Deux lieux de la francophonie joignent leurs efforts dans cette chorégraphie tout en humilité de Danièle Desnoyers et de Taoufiq Izeddiou. Les deux artistes ont en commun de travailler sur les limites; entre les disciplines pour l’une, entre la tradition et la contemporanéité pour l’autre. Il n’est, par conséquent, pas étonnant que la danse de Montréal-Marrakech, titre générique s’il en est un (nous y reviendrons), se déroule en grande partie dans la marge de l’espace scénique.
Izeddiou et Desnoyers y mettent en scène deux danseurs et deux danseuses de cultures et de bagages différents. De Montréal proviennent Myriam Arseneault Campbell et le vigoureux Abe Simon Mijnheer alors que la brillamment expressive Chourouk El Mahati et Moad Haddadi sont appelé·es à représenter Marrakech.
Dès le départ, il apparaît clairement que le spectacle consistera à trouver un vocabulaire commun, une syntaxe gestuelle fédératrice. Les un·es et les autres, en quatuor, en duo, ou en solo, chemineront tout autour d’un grand carré blanc situé au centre du plancher de danse. Ce carré blanc, iels l’occuperont de façon de moins en moins timide au fur et à mesure des cinquante minutes que la pièce compte. La plus grande majorité des mouvements s’effectueront autour du carré central et en négociation avec celui-ci.
La situation de départ nous place face à des individus qui avancent en se faisant dos, en déséquilibre, comme s’ils et elles cherchaient leurs appuis. Leur dynamique passera très fluidement par différentes configurations jusqu’à ce que le public se retrouve face à une sorte de fin unificatrice. Les danseurs et danseuses tenteront des rapprochements, des conciliabules, des phrases à l’unisson.
L’attention de l’assistance, libérée de tout élément intrusif, est ainsi dirigée vers les détails de l’évolution subie par les quatre artistes, avec une économie drastique d’effets : un jeu de regards, une variation dans la façon d’effectuer un mouvement…
Points de jonction
La salle, largement plongée dans le noir, présente à certains endroits des rectangles blancs suspendus qui rappellent la forme au milieu du parterre; un décor minimal. Les zones d’ombre créent des refuges où vont de temps en temps disparaître un·e ou deux artistes. On a l’impression d’être témoin d’une tentative de cartographie ou de repérage dont le rythme et l’intensité suivent une musique électro-organique très riche, même si elle peut mener à une méditation proche de la somnolence (qui ne dure jamais bien longtemps).
Sous des apparences simples, où l’ensemble de l’attention est donnée aux interprètes et au développement de leurs relations, ainsi qu’aux formes qu’ils et elles construisent, la pièce évoque des questions d’ordre formel, mais aussi d’ordre social, voire politique. Revenons au titre. Ce dernier nomme deux points séparés par un tiret. Il symbolise bien le passage d’un point géographique à un autre, et à travers ce passage, la mise en communication de deux imaginaires et de deux cultures. Montréal-Marrakech semble demander : comment se rejoindre au-delà des apparences et de l’Histoire ? Comment établir les paramètres d’un partage ? Par extension, comment créer le lieu – forcément hybride – où nous nous réaliserons ?
Les quatre danseurs et danseuses entreprennent diverses routes fertiles : la répétition du même, l’échange, le mélange des genres, le toucher, la synchronicité, et finalement l’émancipation finale – fébrile mais ô combien exigeante. À travers ces différentes routes, ils et elles déploient une énergie remarquable, canalisée par une concentration visible, et qui jamais ne cède sous le poids de la fatigue ou de l’hésitation. Se mêlent aux gestuelles contemporaines des bribes de tradition, comme lors de l’épisode de baladi à la sauce hip-hop. Dialoguent aussi entre eux les apprentissages différents des quatre interprètes dans une harmonie douce aux allures de rituel où l’on se cherche, où l’on se perd et où l’on se trouve.
Il est bien regrettable que cet inspirant clair-obscur ne soit présenté que trois soirs.
Chorégraphie : Danièle Desnoyers et Taoufiq Izeddiou. Direction technique et régie : Audrey Janelle. Musique : Ben Shemie. Lumières : Hugo Dalphond. Costumes : Danièle Desnoyers et Marianne Thériault. Avec Abe Simon Mijnheer, Chourouk El Mahati, Myriam Arseneault Campbell et Moad Haddadi. Une production du Carré des Lombes, en partenariat avec Anania Danses/compagnie Taoufiq Izeddiou et Le Festival On Marche – Marrakech, coproduite avec Le Festival Montpellier Danse 2023, présentée à l’Agora de la danse du 18 au 20 septembre 2024.
Deux lieux de la francophonie joignent leurs efforts dans cette chorégraphie tout en humilité de Danièle Desnoyers et de Taoufiq Izeddiou. Les deux artistes ont en commun de travailler sur les limites; entre les disciplines pour l’une, entre la tradition et la contemporanéité pour l’autre. Il n’est, par conséquent, pas étonnant que la danse de Montréal-Marrakech, titre générique s’il en est un (nous y reviendrons), se déroule en grande partie dans la marge de l’espace scénique.
Izeddiou et Desnoyers y mettent en scène deux danseurs et deux danseuses de cultures et de bagages différents. De Montréal proviennent Myriam Arseneault Campbell et le vigoureux Abe Simon Mijnheer alors que la brillamment expressive Chourouk El Mahati et Moad Haddadi sont appelé·es à représenter Marrakech.
Dès le départ, il apparaît clairement que le spectacle consistera à trouver un vocabulaire commun, une syntaxe gestuelle fédératrice. Les un·es et les autres, en quatuor, en duo, ou en solo, chemineront tout autour d’un grand carré blanc situé au centre du plancher de danse. Ce carré blanc, iels l’occuperont de façon de moins en moins timide au fur et à mesure des cinquante minutes que la pièce compte. La plus grande majorité des mouvements s’effectueront autour du carré central et en négociation avec celui-ci.
La situation de départ nous place face à des individus qui avancent en se faisant dos, en déséquilibre, comme s’ils et elles cherchaient leurs appuis. Leur dynamique passera très fluidement par différentes configurations jusqu’à ce que le public se retrouve face à une sorte de fin unificatrice. Les danseurs et danseuses tenteront des rapprochements, des conciliabules, des phrases à l’unisson.
L’attention de l’assistance, libérée de tout élément intrusif, est ainsi dirigée vers les détails de l’évolution subie par les quatre artistes, avec une économie drastique d’effets : un jeu de regards, une variation dans la façon d’effectuer un mouvement…
Points de jonction
La salle, largement plongée dans le noir, présente à certains endroits des rectangles blancs suspendus qui rappellent la forme au milieu du parterre; un décor minimal. Les zones d’ombre créent des refuges où vont de temps en temps disparaître un·e ou deux artistes. On a l’impression d’être témoin d’une tentative de cartographie ou de repérage dont le rythme et l’intensité suivent une musique électro-organique très riche, même si elle peut mener à une méditation proche de la somnolence (qui ne dure jamais bien longtemps).
Sous des apparences simples, où l’ensemble de l’attention est donnée aux interprètes et au développement de leurs relations, ainsi qu’aux formes qu’ils et elles construisent, la pièce évoque des questions d’ordre formel, mais aussi d’ordre social, voire politique. Revenons au titre. Ce dernier nomme deux points séparés par un tiret. Il symbolise bien le passage d’un point géographique à un autre, et à travers ce passage, la mise en communication de deux imaginaires et de deux cultures. Montréal-Marrakech semble demander : comment se rejoindre au-delà des apparences et de l’Histoire ? Comment établir les paramètres d’un partage ? Par extension, comment créer le lieu – forcément hybride – où nous nous réaliserons ?
Les quatre danseurs et danseuses entreprennent diverses routes fertiles : la répétition du même, l’échange, le mélange des genres, le toucher, la synchronicité, et finalement l’émancipation finale – fébrile mais ô combien exigeante. À travers ces différentes routes, ils et elles déploient une énergie remarquable, canalisée par une concentration visible, et qui jamais ne cède sous le poids de la fatigue ou de l’hésitation. Se mêlent aux gestuelles contemporaines des bribes de tradition, comme lors de l’épisode de baladi à la sauce hip-hop. Dialoguent aussi entre eux les apprentissages différents des quatre interprètes dans une harmonie douce aux allures de rituel où l’on se cherche, où l’on se perd et où l’on se trouve.
Il est bien regrettable que cet inspirant clair-obscur ne soit présenté que trois soirs.
Montréal-Marrakech
Chorégraphie : Danièle Desnoyers et Taoufiq Izeddiou. Direction technique et régie : Audrey Janelle. Musique : Ben Shemie. Lumières : Hugo Dalphond. Costumes : Danièle Desnoyers et Marianne Thériault. Avec Abe Simon Mijnheer, Chourouk El Mahati, Myriam Arseneault Campbell et Moad Haddadi. Une production du Carré des Lombes, en partenariat avec Anania Danses/compagnie Taoufiq Izeddiou et Le Festival On Marche – Marrakech, coproduite avec Le Festival Montpellier Danse 2023, présentée à l’Agora de la danse du 18 au 20 septembre 2024.