Critiques

Conte bright comme un diamond : Arc-en-ciel bienfaisant

© Anne-Marie Hivert

Au moment où l’on apprenait le décès de la grande Antonine Maillet, la « conteux » acadien∙ne Fano Maddix montait sur scène à La Chapelle Scènes Contemporaines. Cette artiste extravagante fait émerger des limbes de son coin de pays une quête initiatique, une histoire folklorique et surréaliste datant de mille ans, et en quelque sorte, totalement farfelue. Fano Maddix, on pourrait dire qu’elle fait penser au personnage de La Sagouine, quoique postmoderne, queer et sur l’acide. Vêtue d’un veston arborant des bouts de tapis bigarrés, elle danse, elle chante, elle récite, elle saute et se jette par terre sans arrêter pendant 80 minutes. Elle est accompagnée par la compositrice, musicienne et bruitiste Abèle Kilbir, excellente complice de tous les instants. Seule mise en garde, dit-elle au public : « laisser votre brain rationnel de côté ».

En effet, l’histoire tourne autour de Ti-Jean, joueur de cartes invétéré, qui décide de quitter sa famille et son petit village pour la grande ville. Chemin faisant, il croise Bonnet rouge, un être mystérieux et ratoureux, qui l’attirera dans sa contrée, tout aussi bizarre et inquiétante. « Conseillé » par de vieilles fées, Ti-Jean parviendra chez Bonnet où il est aidé par l’une des filles du personnage maléfique. Elle est un pigeon/fille qui porte le nom de Jarretelle verte. Weird, non ? Avec ce soutien, Ti-Jean réussira tous les défis que lui impose Bonnet rouge.

Même si le conte se termine en queue de baleine, c’est le voyage qui compte et qui raconte l’espoir, la foi en l’amour, le partage, le sens de la communauté et l’entraide devant l’adversité. C’est surtout, également, la magnifique langue maniée par la fort sympathique Maddix qui entremêle savamment le chiac, le français et l’anglais, ce qui en soi représente un exploit. L’histoire elle-même, enfin, déborde de moments cocasses et surnaturels : des souliers qui volent; des os qui servent à gravir une montagne; des îles volantes et un cheval blanc possédant une corne au mitan du front donnant dans les couleurs de barbershop.

Fano Maddix nous mène dans un beau grand bateau et on se laisse bercer par sa voix frétillante, la musique et une histoire à tenir debout. La « conteux », comme elle se qualifie elle-même, sait également relancer le public à certains moments précis. Elle le fait, dirons-nous, avec douceur et bienveillance, l’étincelle au coin de l’œil et un sourire constant sur les lèvres. En ces temps de morosité socio-politico-économique, son spectacle aux couleurs lumineuses de l’arc-en-ciel fait du bien aux yeux et aux oreilles. L’art acadien postmoderne, surréel, contemporain, you know what I mean, est très prometteur !

© David Emmanuel Jauniaux

Conte bright comme un diamond

Conteux : Fano Maddix. Scénographie, conception son et lumière : Audrée Lewka. Composition musicale et musicienne sur scène : Adèle Kilbir. Mise en espace : Sovann Rochon Prom Tep. Œuvres textiles hookées : Les Hookeuses de Grand digue. Spatialisation sonore : Guillaume Létourneau. Dramaturgie : Laurence Lallier Roussin et Audrée Lewka. Livre d’art : Laurence Lallier Roussin. Conseils artistiques : Patrick Dubois, Myriam Foisy, Vivian Labrie, Charly Mullot et Nate Yaffe. Direction de production : Anne-Marie Hivert. Direction technique : Charly Mullot. Présenté à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’au 20 février 2025. Le spectacle sera également présenté à la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts au mois de mars.