Il y a un peu plus de cinq ans, en février 2020, à l’aube d’une pandémie dévastatrice, Michel Monty nous offrait, ironiquement, un Malade imaginaire complètement déjanté. Une relecture de la comédie de Molière, jouissive dans l’ensemble, mais irritante par ses différents niveaux de langage détonants et surtout alourdie par une surdose d’extravagances scénographiques.
Sur les mêmes planches du Théâtre du Rideau Vert, Monty met en scène cette fois-ci la plus inclassable des pièces de Shakespeare dont il en signe également la traduction et l’adaptation. Son goût pour les anachronismes s’illustre dès l’entrée d’Égée, en proposant un roi d’Athènes vieillissant, appuyé sur un déambulateur et branché à un respirateur.
Et cette propension à mélanger les époques se poursuit avec la bande des ouvriers affublés de combinaisons orange comme celles de nos préposés à la voirie. Les quatre amoureux et amoureuses n’en sont pas non plus exempté∙es, affichant des tenues contemporaines qui tranchent bien évidemment avec celles des aristocrates athénien∙nes et des esprits sylvestres.
Au lever de rideau du proscénium, la ténébreuse forêt nous est révélée. Ici encore, l’Antiquité se fait bousculer, nous propulsant vers une époque que nous connaissons trop bien : celle des bouleversements climatiques. La carcasse d’une voiture calcinée repose au milieu d’un boisé apocalyptique. De grands arbres défoliés griffent de leurs branches un ciel menaçant propice aux plus grands mystères.
Quand le merveilleux fait place à la farce
Tel un primate sortant de son sommeil, Puck, sur un arbre perché, en descend avec une étonnante agilité (très leste Marc Béland). L’allure hybride du personnage, un mariage de Sol et de Johnny Rotten des Sex Pistols, nous propose un Puck punk à l’étrange parlure. Obéron, son maître (musclé Justin Laramée), en ajoute une couche, tant son élocution et son accent font référence à un vulgaire douchebag.
Ces deux huluberlus contrastent outrageusement avec la sensuelle Titania (impressionnante Bénédicte Décary) qui porte sur ses ailes, épaulée par ses scintillantes fées, tout l’aspect fabuleux de l’œuvre du grand Will.
Car pour le reste, c’est la comédie qui mène le bal. À commencer par le quatuor des jeunes tourtereaux; belle idée de travestir Hermia et Démétrius. Mais encore faut-il que cela fonctionne. En mini-jupe, talons hauts et avec sac à dos de randonnée pour rejoindre son barde Lysandre (honnête Xavier Bergeron), Olivier Morin est irrésistible. Chacune de ses entrées et répliques font mouche tant elles sont désopilantes. On ne peut pas dire en autant de Parfaite Moussouanga en Démétrius peu convaincant, dont la dégaine et l’accent mal assumés, rendent le personnage incompréhensible. Carolyne Payeur, quant à elle, nous propose une Héléna surprenante, à la fois naïve et révoltée.
Évidemment, la scène la plus drôle est celle des ouvriers et ouvrières jouant leur pièce devant l’aristocratie athénienne, à la cour de Thésée (suave Justin Laramée), qui souligne son mariage avec la stoïque Hippolyta (très juste Marilou Maheux). Mathieu Quesnel, qu’il soit en ouvrier, en âne ou en Pyramus, casse la baraque, bien appuyé par une Thisbée affectée et perdue à souhait (très crédible Guillaume Tremblay) et un mur à la craque vacillante (solide Guillaume Chouinard).
Que l’on donne un accent et un vocabulaire québécois à ces pauvres bougres est plausible pour faire contrepoids au français normatif de la haute société athénienne. Mais encore faut-il que cela convienne à tous les interprètes; ce qui n’est pas le cas de Vicky Bertrand dans le rôle de Quince dont on perd la plupart des répliques. De plus, il est dommage, comme mentionné plus haut, que l’univers des esprits soit si éclipsé à vouloir trop susciter l’hilarité facile. Les impressionnants décors de Loïc Lacroix Hoy et les judicieux éclairages de Marie-Aube St-Amand Duplessis méritaient d’être mieux habités.
Parce que oui, avec le rêve tout est permis; le rire bien sûr, mais aussi l’inexplicable et l’impénétrable dont cette proposition du Songe nous prive malheureusement beaucoup trop.
Texte : William Shakespeare. Traduction et adaptation : Michel Monty. Mise en scène : Michel Monty. Assistance à la mise en scène : Elaine Normandeau. Décors : Loïc Lacroix Hoy. Éclairages : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Costumes : Marc Sénécal. Accessoires : Félix Plante. Musique : Lefutur. Chorégraphies : Marilou Maheux. Maquillages et coiffures : Sylvie Rolland Provost. Avec Marc Béland, Bénédicte Décary, Xavier Bergeron, Vicky Bertrand, Guillaume Chouinard, Justin Laramée, Marilou Maheux, Olivier Morin, Parfaite Moussouanga, Caroline Payeur, Mathieu Quesnel, Guillaume Tremblay. Une production du Théâtre du Rideau Vert présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 12 avril 2025.
Il y a un peu plus de cinq ans, en février 2020, à l’aube d’une pandémie dévastatrice, Michel Monty nous offrait, ironiquement, un Malade imaginaire complètement déjanté. Une relecture de la comédie de Molière, jouissive dans l’ensemble, mais irritante par ses différents niveaux de langage détonants et surtout alourdie par une surdose d’extravagances scénographiques.
Sur les mêmes planches du Théâtre du Rideau Vert, Monty met en scène cette fois-ci la plus inclassable des pièces de Shakespeare dont il en signe également la traduction et l’adaptation. Son goût pour les anachronismes s’illustre dès l’entrée d’Égée, en proposant un roi d’Athènes vieillissant, appuyé sur un déambulateur et branché à un respirateur.
Et cette propension à mélanger les époques se poursuit avec la bande des ouvriers affublés de combinaisons orange comme celles de nos préposés à la voirie. Les quatre amoureux et amoureuses n’en sont pas non plus exempté∙es, affichant des tenues contemporaines qui tranchent bien évidemment avec celles des aristocrates athénien∙nes et des esprits sylvestres.
Au lever de rideau du proscénium, la ténébreuse forêt nous est révélée. Ici encore, l’Antiquité se fait bousculer, nous propulsant vers une époque que nous connaissons trop bien : celle des bouleversements climatiques. La carcasse d’une voiture calcinée repose au milieu d’un boisé apocalyptique. De grands arbres défoliés griffent de leurs branches un ciel menaçant propice aux plus grands mystères.
Quand le merveilleux fait place à la farce
Tel un primate sortant de son sommeil, Puck, sur un arbre perché, en descend avec une étonnante agilité (très leste Marc Béland). L’allure hybride du personnage, un mariage de Sol et de Johnny Rotten des Sex Pistols, nous propose un Puck punk à l’étrange parlure. Obéron, son maître (musclé Justin Laramée), en ajoute une couche, tant son élocution et son accent font référence à un vulgaire douchebag.
Ces deux huluberlus contrastent outrageusement avec la sensuelle Titania (impressionnante Bénédicte Décary) qui porte sur ses ailes, épaulée par ses scintillantes fées, tout l’aspect fabuleux de l’œuvre du grand Will.
Car pour le reste, c’est la comédie qui mène le bal. À commencer par le quatuor des jeunes tourtereaux; belle idée de travestir Hermia et Démétrius. Mais encore faut-il que cela fonctionne. En mini-jupe, talons hauts et avec sac à dos de randonnée pour rejoindre son barde Lysandre (honnête Xavier Bergeron), Olivier Morin est irrésistible. Chacune de ses entrées et répliques font mouche tant elles sont désopilantes. On ne peut pas dire en autant de Parfaite Moussouanga en Démétrius peu convaincant, dont la dégaine et l’accent mal assumés, rendent le personnage incompréhensible. Carolyne Payeur, quant à elle, nous propose une Héléna surprenante, à la fois naïve et révoltée.
Évidemment, la scène la plus drôle est celle des ouvriers et ouvrières jouant leur pièce devant l’aristocratie athénienne, à la cour de Thésée (suave Justin Laramée), qui souligne son mariage avec la stoïque Hippolyta (très juste Marilou Maheux). Mathieu Quesnel, qu’il soit en ouvrier, en âne ou en Pyramus, casse la baraque, bien appuyé par une Thisbée affectée et perdue à souhait (très crédible Guillaume Tremblay) et un mur à la craque vacillante (solide Guillaume Chouinard).
Que l’on donne un accent et un vocabulaire québécois à ces pauvres bougres est plausible pour faire contrepoids au français normatif de la haute société athénienne. Mais encore faut-il que cela convienne à tous les interprètes; ce qui n’est pas le cas de Vicky Bertrand dans le rôle de Quince dont on perd la plupart des répliques. De plus, il est dommage, comme mentionné plus haut, que l’univers des esprits soit si éclipsé à vouloir trop susciter l’hilarité facile. Les impressionnants décors de Loïc Lacroix Hoy et les judicieux éclairages de Marie-Aube St-Amand Duplessis méritaient d’être mieux habités.
Parce que oui, avec le rêve tout est permis; le rire bien sûr, mais aussi l’inexplicable et l’impénétrable dont cette proposition du Songe nous prive malheureusement beaucoup trop.
Le songe d’une nuit d’été
Texte : William Shakespeare. Traduction et adaptation : Michel Monty. Mise en scène : Michel Monty. Assistance à la mise en scène : Elaine Normandeau. Décors : Loïc Lacroix Hoy. Éclairages : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Costumes : Marc Sénécal. Accessoires : Félix Plante. Musique : Lefutur. Chorégraphies : Marilou Maheux. Maquillages et coiffures : Sylvie Rolland Provost. Avec Marc Béland, Bénédicte Décary, Xavier Bergeron, Vicky Bertrand, Guillaume Chouinard, Justin Laramée, Marilou Maheux, Olivier Morin, Parfaite Moussouanga, Caroline Payeur, Mathieu Quesnel, Guillaume Tremblay. Une production du Théâtre du Rideau Vert présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 12 avril 2025.