Critiques

Pleurs : Folies et débordements au salon

© Marlène Gélineau Payette

Pleurs est une œuvre d’humour noir qui, à travers des sketchs insolites et irrévérencieux, rompt l’atmosphère solennelle des funérailles. Par le prisme de l’absurde, elle aborde des réalités sociales avec satire et malaise. Les sketchs, se succédant dans un salon funéraire figé dans le temps, mettent en scène des personnages caricaturaux et abordent des thèmes tels que la marchandisation de la mort, l’évolution des funérailles et des rituels à l’ère numérique, l’écologie, les relations humaines sous diverses formes et, plus largement, la vie elle-même, plutôt que la mort.

Ces sketchs, liés par des chansons et des chorégraphies comiques nous fait visiter l’univers de différents personnages. En réalité, ce sont surtout les proches des morts que l’on découvre, plutôt que les défunts eux-mêmes et leurs histoires.

Côté salon, tout y est : des costumes d’employé·es à la fois laids et kitsch, des colombes en papier mâché, une toile décorative peinte à la main, des chaises ornées de mouchoirs, un vieux tapis et des fleurs en plastique. Le lieu est drôle à voir.

© Marlène Gélineau Payette

Le jeu des comédien·nes de la Nouvelle Troupe Expérimentale (la cohorte d’interprètes issue des écoles de théâtre et d’humour durant la pandémie) respecte les codes du sketch. Les employé·es du salon se transforment, à tour de rôle, en des personnages excentriques grossièrement costumés. Mouvements amplifiés, expressivité faciale soulignée de grimaces, gestes maladroits, chutes burlesques, comiques avec les morts, postures et dégaines stéréotypées, nous entretiennent dans le genre. Les acteurs et actrices choisissent des voix exagérées ou des tons décalés, avec des modulations vocales, pour souligner l’absurdité des situations. Toute cette exagération fonctionne bien, mais parfois, cette approche est tellement marquée qu’elle devient épuisante pour le public franchement sollicité.

La pièce, fruit d’une écriture collective à sept auteurs et de la collaboration de la dramaturge Tamara Nguyen, regorge de propositions théâtrales. Le nombre de tableaux créés est impressionnant. Par moments, certains détails prennent une place excessive, et les personnages secondaires développent également leurs propres histoires, en parallèle de l’action principale. Il y a de nombreuses bonnes idées, voire des trouvailles surprenantes, telles que la Thanatopractrice du web-live, un monologue bien tourné sur la mauvaise mère, le skype-funéraire, des tatouages de citation inspirante de la vie, des chansons franchement bien adaptées et des publicités à la fois divertissantes et choquantes, pour n’en citer que quelques-unes.

Cependant, il y a en trop. Des choix doivent être faits. Certaines scènes mériteraient d’être syntonisées, d’autres devraient être épurées, voire supprimées. Cela ajouterait du rythme et maintiendrait le spectateur en alerte, prêt à rire.

Cela dit, Pleurs, mise en scène par Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau, est divertissante à sa manière. L’exploration de leur univers de sketchs est intéressante, mais il faut être prêt à être constamment bombardé d’intensité et d’absurde. Il serait pertinent d’envisager la pièce dans un cadre plus nuancé et resserré. Peut-être lors de la prochaine création à Espace Libre ?

© Marlène Gélineau Payette

Pleurs

Texte et interprétation : Mehdi Agnaou, Zoé Boudou, Anne-Sarah Charbonneau, Simon Duchesne, Fabrice Girard, Laurence Laprise et Caroline Somers. Mise en scène : Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau. Conseillère dramaturgique : Tamara Nguyen. Assistance à la mise en scène et régie : Alexie Pommier et Alexandra Sutto. Scénographie : Nadine Jaafar. Éclairages : Renaud Pettigrew. Conception sonore : Raphaël Léveillée. Costumes : Mathilde Donnard. Accessoires : Elisabeth Coulon-Lafleur. Vidéo : Joy Boissiere. Direction technique : Clara Desautels et Caroline Turcot. Direction de production : Isabelle Gingras. Accompagnement en écoresponsabilité : Écoscéno. Présenté par le Nouveau Théâtre Expérimental à Espace Libre jusqu’au 12 avril 2025.