Critiques

Strawberries in January : Un baume sur l’hiver

© Andrée Lanthier

Une histoire d’amour qui se termine bien; voilà ce qui avait entre autres séduit à la création des Fraises en janvier d’Evelyne de la Chenelière en 2002 au Théâtre d’Aujourd’hui.

Près d’une quinzaine d’années après sa naissance, cette pièce au chassé-croisé où vérités et mensonges s’entremêlent est présentée au Centaur sous le titre Strawberries in January, en comédie musicale et en anglais. Il faut dire que l’histoire, déjà romantique à souhait, se prête bien à cette forme, appliquée à plusieurs moutures des Fraises en janvier après sa création.

La pièce suit quatre personnages : François, Sophie, Robert et Léa, dont les destins s’entrelacent à travers des dialogues captivants, des monologues sincères et une série d’événements improbables. Evelyne de la Chenelière joue sur le concept de « sérendipité » pour explorer les conséquences des choix, des regrets et des espoirs, tout en laissant place à une réflexion sur le bonheur et les attentes que l’on projette dans les relations amoureuses. Les personnages, bien que parfois caricaturaux, sont profondément humains et touchants dans leurs quêtes respectives. Morwen Brebner traduit assez fidèlement le texte de la Chenelière, et la musique originale composée par Ludovic Bonnier, Eva Foote, Audrey Thériault et Habib Zekri s’intègre bien à cette pièce qui donnait déjà envie de chanter à sa création.

Les quatre comédien·nes jouent et chantent à merveille. La musique en direct jouée par Khalil Bouaziz, Quinn Dooley, Tobias Kimmelman et Christophe Papadimitriou a son petit effet. Le personnage principal, juste et vulnérable Ryan Bommarito, interagit d’ailleurs avec le petit orchestre qui surplombe la scène, nous rappelant sa présence. Bommarito fait penser au François original interprété par un jeune Daniel Parent par sa sensibilité, son humour grinçant et son rôle de narrateur de l’histoire qui brise régulièrement le quatrième mur, en plus de chanter. Les harmonies vocales sont à souligner, particulièrement avec la voix de Madeleine Scovil qui interprète Sophie, amoureuse de l’amour et d’une belle naïveté.

Christophe Papadimitriou

Une mise en scène modulable

L’écriture minimaliste et poétique de la pièce laisse une grande liberté à la mise en scène. Les décors simples et les transitions subtiles entre les scènes permettent de concentrer l’attention sur les émotions des personnages et les dialogues qui forment le cœur de l’œuvre. Cela donne également à la pièce un aspect universel, facilement adaptable à divers contextes culturels comme c’est le cas ici.

Contrairement à la mise en scène de l’époque essentiellement composée de carrés de lumières rouges projetés sur la scène, on a ici plutôt opté pour un ensemble de colonnes de bois parsemées d’ampoules à la lumière chaude qui changent selon les états des personnages de la musique et à travers lesquelles les personnages se promènent, entrent et sortent de scène. Un piano sur roues à l’avant de la scène sert à la fois de café, d’appartement, d’instrument de musique et de banc sur lequel s’asseoir.

Ce qui frappe dans Strawberries in January, c’est sa capacité à mêler optimisme et mélancolie. La pièce nous rappelle que les contes de fées amoureux n’existent pas, mais que les petits moments de bonheur imprévu méritent d’être célébrés. Les mots d’Evelyne de la Chenelière interprétés et chantés par la troupe nous invitent à rire de nos maladresses et à embrasser l’imprévisibilité de la vie.

Strawberries in January est une œuvre légère, mais pleine de profondeur, qui séduira les amateurs et amatrices de comédies romantiques intelligentes. Avec ses personnages attachants, ses dialogues savoureux et son exploration sincère des relations humaines, elle constitue un véritable souffle d’air frais dans le paysage théâtral contemporain. Une pièce qui, à l’image des fraises en janvier, est rare et précieuse.

Christophe Papadimitriou

Strawberries in January

Basé sur la pièce Des fraises en janvier d’Evelyne de la Chenelière, traduite par Morwyn Brebner et adaptée par Frédéric Bélanger et Audrey Thériault. Interprétation : Eloi ArchamBaudoin, Ryan Bommarito, Métushalème Dary et Madeleine Scovil, accompagnés par Khalil Bouaziz, Quinn Dooley, Tobias Kimmelman et Christophe Papadimitriou. Mise en scène : Frédéric Bélanger. Musique originale : Ludovic Bonnier, Eva Foote, Audrey Thériault et Habib Zekri. Chansons traduites par Alexis Diamond. Direction musicale : Nick Carpenter. Arrangements : Nick Carpenter et Habib Zekri. Présentée au Centaur Theatre jusqu’au 9 février 2025.