Sur tes traces, une création de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman présentée au Théâtre Prospero, propose une enquête de terrain, sur la vie de l’un et de l’autre, qui touche de nombreux aspects de l’existence. Racontée avec un amour intime et doux, cette expérience sensible et très humaine s’accompagne d’une mise en scène originale qui surprend, mais fascine.
Dès l’entrée en salle, nous comprenons le choix scénique unique qui va se dérouler devant nos yeux. En effet, chaque spectateur est muni d’un casque audio qui lui permet d’écouter un des deux personnages. Ainsi, pendant plus de 2 h, les deux artistes livrent chacun leur monologue qu’on peut choisir de suivre à 100 % ou d’entrecouper par le deuxième soliloque. En premier lieu, ce sont donc la fascination et la curiosité qui l’emportent. Voir deux artistes complètement investis dans leur narration sans se laisser influencer par les sons ni les paroles de l’autre, qui se trouve pourtant parfois à quelques centimètres, est vraiment stupéfiant. La maîtrise du jeu est totale. Et ce choix scénique très original. Il est sûr que certain∙es ressentiront de la frustration de ne pas pouvoir entendre la totalité du discours des deux protagonistes, mais il est tout de même intéressant et amusant de passer de l’un à l’autre et de s’abreuver de quelques bribes pour construire ainsi sa propre histoire.
Ainsi, que l’on commence avec l’un ou l’autre des artistes, on comprend rapidement le but de l’histoire. En effet, ces deux amis, amants, ont décidé de se lancer un défi : faire une enquête sur la vie de l’autre en retournant dans tous les lieux qu’il a visités, toutes les personnes qu’il a aimées, toutes celles qui ont forgé sa vie. Et ainsi, du Lac-Saint-Jean à Montréal, en passant par la Turquie, la France et la frontière iranienne, les deux complices racontent ce qu’ils apprennent l’un de l’autre, dans plusieurs chapitres qui s’enchaînent tel un roman d’amour. Car ce qui ressort rapidement, et qui nous poursuit jusqu’au bout, c’est tout cet amour que les deux protagonistes se portent. Il est beau, sensuel, sexuel, transpirant, mais aussi simple, doux… unique finalement.
Dans un décor hyper réaliste, les deux artistes vont et viennent, au fur et à mesure des destinations et du temps qui passe. Ils incarnent et racontent ce que les amis, la famille, les amours, se souviennent de l’autre. Et ainsi, par leur quête, ils tentent d’approfondir leur connaissance de l’être aimé, de comprendre pourquoi il est devenu comme-ci, pourquoi il est effrayé par ça, pourquoi il désire de telle ou telle façon, etc. Comme un long fleuve, les deux interprètes livrent toute leur aventure, sans soubresaut ni émotion trop intenses. Ils racontent le plus simplement du monde ce qu’ils ont vécu, en rapportant souvenirs et discussions, parfois douces, parfois loufoques. Quel que soit le protagoniste choisi, on s’immerge directement dans son monde, sa façon de narrer, sa façon de bouger. Pour ajouter de la magie à cette dualité, la musique est différente, d’une scène à l’autre, d’un artiste à l’autre. Et puisqu’ils sont souvent chacun dans une pièce différente, on a vraiment l’impression de voir se dérouler deux films devant nos yeux. Deux films d’une même histoire d’amour.
Partager le même monde
Sur tes traces dépasse la simple biographie personnelle puisqu’elle traite de nombreux enjeux de société, comme l’homosexualité, la guerre, l’intimidation et la mort. Les sujets sont parfois lourds, mais nécessaires et abordent la stigmatisation et les préjugés qui font encore parfois écho dans notre monde. La pièce soulève des thématiques fortes sans pour autant devenir revendicatrice et/ou engagée. La prise de position se fait naturellement à travers l’authenticité de ses personnages, les deux forts attachants.
Bien que leur destin soit lié, Dany et Gurshad n’ont pas grandi dans les mêmes milieux, et n’ont pas vécu les mêmes drames. Et ils découvrent, grâce à cette enquête de terrain, de nouvelles réalités, qu’ils nous partagent alors. Tout est à la fois intime et universel. En effet, la place que prend l’Histoire, la famille, l’amour permet de connecter à sa propre vie, à s’imaginer faire la même recherche avec un ami, un amour, et entendre les mêmes paroles.
Grâce à un décor pointilleux très élaboré et proche du réel et un jeu parfait des deux artistes, il est facile de se laisser porter par Sur tes traces. Pièce digne d’un roman ou d’un film, elle nous transporte aisément dans ce jeu de piste rempli d’amour, et surtout de vérité.
Texte, mise en scène et interprétation : Dany Boudreault, Gurshad Shaheman. Conception sonore : Lucien Gaudion. Scénographie : Mathieu Lorry Dupuy. Lumière : Julie Basse. Costumes : Bastien Poncelet. Dramaturgie : Youness Anzane, Maxime Carbonneau. Direction de production : Jérémie Boucher. Présenté au Prospero jusqu’au 22 février 2025.
Sur tes traces, une création de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman présentée au Théâtre Prospero, propose une enquête de terrain, sur la vie de l’un et de l’autre, qui touche de nombreux aspects de l’existence. Racontée avec un amour intime et doux, cette expérience sensible et très humaine s’accompagne d’une mise en scène originale qui surprend, mais fascine.
Dès l’entrée en salle, nous comprenons le choix scénique unique qui va se dérouler devant nos yeux. En effet, chaque spectateur est muni d’un casque audio qui lui permet d’écouter un des deux personnages. Ainsi, pendant plus de 2 h, les deux artistes livrent chacun leur monologue qu’on peut choisir de suivre à 100 % ou d’entrecouper par le deuxième soliloque. En premier lieu, ce sont donc la fascination et la curiosité qui l’emportent. Voir deux artistes complètement investis dans leur narration sans se laisser influencer par les sons ni les paroles de l’autre, qui se trouve pourtant parfois à quelques centimètres, est vraiment stupéfiant. La maîtrise du jeu est totale. Et ce choix scénique très original. Il est sûr que certain∙es ressentiront de la frustration de ne pas pouvoir entendre la totalité du discours des deux protagonistes, mais il est tout de même intéressant et amusant de passer de l’un à l’autre et de s’abreuver de quelques bribes pour construire ainsi sa propre histoire.
Ainsi, que l’on commence avec l’un ou l’autre des artistes, on comprend rapidement le but de l’histoire. En effet, ces deux amis, amants, ont décidé de se lancer un défi : faire une enquête sur la vie de l’autre en retournant dans tous les lieux qu’il a visités, toutes les personnes qu’il a aimées, toutes celles qui ont forgé sa vie. Et ainsi, du Lac-Saint-Jean à Montréal, en passant par la Turquie, la France et la frontière iranienne, les deux complices racontent ce qu’ils apprennent l’un de l’autre, dans plusieurs chapitres qui s’enchaînent tel un roman d’amour. Car ce qui ressort rapidement, et qui nous poursuit jusqu’au bout, c’est tout cet amour que les deux protagonistes se portent. Il est beau, sensuel, sexuel, transpirant, mais aussi simple, doux… unique finalement.
Dans un décor hyper réaliste, les deux artistes vont et viennent, au fur et à mesure des destinations et du temps qui passe. Ils incarnent et racontent ce que les amis, la famille, les amours, se souviennent de l’autre. Et ainsi, par leur quête, ils tentent d’approfondir leur connaissance de l’être aimé, de comprendre pourquoi il est devenu comme-ci, pourquoi il est effrayé par ça, pourquoi il désire de telle ou telle façon, etc. Comme un long fleuve, les deux interprètes livrent toute leur aventure, sans soubresaut ni émotion trop intenses. Ils racontent le plus simplement du monde ce qu’ils ont vécu, en rapportant souvenirs et discussions, parfois douces, parfois loufoques. Quel que soit le protagoniste choisi, on s’immerge directement dans son monde, sa façon de narrer, sa façon de bouger. Pour ajouter de la magie à cette dualité, la musique est différente, d’une scène à l’autre, d’un artiste à l’autre. Et puisqu’ils sont souvent chacun dans une pièce différente, on a vraiment l’impression de voir se dérouler deux films devant nos yeux. Deux films d’une même histoire d’amour.
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Sur tes traces dépasse la simple biographie personnelle puisqu’elle traite de nombreux enjeux de société, comme l’homosexualité, la guerre, l’intimidation et la mort. Les sujets sont parfois lourds, mais nécessaires et abordent la stigmatisation et les préjugés qui font encore parfois écho dans notre monde. La pièce soulève des thématiques fortes sans pour autant devenir revendicatrice et/ou engagée. La prise de position se fait naturellement à travers l’authenticité de ses personnages, les deux forts attachants.
Bien que leur destin soit lié, Dany et Gurshad n’ont pas grandi dans les mêmes milieux, et n’ont pas vécu les mêmes drames. Et ils découvrent, grâce à cette enquête de terrain, de nouvelles réalités, qu’ils nous partagent alors. Tout est à la fois intime et universel. En effet, la place que prend l’Histoire, la famille, l’amour permet de connecter à sa propre vie, à s’imaginer faire la même recherche avec un ami, un amour, et entendre les mêmes paroles.
Grâce à un décor pointilleux très élaboré et proche du réel et un jeu parfait des deux artistes, il est facile de se laisser porter par Sur tes traces. Pièce digne d’un roman ou d’un film, elle nous transporte aisément dans ce jeu de piste rempli d’amour, et surtout de vérité.
Sur tes traces
Texte, mise en scène et interprétation : Dany Boudreault, Gurshad Shaheman. Conception sonore : Lucien Gaudion. Scénographie : Mathieu Lorry Dupuy. Lumière : Julie Basse. Costumes : Bastien Poncelet. Dramaturgie : Youness Anzane, Maxime Carbonneau. Direction de production : Jérémie Boucher. Présenté au Prospero jusqu’au 22 février 2025.