Debordements, la toute nouvelle création de la compagnie La Otra Orilla, est présentée aux Ateliers Belleville. Trois interprètes résolument punks nous livrent un manifeste de résistance sur des textes issus de l’ouvrage Commentaires sur la société du spectacle (1988) du philosophe et écrivain français Guy Debord. Une performance bruyante qui inspire l’insoumission.
Sous les néons, nos trois protagonistes se présentent à nous, d’abord tout en lenteur. Après une lourde marche, c’est jonché∙es au sol qu’ils prennent naissance. Petit à petit, la lutte pour se tenir debout commence, notamment pour la danseuse. Déjà là, on comprend rapidement la thématique de la résistance. Physiquement, mais pas seulement. Les paroles de Guy Debord sont au rendez-vous dès le début de la pièce. Dans ce décor simple et brut, une voix sombre dénonce la crédulité de l’humain, sa passivité et son illusion de se croire libre alors qu’on fait taire son opinion.
Une fois debout, les interprètes sont alors inarrêtables, et sans retenue. Le bruit dans un premier lieu vient hanter l’espace. Celui des outils électriques, de la guitare et des talons de flamenco. S’ajoute aussi l’attitude des artistes. Du début à la fin, ils incarnent une rage, un esprit vif, prêts à tout assumer, sans jamais fléchir. On croit entièrement à leur dévotion et on s’en laisse inspirer.
Puissance, force, intensité font partie des caractéristiques du flamenco. Et celles-ci résonnent tout à fait avec les néons, les costumes dépravés et les gros sons de guitares qui tâchent. Tous les deux issus des franges pauvres, et rebelles de la population, le flamenco et le punk partagent la fougue, l’assurance et l’esprit de communauté. Dans cette hybridation des styles, il est clair qu’on veut nous secouer, par les flashs, par les cris, dans le vacarme.
La danse flamenco nous envoûte, avec ses polyrythmies fascinantes qui traversent le corps de la danseuse, du bout de ses doigts jusqu’à ses orteils. Les rythmes sont diversifiés, toujours forts et magnétiques. La technique de cette danse y est conventionnelle, experte, mais toute réinventée par les costumes plus trash, fluo, près du corps, bien loin des robes traditionnelles, mais aussi à travers la sonorité des zapatéados (pieds qui frappent au sol), totalement différents au gré des accords de la guitare électrique.
En plus de la composante dansante du flamenco, Debordements nous offre aussi les performances vocales de cet art. Là encore, la technique y est classique et très maîtrisée, mais désobéit à la tradition lorsqu’elle rencontre les sons électriques, ou encore les écrits du révolutionnaire français. La voix, transmetteur du message, devient, elle aussi, un outil de dérangement, et revendique encore une fois la liberté d’exister.
Partage viscéral
Au cœur du spectacle, comme une pause dans l’ivresse du moment, les interprètes se livrent aussi lors d’un passage plus théâtral. Un moment suspendu de la pièce, plus calme, où, en prenant la pause, ils recréent des scènes, telles des photos, ou des fresques. Malgré un apparent début jovial, enfantin qui prête à sourire, on y voit là encore rapidement des revendications. Celle de vouloir briller, se mettre de l’avant, aux dépens des autres. On s’imagine aussi facilement la nécessité irrépressiblement humaine de mettre un masque, de se créer une image, de paraître plutôt que d’être dans une société de façades. Et là encore, c’est le chaos qui reprendra sa place. Parce que nos interprètes ne cachent pas longtemps leur nature punk.
L’atmosphère mise en place fonctionne à 200 % et nous plonge dans un lieu où tous les éléments nous donnent envie d’embarquer dans le mouvement, de nous rebeller à notre tour, de sauter partout, de crier, transpirer, redevenir primitif et désobéir. L’alliance entre le flamenco et le punk marche aussi très bien et marque les esprits par la virtuosité des pas, des rythmes et de la maîtrise vocale. Malgré quelques longueurs entre certains passages de la pièce, Debordements est fidèle à son message. Elle veut se révolter, faire réfléchir pour mener à l’action, par les mots, les sons et, finalement, tous les sens.
Interprètes : Myriam Allard, Hedi Graja, Jonathan Parant. Chorégraphie : Myriam Allard. Mise en scène : Hedi Graja. Musique : Jonathan Parant. Éclairages : Étienne Boucher. Costumes : Elen Ewing. Assistante-costumes : Fany McCrae. Assistant-programmateur : Bruno Mandeville. Répétitrice : Hélène Messier. Collaborateur artistique : Juan Carlos Lerida. Directrice technique : Clara Desautels. Régisseuse : Jacinthe Nepveu. Textes : Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988). Une production de La Otra Orilla présentée aux Ateliers Belleville jusqu’au 16 novembre 2024.
Debordements, la toute nouvelle création de la compagnie La Otra Orilla, est présentée aux Ateliers Belleville. Trois interprètes résolument punks nous livrent un manifeste de résistance sur des textes issus de l’ouvrage Commentaires sur la société du spectacle (1988) du philosophe et écrivain français Guy Debord. Une performance bruyante qui inspire l’insoumission.
Sous les néons, nos trois protagonistes se présentent à nous, d’abord tout en lenteur. Après une lourde marche, c’est jonché∙es au sol qu’ils prennent naissance. Petit à petit, la lutte pour se tenir debout commence, notamment pour la danseuse. Déjà là, on comprend rapidement la thématique de la résistance. Physiquement, mais pas seulement. Les paroles de Guy Debord sont au rendez-vous dès le début de la pièce. Dans ce décor simple et brut, une voix sombre dénonce la crédulité de l’humain, sa passivité et son illusion de se croire libre alors qu’on fait taire son opinion.
Une fois debout, les interprètes sont alors inarrêtables, et sans retenue. Le bruit dans un premier lieu vient hanter l’espace. Celui des outils électriques, de la guitare et des talons de flamenco. S’ajoute aussi l’attitude des artistes. Du début à la fin, ils incarnent une rage, un esprit vif, prêts à tout assumer, sans jamais fléchir. On croit entièrement à leur dévotion et on s’en laisse inspirer.
Puissance, force, intensité font partie des caractéristiques du flamenco. Et celles-ci résonnent tout à fait avec les néons, les costumes dépravés et les gros sons de guitares qui tâchent. Tous les deux issus des franges pauvres, et rebelles de la population, le flamenco et le punk partagent la fougue, l’assurance et l’esprit de communauté. Dans cette hybridation des styles, il est clair qu’on veut nous secouer, par les flashs, par les cris, dans le vacarme.
La danse flamenco nous envoûte, avec ses polyrythmies fascinantes qui traversent le corps de la danseuse, du bout de ses doigts jusqu’à ses orteils. Les rythmes sont diversifiés, toujours forts et magnétiques. La technique de cette danse y est conventionnelle, experte, mais toute réinventée par les costumes plus trash, fluo, près du corps, bien loin des robes traditionnelles, mais aussi à travers la sonorité des zapatéados (pieds qui frappent au sol), totalement différents au gré des accords de la guitare électrique.
En plus de la composante dansante du flamenco, Debordements nous offre aussi les performances vocales de cet art. Là encore, la technique y est classique et très maîtrisée, mais désobéit à la tradition lorsqu’elle rencontre les sons électriques, ou encore les écrits du révolutionnaire français. La voix, transmetteur du message, devient, elle aussi, un outil de dérangement, et revendique encore une fois la liberté d’exister.
Partage viscéral
Au cœur du spectacle, comme une pause dans l’ivresse du moment, les interprètes se livrent aussi lors d’un passage plus théâtral. Un moment suspendu de la pièce, plus calme, où, en prenant la pause, ils recréent des scènes, telles des photos, ou des fresques. Malgré un apparent début jovial, enfantin qui prête à sourire, on y voit là encore rapidement des revendications. Celle de vouloir briller, se mettre de l’avant, aux dépens des autres. On s’imagine aussi facilement la nécessité irrépressiblement humaine de mettre un masque, de se créer une image, de paraître plutôt que d’être dans une société de façades. Et là encore, c’est le chaos qui reprendra sa place. Parce que nos interprètes ne cachent pas longtemps leur nature punk.
L’atmosphère mise en place fonctionne à 200 % et nous plonge dans un lieu où tous les éléments nous donnent envie d’embarquer dans le mouvement, de nous rebeller à notre tour, de sauter partout, de crier, transpirer, redevenir primitif et désobéir. L’alliance entre le flamenco et le punk marche aussi très bien et marque les esprits par la virtuosité des pas, des rythmes et de la maîtrise vocale. Malgré quelques longueurs entre certains passages de la pièce, Debordements est fidèle à son message. Elle veut se révolter, faire réfléchir pour mener à l’action, par les mots, les sons et, finalement, tous les sens.
Debordements
Interprètes : Myriam Allard, Hedi Graja, Jonathan Parant. Chorégraphie : Myriam Allard. Mise en scène : Hedi Graja. Musique : Jonathan Parant. Éclairages : Étienne Boucher. Costumes : Elen Ewing. Assistante-costumes : Fany McCrae. Assistant-programmateur : Bruno Mandeville. Répétitrice : Hélène Messier. Collaborateur artistique : Juan Carlos Lerida. Directrice technique : Clara Desautels. Régisseuse : Jacinthe Nepveu. Textes : Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988). Une production de La Otra Orilla présentée aux Ateliers Belleville jusqu’au 16 novembre 2024.