Opinion

Message du RQD au ministre de la Culture et des Communications dans le cadre de la Journée internationale de la danse

© RQD

Montréal, le 29 avril 2024

Monsieur le Ministre,

En cette Journée internationale de la danse, nous tenions à réitérer que les contraintes budgétaires imposées par votre gouvernement paralyseront la danse professionnelle dès la saison 2024-2025. Bien conscient·e·s des enjeux financiers de l’État québécois, nous vous rappelons néanmoins que la danse professionnelle québécoise, tout comme les autres disciplines artistiques frappées par les coupures, n’aura très bientôt plus les moyens de s’adapter aux aspérités qui se présentent devant elle. Cette réalité sombre se manifestera par des pertes d’emploi, la dégradation des conditions de travail, le désengagement d’une main-d’œuvre qualifiée, la diminution du nombre et de la qualité des œuvres créées et diffusées et des services rendus au milieu, la diminution de la prise de risque, donc de l’innovation, tant par les créateur·trice·s que par les diffuseurs. Force est d’admettre par ailleurs que le démantèlement est déjà amorcé, parce qu’à renvoyer constamment au milieu le message de la piètre valeur que le gouvernement québécois lui concède, la désillusion et le sentiment d’inutilité gagnent du terrain.

Monsieur le Ministre, la bonification du programme Soutien à la mission du CALQ que vous avez annoncée le 12 mars dernier, qui se traduit mathématiquement par une coupure, a toutes les allures d’un congédiement déguisé. Nous avions pourtant déjà fait la démonstration factuelle qu’en moyenne les organismes en danse recevaient moins en 2019-2020 que ce qu’ils recevaient en 1994.

Le redressement financier attendu est majeur et urgent. Nous réclamons les moyens nécessaires à la réalisation de la mission du CALQ, s’agissant des bourses aux artistes, des subventions aux organismes et des aides spéciales venant corriger les imprévus et alimenter les projets structurants aux effets durables. Nous sommes étonné·e·s de vos propos selon lesquels vous tentez actuellement de dégager des sommes à même votre ministère pour renflouer le budget du CALQ. À moins qu’il ne soit envisagé de corriger quelconques injustices ou iniquités, déshabiller Jean pour habiller Paul ne conduira à terme qu’à d’autres situations de déséquilibre au vu de la mince marge de manœuvre financière dont dispose l’ensemble du milieu culturel. Nous sommes surtout irrité·e·s par la rhétorique que vous avez servie à l’occasion de l’étude des crédits, à travers laquelle vous affirmiez que le gouvernement de la CAQ avait été au rendez-vous pour les artistes et que depuis son arrivée au pouvoir en 2018 les crédits du CALQ ont augmenté de 35 %. S’il est très juste de dire que votre gouvernement a su réagir à la détresse du secteur culturel pendant la pandémie, et ce, par des moyens créatifs, croire que ce 35 % d’augmentation se reflète dans votre budget 2024-2025 est une erreur. Ainsi, le 22,4 % d’inflation (2017-2024) n’est nullement gommé par les fonds temporaires qui ont été versées ces dernières années. Autrement, comment expliquer le désespoir et la colère des jeunes et éternel·le·s émergent·e·s qui s’expriment dans la rue, le sentiment d’insécurité persistant, la discontinuité non résolue des carrières artistiques, les conditions de pratiques toujours difficiles, les budgets déjà déficitaires d’organismes pourtant solides? Nous ne croyons pas que vous faites preuve de mépris, mais nous percevons dans vos décisions une indifférence certaine.

La danse professionnelle québécoise a mis des décennies à se tailler une place dans le financement public. Si sa structure est maintenant attaquée, la danse mettra longtemps à se reconstruire et il est fort à parier que les coûts nécessaires surpasseront les fonds aujourd’hui demandés.

Monsieur le Ministre Lacombe, le milieu de la danse professionnelle, tout comme les autres disciplines artistiques, s’attend à ce que vous défendiez avec vigueur et insistance notre importance auprès de vos collègues député·e·s, ministres et Premier-ministre, et que vous exigiez des crédits supplémentaires pour que le ministère dont la responsabilité vous échoit puisse enfin accomplir honorablement son mandat. En somme, nous réclamons du Québec une vision affirmée du soutien des arts et les moyens requis sur le long terme.

Le Regroupement québécois de la danse est solidaire de ses homologues des arts du cirque, du théâtre, de la musique, de la chanson, des arts multidisciplinaires, pluridisciplinaires, des arts visuels et des métiers d’art et autres. Pour eux et à travers eux, nous redemandons votre appui.

Veuillez, Monsieur le Ministre, recevoir nos salutations distinguées,

Sophie Corriveau et Sylvain Émard, coprésident·es, et Parise Mongrain, directrice générale du RQD