Critiques

Prophétique (on est déjà né·es) : Apparaître ici

© Werner Strouven

Le public entre dans une salle déjà survoltée. Rythme, volume, sueur, cris, poses affirmées, mouvements de fesses endiablés : l’énergie d’un club au petit matin nous happe dans une série de tableaux sur la communauté transgenre d’Abidjan, épicentre jamais nommé d’une secousse sismique mondiale.

En laissant parler les corps, en les faisant même aboyer et grogner, la chorégraphe Nadia Beugré crée un espace de jeu où la résilience, l’affirmation et la célébration sont reines. Si des éléments tirés du vécu des six interprètes émergent parfois, avec douceur et parcimonie, c’est toutefois par les sens que la connexion s’établit.

Les gommes à mâcher claquent comme des fouets sous la langue des interprètes, alors que des cordes permettent de hisser des chaises dans les airs, transformant les loges du club en installation éclatée.

Des pans de tissus chatoyants flottent au-dessus de la scène et cachent des costumes et des accessoires. Une robe noire volumineuse et touffue, dont la distribution tresse et tire les fils, sera portée par une diva qui accorde une entrevue en jappant. Des bonbons lancés dans les bouches et sucés goulument sont ensuite offerts à la foule.

Dans les quelques moments parlés, où les langues se mélangent, on tend l’oreille à la recherche de repères, de réponses. Mais ce sont les scènes de danse et de chant qui révèlent le mieux la réalité volcanique de ces êtres fiers, soudés, débarrassés de l’anecdotique et du pathos pour communier à quelque chose de plus grand : l’assurance d’exister pleinement.

© Werner Strouven

Prophétique (on est déjà né.es)

Direction artistique : Nadia Beugré. Interprétation : Beyoncé, Canel, Jhaya Caupenne, Taylor Dear, Acauã El Bandide Shereya, Kevin Sery. Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin. Lumières : Anthony Merlaud. Une production de Libr’Arts présentée au Carrefour international de théâtre de Québec les 24 et 25 mai derniers et au Festival TransAmériques du 28 au 30 mai 2024.