Critiques

Festival Petits bonheurs : Formes plurielles

© Émilie Dumais

Soudain les îles : Envoûtantes explorations sous-marines

La compagnie de Québec Les Incomplètes, spécialisée en théâtre destiné aux tout-petits, propose une hypnotique balade aquatique gorgée de découvertes. Celles-ci, qu’il s’agisse de rochers protéiformes ou de créatures souvent situées entre la flore et la faune, se déploient dans le cadre d’une recherche formelle fort aboutie. Une pierre se détache de sa paroi rocheuse pour former une carapace, un tube de tissus engloutit l’interprète et fait ainsi naître une plante marine reproduisant la musique de la mer au gazou… tout se transmue et se meut au cœur de cet univers à la fois paisible et captivant.

Ces métamorphoses et révélations se déclinent au sein d’un spectre chromatique fait de multiples teintes de gris, ponctuées de couleurs vives, et sont bercées par une trame sonore composée de bruits de vagues, mais également de grattements et de grignotements, de même que de douces mélodies. La fluidité de la gestuelle de Laurence Petitpas, seule en scène (si l’on exclut les marionnettes de divers types) de même que son costume, gris lui aussi et constitué de différentes matières, contribuent en outre à faire de Soudain les îles une œuvre cohérente et stimulante, suscitant selon un habile dosage tant l’émerveillement que le simple — et si précieux — bien-être.

Soudain les îles

Idéation et dramaturgie : Audrey Marchand, Laurence Petitpas et Laurence P. Lafaille. Mise en scène : Audrey Marchand et Laurence P. Lafaille. Scénographie : Laurence Petitpas, assistée de Claudine Rivest et Aaron Bass. Éclairages : Keven Dubois. Conception sonore : Jean-Michel Letendre-Veilleux. Avec Laurence Petitpas. Une production des Incomplètes, présentée à l’occasion du Festival Petits bonheurs à la Maison de la culture Maisonneuve les 10 et 11 mai 2024.

Sonia et Alfred : Fable sur l’altérité

© Serena Groppelli

Venu d’Italie et inspiré des personnages imaginés par l’autrice jeunesse Catherine Pineur, ce spectacle marie jeu d’acteur et théâtre d’ombres. On y raconte l’histoire d’un petit volatile trapu, n’ayant pour seule possession qu’une modeste chaise, qui se cherche un lieu hospitalier où s’établir. Du haut de leur nid ou de fils électriques, des oiseaux d’autres espèces lui assènent sans vergogne moult rebuffades. Jusqu’à ce qu’il fasse connaissance avec Sonia, joviale échassière, qui, après une brève hésitation à la perspective de bousculer son quotidien, l’accueille à ailes ouvertes.

Béat d’avoir enfin trouvé asile, il ne peut cependant oublier ceux et celles qu’il a laissé·es derrière lui et à qui il retourne prêter secours. Il serait ardu de ne pas voir dans cette histoire une allégorie de la migration et de la réaction protectionniste qu’ont souvent ceux et celles qui vivent en terre d’accueil. En fait, la charge est si exempte de subtilité qu’elle imprègne l’œuvre d’un caractère didactique, voire moralisateur. Ajoutons que le rythme du récit le fait apparaître inutilement longuet.

On aura apprécié, en revanche, la joliesse des ombres colorées (certaines parties des silhouettes étant faites d’une matière translucide et pigmentée), l’alternance entre marionnettes et comédien·nes, qui campent tour à tour le duo de protagonistes, de même que la danse inventée par les deux camarades, qui allie leurs styles respectifs, symbolisant ainsi la richesse de l’hybridité et du métissage.

Sonia et Alfred

D’après l’œuvre de Catherine Pineur. Mise en scène et scénographie : Fabrizio Montecchi. Adaptation théâtrale : Enrica Carini et Fabrizio Montecchi. Traduction : Domenico Carli. Silhouettes : Nicoletta Garioni et Federica Ferrari, d’après les dessins de Catherine Pineur. Musique : Paolo Codognola. Costumes : Rosa Mariotti. Éclairages : Anna Ardono. Avec Deniz Azhar Azari et Tiziano Ferrari. Une production du Teatro Gioco Vita, en coproduction avec le MAL – La Maison des Arts du Léman, présentée à l’occasion du Festival Petits bonheurs, en collaboration avec Casteliers, au Théâtre Outremont le 7 mai 2024.