JEU des 5 questions

Cinq questions à Sylvain Bélanger, directeur artistique et metteur en scène

© Neil Mota

Le directeur artistique du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A), Sylvain Bélanger, a dû refaire sa programmation presqu’à la dernière minute cette année. Comme d’autres institutions aux prises avec une situation financière difficile, il a fait preuve d’imagination pour offrir une foule d’événements qui offrent un éventail des créations d’ici.

Comment s’est déroulée la préparation de la saison 2024-2025 au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en égard au sous-financement des arts vivants en trame de fond ?

C’est une saison qu’on a dû refaire presque à moitié à partir du mois de novembre 2023, date à laquelle on la présente à l’équipe habituellement. On a perdu trois gros morceaux avec une panne, une grossesse surprise, etc., bref on a retardé un peu la présentation. Cela a, par ailleurs, permis de faire une place au Festival international de la littérature (un spectacle de la poète Émilie Turmel, entre autres), événement avec lequel on voulait travailler depuis longtemps.

Tout le monde s’entend pour dire que le milieu est en crise d’ailleurs, comment ça se présente au CTD’A ?

Les effets sont là dans la programmation. Il y a beaucoup d’événements qui agrémentent et nourrissent la saison, mais notre capacité de produire est réduite. On a perdu un spectacle dans la salle principale. Évidemment, on présente un grand spectacle avec le Théâtre PàP au début de 2025, une pièce de Sébastien David, Une fin, avec 16 interprètes, qui en vaut donc pratiquement deux. Depuis deux ou trois ans, l’inflation et le sous-financement de la culture ont des effets qui sont dévastateurs sur la programmation. Nous sommes très préoccupé·es par la situation actuelle.

Votre premier spectacle a été présenté au Centre national des arts d’Ottawa, qu’est-ce qui vous a motivé à ouvrir la saison avec Là où la poussière se dépose le 30 septembre prochain ?

J’ai eu un véritable coup de cœur pour cette pièce de Julien Morissette et de Karina Pawlikowski. C’est une installation sonore, mi-maison mi-studio d’enregistrement. Ça parle d’une séparation. Mais le personnage principal, c’est la maison. C’est mis en parallèle avec le magnifique essai de Marie-Hélène Voyer, L’habitude des ruines. Ce concept est dans la foulée de l’espace que j’ai accordé au cours des dernières saisons à ce que j’appelle les dramaturgies sonores.

En y regardant de plus près, la diversité vous tient aussi à cœur en plus de l’idée d’exploration du territoire ?

En effet, c’est une saison qui implique de multiples territoires, même à l’extérieur du Québec. C’est pour honorer et célébrer les francophonies. C’est pour cette raison que les Acadiens et les Franco-Ontariens sont là et qu’on organise un événement spécial sur Patrice Desbiens. Il y a deux pays d’Afrique qui sont impliqués là-dedans. Mani Soleymanlou revient, pour sa part, sur la situation en Iran. On visite aussi le Vietnam. C’est une façon d’inscrire le Théâtre d’Aujourd’hui dans l’écosystème de la langue française. Notre maison sera toujours à agrandir. On termine la saison avec un spectacle de Gabriel Robichaud sur l’insécurité linguistique. C’est une saison empreinte de solidarité.

Il y a des premières importantes aussi pour certain·es artistes au CTD’A ?

Nous présentons la première pièce de Iannicko N’Doua, Neige sur Abidjan, dans une mise en scène de Marc Beaupré. Iannicko a été épaulé par le Fonds Michelle-Rossignol. C’est une première production d’Orange noyée de Mani avec un texte qui n’est pas de lui. On a aussi la nouvelle pièce de Stephie Mazunya, Chronologies, mise en scène par Stéphanie Jasmin. Stephie a fait un tabac avec S’enjailler la saison dernière en remplissant la petite salle tous les soirs. C’est une coproduction avec Ubu, un grand retour pour cette compagnie chez nous. On a enfin la Banquette arrière dans une pièce de Sébastien Dodge et on présente la première pièce très drôle d’une diplômée de l’École nationale de théâtre, Laurence Laprise (avec Laurie Léveillé), Viqueens : une saga nordique. Il y aura beaucoup d’humour cette année au CTD’A.