Évelyne Rompré livre une performance de haute voltige sur la scène du Théâtre de Quat’Sous, dans Tout ça. Sous la direction impeccable de Louis-Karl Tremblay, avec qui elle avait déjà collaboré en décembre dernier dans Ma petite pouliche (La Licorne, en reprise au printemps 2025), la comédienne démontre une présence scénique et une maîtrise du texte sans failles. Un défi de taille, car ce monologue du Britannique Alistair McDowall, traduit par Fanny Britt, est une partition ambitieuse, complexe, où s’entremêlent les perceptions, questionnements, commentaires, descriptions et onomatopées d’une femme que l’on suit de la naissance à la mort, et des êtres chers qui peuplent sa vie.
Tout commence par une succession de mots sans queue ni tête que l’on devine immédiatement associés à l’expérience d’un nouveau-né, grâce à une introduction sonore bien sentie d’Antoine Bédard mêlant une musique grandiose évoquant une saga historique aux glougloutements d’une échographie fœtale.
Du premier au dernier souffle
Le babillage évolue en mots puis en phrases, au fur et à mesure que l’enfant grandit, devient adolescente puis adulte, que la découverte du monde cède la place à la routine, aux joies du quotidien et aux chagrins. Plusieurs événements marquants d’une vie de femme ordinaire ponctuent cette progression du berceau au cercueil : les entichements de l’école secondaire, les premières règles (« Sang, sang sang ! »), la découverte de la masturbation et de la sexualité, l’accouchement, la parentalité, l’amour. Une existence entière en condensé, un flot qui nous balaye, un poème sous amphétamines.
Pour ne pas perdre le spectateur ou la spectatrice en route, mieux vaut lui donner quelques clés de compréhension. Mission accomplie : par un changement de rythme, une intonation, un regard ou un geste, la comédienne nous guide au travers des périodes, des états d’esprit, des interlocuteurs, interlocutrices, de sorte que ce texte déroutant devient limpide, à la fois ode à la vie et constat de sa fulgurance, de l’inévitable fin.
Le travail sur la langue effectué par l’auteur fait des mots une matière de laquelle une destinée émerge, comme façonnée dans la glaise, ce qui n’empêche pas les nombreuses touches d’humour et un ancrage dans le réel qui suscite l’empathie, voire l’identification. Quand la comédienne répète « Aller travailler » en une litanie à la fois comique et glaçante, on ne peut s’empêcher de réfléchir à la place que l’on donne au travail alors que l’existence est si courte. Jusqu’à l’interrogation finale, et possiblement universelle : peut-on savoir si on a réussi sa vie ?
Vêtue d’une combinaison en jean intemporelle, devant une toile orangée, dans un rond de lumière qui s’agrandit et rétrécit au gré des événements, comme la vie elle-même semble parfois le faire, Rompré se donne corps et âme. On ressort de la salle habité·es tant par l’expérience hors du commun que les artistes qui ont créé ce spectacle nous ont offerte que par les mots d’introduction de Catherine Vidal et Xavier Inchauspé, qui assurent la codirection générale du Quat’Sous : « En cette époque particulièrement faste pour la haine […] on aime à penser que tous les objets de l’art vivant, façonnés dans le désir d’entrer en contact avec l’autre, son empathie, son intelligence, sa sensibilité, son imagination, sont autant de fleurs qu’on glisse précisément dans le canon de leurs armes. »
Texte : Alistair McDowall. Mise en scène : Louis-Karl Tremblay. Traduction : Fanny Britt. Interprétation : Évelyne Rompré. Assistance à la mise en scène et régie : Alexandra Sutto. Conception du décor et des costumes : Karine Galarneau. Conception des éclairages : Robin Kittel-Ouimet. Conception sonore : Antoine Bédard. Assistance au décor, costumes et machiniste de plateau : Maude Janvier. Direction technique : Joanne Vézina. Direction de production : Gwenaëlle L’Heureux-Devinat. Une création du Théâtre de Quat’Sous et du Théâtre Point d’Orgue présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 15 février 2025.
Évelyne Rompré livre une performance de haute voltige sur la scène du Théâtre de Quat’Sous, dans Tout ça. Sous la direction impeccable de Louis-Karl Tremblay, avec qui elle avait déjà collaboré en décembre dernier dans Ma petite pouliche (La Licorne, en reprise au printemps 2025), la comédienne démontre une présence scénique et une maîtrise du texte sans failles. Un défi de taille, car ce monologue du Britannique Alistair McDowall, traduit par Fanny Britt, est une partition ambitieuse, complexe, où s’entremêlent les perceptions, questionnements, commentaires, descriptions et onomatopées d’une femme que l’on suit de la naissance à la mort, et des êtres chers qui peuplent sa vie.
Tout commence par une succession de mots sans queue ni tête que l’on devine immédiatement associés à l’expérience d’un nouveau-né, grâce à une introduction sonore bien sentie d’Antoine Bédard mêlant une musique grandiose évoquant une saga historique aux glougloutements d’une échographie fœtale.
Du premier au dernier souffle
Le babillage évolue en mots puis en phrases, au fur et à mesure que l’enfant grandit, devient adolescente puis adulte, que la découverte du monde cède la place à la routine, aux joies du quotidien et aux chagrins. Plusieurs événements marquants d’une vie de femme ordinaire ponctuent cette progression du berceau au cercueil : les entichements de l’école secondaire, les premières règles (« Sang, sang sang ! »), la découverte de la masturbation et de la sexualité, l’accouchement, la parentalité, l’amour. Une existence entière en condensé, un flot qui nous balaye, un poème sous amphétamines.
Pour ne pas perdre le spectateur ou la spectatrice en route, mieux vaut lui donner quelques clés de compréhension. Mission accomplie : par un changement de rythme, une intonation, un regard ou un geste, la comédienne nous guide au travers des périodes, des états d’esprit, des interlocuteurs, interlocutrices, de sorte que ce texte déroutant devient limpide, à la fois ode à la vie et constat de sa fulgurance, de l’inévitable fin.
Le travail sur la langue effectué par l’auteur fait des mots une matière de laquelle une destinée émerge, comme façonnée dans la glaise, ce qui n’empêche pas les nombreuses touches d’humour et un ancrage dans le réel qui suscite l’empathie, voire l’identification. Quand la comédienne répète « Aller travailler » en une litanie à la fois comique et glaçante, on ne peut s’empêcher de réfléchir à la place que l’on donne au travail alors que l’existence est si courte. Jusqu’à l’interrogation finale, et possiblement universelle : peut-on savoir si on a réussi sa vie ?
Vêtue d’une combinaison en jean intemporelle, devant une toile orangée, dans un rond de lumière qui s’agrandit et rétrécit au gré des événements, comme la vie elle-même semble parfois le faire, Rompré se donne corps et âme. On ressort de la salle habité·es tant par l’expérience hors du commun que les artistes qui ont créé ce spectacle nous ont offerte que par les mots d’introduction de Catherine Vidal et Xavier Inchauspé, qui assurent la codirection générale du Quat’Sous : « En cette époque particulièrement faste pour la haine […] on aime à penser que tous les objets de l’art vivant, façonnés dans le désir d’entrer en contact avec l’autre, son empathie, son intelligence, sa sensibilité, son imagination, sont autant de fleurs qu’on glisse précisément dans le canon de leurs armes. »
Tout ça
Texte : Alistair McDowall. Mise en scène : Louis-Karl Tremblay. Traduction : Fanny Britt. Interprétation : Évelyne Rompré. Assistance à la mise en scène et régie : Alexandra Sutto. Conception du décor et des costumes : Karine Galarneau. Conception des éclairages : Robin Kittel-Ouimet. Conception sonore : Antoine Bédard. Assistance au décor, costumes et machiniste de plateau : Maude Janvier. Direction technique : Joanne Vézina. Direction de production : Gwenaëlle L’Heureux-Devinat. Une création du Théâtre de Quat’Sous et du Théâtre Point d’Orgue présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 15 février 2025.