Vanille, monochrome, bol d’eau tiède, macaroni : c’est fou les qualificatifs qui peuvent décrire une teinte d’apparence si vaine que le beige. Certainement aussi nombreux que les maux qui nous accablent dans notre quête insipide du bonheur, celle que notre société tend à exiger de nous. Entre tristesse, solitude, mélancolie, dépression et maladie mentale, l’autrice Camille Giguère-Côté expose avec un réalisme absurde et une verve à faire pâlir les artistes de slam, toutes les nuances que peut prendre notre mal-être. Son tour de force ? Parler de détresse psychologique avec une écriture hilarante. Comme quoi le rire n’est peut-être pas le meilleur des remèdes au spleen, mais l’espace d’une soirée, il offre un répit salutaire à une époque morose.
De l’aveu même de Giguère-Côté, le beige « peut servir de révélateur et faciliter les contrastes ». Rien d’étonnant alors qu’elle poursuive sur la voie de la discordance en décrivant par l’humour une galerie de personnages, en plein effondrement psychique. En l’espace d’une dizaine de sketchs, son écriture vive et imagée donne corps à différentes situations, tels des clins d’œil amplifiés à des contextes que nous avons peut-être déjà vécus. Du job saisonnier insignifiant à la rupture mal à propos, de la nécessité de parler de son vide existentiel au service à la clientèle, au naufrage lacrymal pas rapport au cours d’une partie de Twister, les interprètes dépeignent des tranches de vie sur lesquelles le bonheur ne peut s’imprégner.
Qui aurait pu dire que ce postulat peu enjoué entrainerait des fous rires bien sentis tout au long du spectacle ? Avec un texte ponctué d’analogies saugrenues et de références culturelles aberrantes, ne pas se dérider au bout de quelques minutes aurait été étonnant. Mais ces dimensions hargneuses, ironiques et insolentes sont magnifiées par une distribution — portée par Ariel Charest, Benoît Drouin-Germain (aux intonations très « Louis-Josée Houdesques »), Irdens Exantus, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande — dont le jeu adhère parfaitement à l’irrévérence du contenu.
Dans cette ambiance douce-amère, Charest et Lacroix se remarquent. Leur gouaille imparable et leurs expressions en surjeu contrôlé sont des forces exploitées à merveille. On notera aussi l’attitude pince-sans-rire de Lalande qui apporte une tonalité plus provocante, en particulier dans son intervention de magicienne ratée. Cela dit, une vue d’ensemble nous démontre une maîtrise impeccable de l’articulation, de la vitesse de parole, avec la sensation que les artistes mordent dans chacun des mots avec la même force que celle qu’ils et elles pourraient utiliser pour hurler leur désespoir.
Du trompe-l’œil qui ne trompe personne
La mise en scène et le texte sont des vases communicants permanents. Sur fond de piscine bon marché couleur sable bien sûr, la distribution évolue dans un simulacre de vie parfaite, plus proche du Dollarama que du Hilton. Cette impression est appuyée par des costumes quétaines à l’extrême, moitié futuristes, moitié disco. Comme si l’avalanche de paillettes, de fards irisés et de tie-dye discutable pouvait soulager le beige de leur santé mentale défaillante. D’autant que les personnages tentent en permanence de garder la face et leur prestance que ce soit grâce à ces costumes kitsch à souhait ou en essayant de reprendre le dessus sur leurs sombres pensées.
Derrière les esclaffements du public et l’incongruité de ces existences qui cheminent à côté de leurs aspirations, que reste-t-il ? C’est une introspection qu’il nous est d’ailleurs offert d’avoir à la fin de la représentation. Dire que leurs difficultés à fredonner la mélodie du bonheur nous poussent à la réflexion serait inexact. Mais dire qu’elles donnent envie de profiter de nos petits bonheurs et qu’elles nous accordent un répit dans les 50 nuances de beige de l’actualité tirant sur le noir, c’est plus que certain.
Texte : Camille Giguère-Côté. Mise en scène : Pascale Renaud-Hébert. Interprètes : Ariel Charest, Benoît Drouin-Germain, Irdens Exantus, Simon Lacroix, Raphaëlle Lalande. Assistance à la mise en scène : Marie-Hélène Dufort. Décor et accessoires : Gabrielle Doucet. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Robin Kittel-Ouimet. Musique : Antoine Berthiaume. Assistance aux costumes : Pénélope Dulude-de-Broin. Assistance aux éclairages : Béatrice Germain. Cheffe d’atelier costumes : Pascale Bassani. Consultante aux maquillages : Véronique St-Germain. Direction technique : François Martel. Assistance à la direction technique : Alice Germain. Construction du décor : Atelier Ovation. Une production La Manufacture présentée au théâtre La Licorne jusqu’au 1er mars 2025.
Vanille, monochrome, bol d’eau tiède, macaroni : c’est fou les qualificatifs qui peuvent décrire une teinte d’apparence si vaine que le beige. Certainement aussi nombreux que les maux qui nous accablent dans notre quête insipide du bonheur, celle que notre société tend à exiger de nous. Entre tristesse, solitude, mélancolie, dépression et maladie mentale, l’autrice Camille Giguère-Côté expose avec un réalisme absurde et une verve à faire pâlir les artistes de slam, toutes les nuances que peut prendre notre mal-être. Son tour de force ? Parler de détresse psychologique avec une écriture hilarante. Comme quoi le rire n’est peut-être pas le meilleur des remèdes au spleen, mais l’espace d’une soirée, il offre un répit salutaire à une époque morose.
De l’aveu même de Giguère-Côté, le beige « peut servir de révélateur et faciliter les contrastes ». Rien d’étonnant alors qu’elle poursuive sur la voie de la discordance en décrivant par l’humour une galerie de personnages, en plein effondrement psychique. En l’espace d’une dizaine de sketchs, son écriture vive et imagée donne corps à différentes situations, tels des clins d’œil amplifiés à des contextes que nous avons peut-être déjà vécus. Du job saisonnier insignifiant à la rupture mal à propos, de la nécessité de parler de son vide existentiel au service à la clientèle, au naufrage lacrymal pas rapport au cours d’une partie de Twister, les interprètes dépeignent des tranches de vie sur lesquelles le bonheur ne peut s’imprégner.
Qui aurait pu dire que ce postulat peu enjoué entrainerait des fous rires bien sentis tout au long du spectacle ? Avec un texte ponctué d’analogies saugrenues et de références culturelles aberrantes, ne pas se dérider au bout de quelques minutes aurait été étonnant. Mais ces dimensions hargneuses, ironiques et insolentes sont magnifiées par une distribution — portée par Ariel Charest, Benoît Drouin-Germain (aux intonations très « Louis-Josée Houdesques »), Irdens Exantus, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande — dont le jeu adhère parfaitement à l’irrévérence du contenu.
Dans cette ambiance douce-amère, Charest et Lacroix se remarquent. Leur gouaille imparable et leurs expressions en surjeu contrôlé sont des forces exploitées à merveille. On notera aussi l’attitude pince-sans-rire de Lalande qui apporte une tonalité plus provocante, en particulier dans son intervention de magicienne ratée. Cela dit, une vue d’ensemble nous démontre une maîtrise impeccable de l’articulation, de la vitesse de parole, avec la sensation que les artistes mordent dans chacun des mots avec la même force que celle qu’ils et elles pourraient utiliser pour hurler leur désespoir.
Du trompe-l’œil qui ne trompe personne
La mise en scène et le texte sont des vases communicants permanents. Sur fond de piscine bon marché couleur sable bien sûr, la distribution évolue dans un simulacre de vie parfaite, plus proche du Dollarama que du Hilton. Cette impression est appuyée par des costumes quétaines à l’extrême, moitié futuristes, moitié disco. Comme si l’avalanche de paillettes, de fards irisés et de tie-dye discutable pouvait soulager le beige de leur santé mentale défaillante. D’autant que les personnages tentent en permanence de garder la face et leur prestance que ce soit grâce à ces costumes kitsch à souhait ou en essayant de reprendre le dessus sur leurs sombres pensées.
Derrière les esclaffements du public et l’incongruité de ces existences qui cheminent à côté de leurs aspirations, que reste-t-il ? C’est une introspection qu’il nous est d’ailleurs offert d’avoir à la fin de la représentation. Dire que leurs difficultés à fredonner la mélodie du bonheur nous poussent à la réflexion serait inexact. Mais dire qu’elles donnent envie de profiter de nos petits bonheurs et qu’elles nous accordent un répit dans les 50 nuances de beige de l’actualité tirant sur le noir, c’est plus que certain.
Le show beige
Texte : Camille Giguère-Côté. Mise en scène : Pascale Renaud-Hébert. Interprètes : Ariel Charest, Benoît Drouin-Germain, Irdens Exantus, Simon Lacroix, Raphaëlle Lalande. Assistance à la mise en scène : Marie-Hélène Dufort. Décor et accessoires : Gabrielle Doucet. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Robin Kittel-Ouimet. Musique : Antoine Berthiaume. Assistance aux costumes : Pénélope Dulude-de-Broin. Assistance aux éclairages : Béatrice Germain. Cheffe d’atelier costumes : Pascale Bassani. Consultante aux maquillages : Véronique St-Germain. Direction technique : François Martel. Assistance à la direction technique : Alice Germain. Construction du décor : Atelier Ovation. Une production La Manufacture présentée au théâtre La Licorne jusqu’au 1er mars 2025.