Sébastien Dodge a écrit et joue dans Carton rouge qui prend l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui quelques soirs seulement. Un acte de résistance politique et poétique pour lequel le dramaturge et comédien s’est entouré d’un groupe d’amis pour dénoncer ce qui se doit de l’être selon lui.
Connaissant vos engagements en faveur d’une hausse du financement pour les arts vivants, est-ce qu’on peut voir Carton rouge comme un genre de manifeste ?
Une prise de parole, certes ! Mais un manifeste, je ne sais pas, je ne crois pas. Le spectacle est plus complexe qu’un manifeste. C’est une prise de parole poétique et guerrière pour le vivant, pour la faune et la flore sans voix. C’est un acte de résistance. C’est le parcours du combattant qui échoue et se relève et échoue à nouveau. Une fois qu’on a essayé toutes sortes de tactiques afin de clamer son refus face à cette économie qui détruit notre monde que pouvons-nous faire ? Et bien, encore beaucoup de choses, je crois. Il faut toujours trouver une autre action à mener et pour un artiste, c’est de prendre la parole sur les tribunes disponibles afin de poursuivre la lutte. Et je crois qu’il faut transformer cette parole. Il faut saisir la poésie et s’en servir comme arme puissante, car la poésie se doit d’être dangereuse à mon avis. Au fond, peut-être est-ce un manifeste finalement ! Mais un manifeste pour l’amour du vivant !
Votre attention se porte ici plus largement vers un système économique qui serait à la base des problèmes actuels ?
Oui. C’est au cœur de tout ce que j’écris depuis que j’ai commencé à écrire des pièces. J’ai toujours essayé de pourfendre ce système délétère et injuste. J’ai changé d’angle d’attaque avec chaque nouvelle histoire. Pour moi, le problème est global et les artistes sont au bout de la chaîne de l’exploitation, parmi plusieurs autres groupes minoritaires. Nous sommes la biodiversité, mais l’économie d’efficacité n’aime pas la diversité, trop complexe à gérer. Pourtant, il est très difficile de proposer des solutions pour améliorer notre modèle économique ou le faire renaître de ses cendres. Elles existent cependant. Peut-être que ce sont seulement des vœux pieux ou des utopies, mais il faut rapidement penser et rêver autre chose comme modèle. Et envisager sans délai de rebâtir nos mécanismes de consommation. Avec Carton Rouge, j’essaie de proposer une stratégie de résistance contre ce système, car c’est bien ce dont il est question ici, de résistance. La résistance n’est pas attrayante. Ça signifie ne plus être confortable et accepter la précarité. Mais avons-nous le choix ? Oui, j’en conviens, nous l’avons. Nous l’avons, mais nous devons résister. Quadrature du cercle ! Donc résister chacun à sa manière, de n’importe laquelle des façons. Nous avons le luxe ici de pouvoir résister sans trop de conséquences et pourtant, nous sommes fatigués et pessimistes. Nous sommes gavés et inertes. Alors que nous devrions être au front à tous les moments. Évidemment, il y a un danger réel d’épuisement et la pièce traite de ce phénomène également. Car malgré tout, il ne faut surtout pas oublier que notre expérience humaine, nous devons la rendre riche et savoureuse. Il y a donc ce paradoxe du résistant qui est constamment tiraillé entre le devoir et la jouissance.
Ça doit être agréable de travailler avec un groupe que vous connaissez bien. Comme intervient la poésie de Mathieu Gosselin dans le texte ?
J’ai une équipe du tonnerre. Je suis choyé ! Les concepteurs et conceptrices, les musicien∙nes et Martin Faucher à la mise en scène, me remplissent de joie créatrice. Je me suis entouré d’amis pour ce spectacle, car la résistance est aussi un acte de fragilité intime. J’avais besoin d’être épaulé par des gens qui me sont chers et proches. Mathieu est mon plus ancien complice. Il a été de toutes mes productions. C’est un grand poète. J’ai toujours admiré, depuis nos années d’étude, sa plume de compassion et d’asphalte. C’est un poète doux et rugueux qui sait créer des images puissantes. Il apporte donc toute la lumière du monde encore disponible à mes ténèbres de combattant.
En additionnant la musique et le sujet, ça donne l’impression qu’il va y avoir du « metal » sur scène, quoique ce n’est le style de Philippe Brault ?
La première fois que nous avons fait une des parties de ce spectacle, c’était juste après la pandémie, au Bistro de Paris. Nous voulions justement passer à l’action, brasser les choses et gueuler notre révolte. Disons que c’était l’endroit approprié ! Nous sommes ailleurs maintenant et nous voulons plutôt partager notre révolte en douceur et en humour. Les gens savent bien toutes les dérives de ce système mondialisé d’injustices sans fin, rien ne sert de leur gueuler dessus en plus. Je ne dis pas si on faisait le tout devant une assemblée d’actionnaires alors là oui, on irait à fond ! On en a même déjà discuté ! Et pour ce qui est de Philippe Brault ! Eh bien, il peut être tout. Grunge, punk, métal et pop ! Il a tout de suite saisi le ton de notre révolte. C’est un as ! D’ailleurs, je suis entouré de musiciens tops : Benoit Côté et Anne-Marie Levasseur. Ils sont franchement de talentueux dialoguistes de la musique, hors pair !
Votre mot de la fin : « l’artiste… brisé, … mais vainqueur ». Justement, qu’est-ce qui vient après ?
Je ne sais pas ce qu’il reste à la fin. Mais je crois que ceux qui ont l’énergie et la volonté se doivent de se tenir debout et d’aller au-devant du combat. Ceux qui ont les aptitudes et la force ont le devoir de donner plus pour améliorer notre monde. Car, que faisons-nous au fond à part défricher des sentiers que d’autres après nous emprunteront ? Je crois qu’il faut avoir l’humilité de servir ce bien commun sans jamais savoir si ça donnera quelque chose, sans jamais en tirer un bénéfice, en toute solidarité, pour la suite du monde. Que ceux qui le peuvent se lèvent et montrent la voie vers la lumière et l’amour !
Carton rouge est présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 27 novembre au 7 décembre 2024.
En savoir plus
Sébastien Dodge a écrit et joue dans Carton rouge qui prend l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui quelques soirs seulement. Un acte de résistance politique et poétique pour lequel le dramaturge et comédien s’est entouré d’un groupe d’amis pour dénoncer ce qui se doit de l’être selon lui.
Connaissant vos engagements en faveur d’une hausse du financement pour les arts vivants, est-ce qu’on peut voir Carton rouge comme un genre de manifeste ?
Une prise de parole, certes ! Mais un manifeste, je ne sais pas, je ne crois pas. Le spectacle est plus complexe qu’un manifeste. C’est une prise de parole poétique et guerrière pour le vivant, pour la faune et la flore sans voix. C’est un acte de résistance. C’est le parcours du combattant qui échoue et se relève et échoue à nouveau. Une fois qu’on a essayé toutes sortes de tactiques afin de clamer son refus face à cette économie qui détruit notre monde que pouvons-nous faire ? Et bien, encore beaucoup de choses, je crois. Il faut toujours trouver une autre action à mener et pour un artiste, c’est de prendre la parole sur les tribunes disponibles afin de poursuivre la lutte. Et je crois qu’il faut transformer cette parole. Il faut saisir la poésie et s’en servir comme arme puissante, car la poésie se doit d’être dangereuse à mon avis. Au fond, peut-être est-ce un manifeste finalement ! Mais un manifeste pour l’amour du vivant !
Votre attention se porte ici plus largement vers un système économique qui serait à la base des problèmes actuels ?
Oui. C’est au cœur de tout ce que j’écris depuis que j’ai commencé à écrire des pièces. J’ai toujours essayé de pourfendre ce système délétère et injuste. J’ai changé d’angle d’attaque avec chaque nouvelle histoire. Pour moi, le problème est global et les artistes sont au bout de la chaîne de l’exploitation, parmi plusieurs autres groupes minoritaires. Nous sommes la biodiversité, mais l’économie d’efficacité n’aime pas la diversité, trop complexe à gérer. Pourtant, il est très difficile de proposer des solutions pour améliorer notre modèle économique ou le faire renaître de ses cendres. Elles existent cependant. Peut-être que ce sont seulement des vœux pieux ou des utopies, mais il faut rapidement penser et rêver autre chose comme modèle. Et envisager sans délai de rebâtir nos mécanismes de consommation. Avec Carton Rouge, j’essaie de proposer une stratégie de résistance contre ce système, car c’est bien ce dont il est question ici, de résistance. La résistance n’est pas attrayante. Ça signifie ne plus être confortable et accepter la précarité. Mais avons-nous le choix ? Oui, j’en conviens, nous l’avons. Nous l’avons, mais nous devons résister. Quadrature du cercle ! Donc résister chacun à sa manière, de n’importe laquelle des façons. Nous avons le luxe ici de pouvoir résister sans trop de conséquences et pourtant, nous sommes fatigués et pessimistes. Nous sommes gavés et inertes. Alors que nous devrions être au front à tous les moments. Évidemment, il y a un danger réel d’épuisement et la pièce traite de ce phénomène également. Car malgré tout, il ne faut surtout pas oublier que notre expérience humaine, nous devons la rendre riche et savoureuse. Il y a donc ce paradoxe du résistant qui est constamment tiraillé entre le devoir et la jouissance.
Ça doit être agréable de travailler avec un groupe que vous connaissez bien. Comme intervient la poésie de Mathieu Gosselin dans le texte ?
J’ai une équipe du tonnerre. Je suis choyé ! Les concepteurs et conceptrices, les musicien∙nes et Martin Faucher à la mise en scène, me remplissent de joie créatrice. Je me suis entouré d’amis pour ce spectacle, car la résistance est aussi un acte de fragilité intime. J’avais besoin d’être épaulé par des gens qui me sont chers et proches. Mathieu est mon plus ancien complice. Il a été de toutes mes productions. C’est un grand poète. J’ai toujours admiré, depuis nos années d’étude, sa plume de compassion et d’asphalte. C’est un poète doux et rugueux qui sait créer des images puissantes. Il apporte donc toute la lumière du monde encore disponible à mes ténèbres de combattant.
En additionnant la musique et le sujet, ça donne l’impression qu’il va y avoir du « metal » sur scène, quoique ce n’est le style de Philippe Brault ?
La première fois que nous avons fait une des parties de ce spectacle, c’était juste après la pandémie, au Bistro de Paris. Nous voulions justement passer à l’action, brasser les choses et gueuler notre révolte. Disons que c’était l’endroit approprié ! Nous sommes ailleurs maintenant et nous voulons plutôt partager notre révolte en douceur et en humour. Les gens savent bien toutes les dérives de ce système mondialisé d’injustices sans fin, rien ne sert de leur gueuler dessus en plus. Je ne dis pas si on faisait le tout devant une assemblée d’actionnaires alors là oui, on irait à fond ! On en a même déjà discuté ! Et pour ce qui est de Philippe Brault ! Eh bien, il peut être tout. Grunge, punk, métal et pop ! Il a tout de suite saisi le ton de notre révolte. C’est un as ! D’ailleurs, je suis entouré de musiciens tops : Benoit Côté et Anne-Marie Levasseur. Ils sont franchement de talentueux dialoguistes de la musique, hors pair !
Votre mot de la fin : « l’artiste… brisé, … mais vainqueur ». Justement, qu’est-ce qui vient après ?
Je ne sais pas ce qu’il reste à la fin. Mais je crois que ceux qui ont l’énergie et la volonté se doivent de se tenir debout et d’aller au-devant du combat. Ceux qui ont les aptitudes et la force ont le devoir de donner plus pour améliorer notre monde. Car, que faisons-nous au fond à part défricher des sentiers que d’autres après nous emprunteront ? Je crois qu’il faut avoir l’humilité de servir ce bien commun sans jamais savoir si ça donnera quelque chose, sans jamais en tirer un bénéfice, en toute solidarité, pour la suite du monde. Que ceux qui le peuvent se lèvent et montrent la voie vers la lumière et l’amour !
Carton rouge est présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 27 novembre au 7 décembre 2024.
En savoir plus