remarquables.
On ne peut cependant pas en dire autant du reste de la distribution. Le niveau de langage, les accents inusités, le ton trop souvent sentencieux et la gestuelle crispée affectent le jeu des interprètes qui peinent à être crédibles. Victimes d’un texte et d’une mise en scène bancales, on les sent entre deux chaises. Cette posture assumée par l’auteur se veut peut-être un clin d’œil amusé à l’œuvre shakespearienne, mais elle évacue le cœur de l’entreprise prometteuse qui se voulait à priori une rencontre filiale féconde. Qui plus est, la pièce se conclut avec les deux personnages féminins, enfin libérés du joug de l’homme disparu. Un maladroit mélange de discours qui risque de faire rapidement tomber ce nouvel opus de Trois Tristes Tigres dans l’oubli.
Texte et mise en scène : Olivier Kemeid. Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde. Régie : Stéphanie Capistran-Lalonde et Sandy Caron. Dramaturgie : Chloé Gagné Dion. Décor : Romain Fabre. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Martin Labrecque. Musique : Philippe Brault. Maquillage : Florence Cornet. Direction technique de création : Anna-Sara Gendron. Mouvement : Marilyn Daoust. Accessoires : Sophie Paquette. Avec : Gabriel Lemire, Mireille Naqqar, Anna Romagny, Sasha Samar, Richard Thériault. Une création du Théâtre de Quat’Sous et de Trois Tristes Tigres présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 11 mai 2024.
Olivier Kemeid nous propose ces jours-ci au théâtre de Quat’Sous une réflexion sur la complexité de la relation père-fils. Pour fouiller les méandres de ce fertile terreau psychologique, l’auteur et metteur en scène s’inspire librement de la pièce emblématique de Shakespeare. Mais en plus de certains enjeux issus du célèbre drame, Kemeid, comme mentionné dans le cahier de présentation du spectacle, insuffle à son œuvre la notion d’investigation à la suite de la lecture d’Enquête sur Hamlet du psychanalyste et essayiste Pierre Bayard. En outre, l’histoire écrite au début du 17e siècle ne se déroule pas à Elseneur au Danemark, mais bien semble-t-il, si on se fie à l’accent de certains personnages, de nos jours, quelque part au Québec, dans un milieu petit-bourgeois.
Ainsi, l’intrigue repose donc sur le décès d’un père, ex-professeur d’art dramatique, au terme d’une longue période aphasique. Il laisse dans le deuil son frère, sa femme et son garçon, comédien. Les plus affectés par cette mort au sein de la petite famille sont l’oncle et le fils qui soutiennent avoir eu des échanges avec le malade juste avant qu’il ne rende son dernier souffle. Mais cela est impossible selon la veuve puisque son mari souffrait depuis plusieurs mois de troubles d’élocution et de compréhension du langage oral. Pour elle, c’est un soulagement, car la maladie rendait insupportable sa propre vie ainsi que celle de son conjoint et indirectement celle de son amant, le frère du défunt.
Parallèlement à ces moments difficiles, le jeune acteur tombe amoureux d’Ophélie, sous les yeux de son metteur en scène et ami. La joie de cette nouvelle flamme assombrie par le départ du paternel va toutefois basculer vers un désarroi psychique intense. Le jeune homme en plus d’apprendre la liaison entre sa mère et son oncle, encaisse une cruelle confidence de sa bien-aimée tout en réalisant les véritables intentions de son ami. Sans compter que la dépression lui fait entendre la voix du père accusant son propre frère de l’avoir empoisonné. La vengeance s’annonce dévastatrice.
Dire ou ne pas dire
Dans le décor de Romain Fabre à la fois austère et imposant, nimbé des éclairages clairs-obscurs de Martin Labrecque, l’action se déroule avec fluidité et une certaine dose de mystère. Du club branché à la demeure familiale cossue en passant par la loge théâtrale, l’écrin est à la hauteur du drame attendu. Le fils, dont la pièce repose sur les épaules, est interprété avec intensité et nuances par Gabriel Lemire. Malgré une partition alambiquée faisant obstacle à la réflexion père-fils annoncée, son jeu physique et sa présence sur scène sauvent la donne tant ils sont remarquables.
On ne peut cependant pas en dire autant du reste de la distribution. Le niveau de langage, les accents inusités, le ton trop souvent sentencieux et la gestuelle crispée affectent le jeu des interprètes qui peinent à être crédibles. Victimes d’un texte et d’une mise en scène bancales, on les sent entre deux chaises. Cette posture assumée par l’auteur se veut peut-être un clin d’œil amusé à l’œuvre shakespearienne, mais elle évacue le cœur de l’entreprise prometteuse qui se voulait à priori une rencontre filiale féconde. Qui plus est, la pièce se conclut avec les deux personnages féminins, enfin libérés du joug de l’homme disparu. Un maladroit mélange de discours qui risque de faire rapidement tomber ce nouvel opus de Trois Tristes Tigres dans l’oubli.
La vengeance et l’oubli
Texte et mise en scène : Olivier Kemeid. Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde. Régie : Stéphanie Capistran-Lalonde et Sandy Caron. Dramaturgie : Chloé Gagné Dion. Décor : Romain Fabre. Costumes : Cynthia St-Gelais. Éclairages : Martin Labrecque. Musique : Philippe Brault. Maquillage : Florence Cornet. Direction technique de création : Anna-Sara Gendron. Mouvement : Marilyn Daoust. Accessoires : Sophie Paquette. Avec : Gabriel Lemire, Mireille Naqqar, Anna Romagny, Sasha Samar, Richard Thériault. Une création du Théâtre de Quat’Sous et de Trois Tristes Tigres présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 11 mai 2024.