Le comédien, auteur et metteur en scène Philippe Boutin faisait partie de l’aventure Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse au tout début. La reprise du spectacle au Prospero lui a permis de reprendre le travail avec le metteur en scène Gabriel Charlebois-Plante et les autres interprètes.
Comme vous faisiez partie de la première bande au tout début, vous sentez-vous en terrain connu, quoiqu’instable étant donné la scénographie qui contient cinq tonnes de roches ?
Le travail de Gabriel sur cette création ressemble à une langue inventée, déjà parlée dans une autre vie. C’est à la fois familier – je m’y retrouve – et pourtant, chaque fois que je me livre à cette partition, il reste toujours un mystère à percer. Mais je pense que ce mystère mérite de ne pas être entièrement éclairci… Quant à la scénographie, c’est très excitant de se retrouver au milieu de ce magnifique tas d’roches. Leur présence impose un abandon à l’imprévu. Quand tu acceptes la déroute, c’est l’fun au boutte !
Par contre, c’est toujours délicat d’arriver dans un groupe déjà soudé. Comment se sont passées les répétitions ?
C’est évident que Gabriel sait rassembler sur ses projets des collaboratrices et des collaborateurs accueillant∙es et bienveillant∙es. On dirait que j’ai toujours fait partie de l’équipe. Personnellement, c’est déjà le troisième projet où je remplace un interprète [Étienne Lou], et honnêtement, j’adore ça. Je regarde la captation et, comme on a souvent très peu de temps pour remonter le spectacle (pour Cette Colline, par exemple, on n’a eu que quatre répétitions avant l’entrée en salle), dès la première répétition, j’arrive en studio en reproduisant fidèlement la proposition originale. Quand on imite quelqu’un, on est obligé de jouer, ce qui me permet de laisser mes pensées de côté et de m’amuser pleinement dans cet exercice ludique. Une fois la signature originale respectée, mon corps s’autorise à explorer des zones de liberté, toujours grandement encouragé par le metteur en scène.
Il s’agit d’une des pièces les plus riches et intéressantes cette année. Comme interprète, ce doit l’être tout autant, non ?
Quand j’ai vu Cette colline l’an dernier à La Chapelle, je suis sorti du théâtre plein d’énergie et complètement jaloux. J’ai écrit à Gab : « Bravo, pis maudit que j’aurais aimé ça jouer dans ce show-là, être dans ce party-là. » Il y a quelque chose, que je n’arrive pas à nommer, qui se célèbre dans cette proposition audacieuse. Et puis, la performance physique des quatre interprètes est impossible à catégoriser, ce qui rend l’expérience unique, bouleversante et parfois émouvante.
Vous faites également partie des créateurs innovants depuis une dizaine d’années. Sans dévoiler de secrets, quelles sont vos prochaines aventures : mise en scène, jeu, écriture ?
Aucun secret ici, je peux tout dévoiler ! En étroite collaboration avec les interprètes et notre équipe de concepteurs, nous présenterons The Rise of the BlingBling – le diptyque à l’Usine C à Montréal et au Centre national des arts à Ottawa en mai 2025… et il y aura peut-être une troisième surprise ! C’est un spectacle à grand déploiement avec plus de 20 artistes sur scène : comédien·nes, danseurs et danseuses, chanteurs et chanteuses, musicien∙nes, et même un acrobate ! Nous plongeons au cœur d’une fresque pop mystique qui explore le discours philosophique de Jésus, mais surtout sa spectacularisation. Sur un plateau grandiose, on raconte l’incroyable histoire d’un jeune homme qui, seul, voulait sauver le monde. Ce mythe fondateur est revisité par une troupe d’artistes indomptables, avec de la danse, du théâtre, du kung-fu, de la pantomime, de la comédie musicale, du lipsync, et bien plus encore !
Les arts vivants sont sous-financés comme le dénoncent plusieurs artistes et associations. Les spectacles avec un grand groupe sont plus difficiles à monter. Comment cette crise vous affecte personnellement ?
De nombreux spectacles à Montréal sont programmés dans des théâtres professionnels, mais ne reçoivent pourtant aucun financement des différents paliers gouvernementaux. Cela signifie que l’argent ne se rend pas aux créateurs et que tout repose sur les épaules des compagnies de théâtre et/ou des interprètes. Ce n’est qu’une des nombreuses problématiques et l’on pourrait passer beaucoup de temps à se battre pour son morceau de couverture, parce que Winter is coming… ! Mais à la base, c’est simple : l’enveloppe budgétaire pour les arts est bien trop petite pour soutenir le rayonnement de notre culture. Pendant ce temps, des artistes annulent leurs spectacles, d’autres changent de carrière… L’art et la culture, c’est le cœur du peuple et si, en tant que société, on choisit d’investir à bas prix dans le renouvellement de notre pacemaker, on sait que tôt ou tard, les batteries vont lâcher…pis ça serait dommage de devenir un peuple de sans-coeur. Concernant les spectacles à grand déploiement, comme Détruire nous allons ou Le Vin Herbé, des projets audacieux qui ont réuni entre 30 et 70 artistes sur scène, ils n’auraient jamais vu le jour sans l’énorme générosité et le travail bénévole de mes collègues. Aujourd’hui, je m’assure d’avancer à condition d’avoir le financement nécessaire, un processus qui s’étale sur plusieurs années et qui requiert parfois de petits miracles. La réalisation de The Rise of the BlingBling – le diptyque est rendue possible grâce au soutien du Fonds National de Création. Nous accueillons cette aide avec une immense reconnaissance et un grand sens des responsabilités, pleinement conscients du privilège qu’elle représente, surtout en ces temps difficiles pour les arts.
Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse est présentée au Théâtre Prospero du 8 au 19 octobre 2024.
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Le comédien, auteur et metteur en scène Philippe Boutin faisait partie de l’aventure Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse au tout début. La reprise du spectacle au Prospero lui a permis de reprendre le travail avec le metteur en scène Gabriel Charlebois-Plante et les autres interprètes.
Comme vous faisiez partie de la première bande au tout début, vous sentez-vous en terrain connu, quoiqu’instable étant donné la scénographie qui contient cinq tonnes de roches ?
Le travail de Gabriel sur cette création ressemble à une langue inventée, déjà parlée dans une autre vie. C’est à la fois familier – je m’y retrouve – et pourtant, chaque fois que je me livre à cette partition, il reste toujours un mystère à percer. Mais je pense que ce mystère mérite de ne pas être entièrement éclairci… Quant à la scénographie, c’est très excitant de se retrouver au milieu de ce magnifique tas d’roches. Leur présence impose un abandon à l’imprévu. Quand tu acceptes la déroute, c’est l’fun au boutte !
Par contre, c’est toujours délicat d’arriver dans un groupe déjà soudé. Comment se sont passées les répétitions ?
C’est évident que Gabriel sait rassembler sur ses projets des collaboratrices et des collaborateurs accueillant∙es et bienveillant∙es. On dirait que j’ai toujours fait partie de l’équipe. Personnellement, c’est déjà le troisième projet où je remplace un interprète [Étienne Lou], et honnêtement, j’adore ça. Je regarde la captation et, comme on a souvent très peu de temps pour remonter le spectacle (pour Cette Colline, par exemple, on n’a eu que quatre répétitions avant l’entrée en salle), dès la première répétition, j’arrive en studio en reproduisant fidèlement la proposition originale. Quand on imite quelqu’un, on est obligé de jouer, ce qui me permet de laisser mes pensées de côté et de m’amuser pleinement dans cet exercice ludique. Une fois la signature originale respectée, mon corps s’autorise à explorer des zones de liberté, toujours grandement encouragé par le metteur en scène.
Il s’agit d’une des pièces les plus riches et intéressantes cette année. Comme interprète, ce doit l’être tout autant, non ?
Quand j’ai vu Cette colline l’an dernier à La Chapelle, je suis sorti du théâtre plein d’énergie et complètement jaloux. J’ai écrit à Gab : « Bravo, pis maudit que j’aurais aimé ça jouer dans ce show-là, être dans ce party-là. » Il y a quelque chose, que je n’arrive pas à nommer, qui se célèbre dans cette proposition audacieuse. Et puis, la performance physique des quatre interprètes est impossible à catégoriser, ce qui rend l’expérience unique, bouleversante et parfois émouvante.
Vous faites également partie des créateurs innovants depuis une dizaine d’années. Sans dévoiler de secrets, quelles sont vos prochaines aventures : mise en scène, jeu, écriture ?
Aucun secret ici, je peux tout dévoiler ! En étroite collaboration avec les interprètes et notre équipe de concepteurs, nous présenterons The Rise of the BlingBling – le diptyque à l’Usine C à Montréal et au Centre national des arts à Ottawa en mai 2025… et il y aura peut-être une troisième surprise ! C’est un spectacle à grand déploiement avec plus de 20 artistes sur scène : comédien·nes, danseurs et danseuses, chanteurs et chanteuses, musicien∙nes, et même un acrobate ! Nous plongeons au cœur d’une fresque pop mystique qui explore le discours philosophique de Jésus, mais surtout sa spectacularisation. Sur un plateau grandiose, on raconte l’incroyable histoire d’un jeune homme qui, seul, voulait sauver le monde. Ce mythe fondateur est revisité par une troupe d’artistes indomptables, avec de la danse, du théâtre, du kung-fu, de la pantomime, de la comédie musicale, du lipsync, et bien plus encore !
Les arts vivants sont sous-financés comme le dénoncent plusieurs artistes et associations. Les spectacles avec un grand groupe sont plus difficiles à monter. Comment cette crise vous affecte personnellement ?
De nombreux spectacles à Montréal sont programmés dans des théâtres professionnels, mais ne reçoivent pourtant aucun financement des différents paliers gouvernementaux. Cela signifie que l’argent ne se rend pas aux créateurs et que tout repose sur les épaules des compagnies de théâtre et/ou des interprètes. Ce n’est qu’une des nombreuses problématiques et l’on pourrait passer beaucoup de temps à se battre pour son morceau de couverture, parce que Winter is coming… ! Mais à la base, c’est simple : l’enveloppe budgétaire pour les arts est bien trop petite pour soutenir le rayonnement de notre culture. Pendant ce temps, des artistes annulent leurs spectacles, d’autres changent de carrière… L’art et la culture, c’est le cœur du peuple et si, en tant que société, on choisit d’investir à bas prix dans le renouvellement de notre pacemaker, on sait que tôt ou tard, les batteries vont lâcher…pis ça serait dommage de devenir un peuple de sans-coeur. Concernant les spectacles à grand déploiement, comme Détruire nous allons ou Le Vin Herbé, des projets audacieux qui ont réuni entre 30 et 70 artistes sur scène, ils n’auraient jamais vu le jour sans l’énorme générosité et le travail bénévole de mes collègues. Aujourd’hui, je m’assure d’avancer à condition d’avoir le financement nécessaire, un processus qui s’étale sur plusieurs années et qui requiert parfois de petits miracles. La réalisation de The Rise of the BlingBling – le diptyque est rendue possible grâce au soutien du Fonds National de Création. Nous accueillons cette aide avec une immense reconnaissance et un grand sens des responsabilités, pleinement conscients du privilège qu’elle représente, surtout en ces temps difficiles pour les arts.
Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse est présentée au Théâtre Prospero du 8 au 19 octobre 2024.
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